(English version below)
Je me pose
souvent la question "Pourquoi moi?"
Pas dans le sens
de "pourquoi moi et pas les autres!", mais simplement: "Est-ce
que j'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas faire? Y a-t-il quelque chose
de toxique dans ma vie qui a provoqué mon cancer des ovaires?"
Pourquoi
attrape-t-on un cancer des ovaires? Et connaître la réponse à cette question
permettra-t-il d'empêcher sa progression ou sa récurrence? Je vais parler ici
des risques de développer un cancer ovarien épithélial (80% des cancers
ovariens sont de ce type).
Comme pour tous
les autres cancers, plusieurs facteurs aggravent les risques de développer ce
cancer - et aucun séparément ne peut à lui seul "expliquer" ou
provoquer le cancer.
Et puis à vouloir
tout expliquer on oublie parfois simplement le facteur chance (ou plutôt malchance!). Prenez un exemple. L'alcool
augmente les risques d'accident de la route: beaucoup de personnes ivres au
volant vont perdre la vie; mais beaucoup d'autres n'ont pris aucun risque et
pourtant vont aussi avoir un accident mortel. Ces derniers ont juste eu de la
malchance. Il y aura toujours une grande partie d'inexpliqué dans notre cancer,
et il faudra vivre avec.
Donc à part la
malchance, quels facteurs augmentent les risques du cancer des ovaires? Trois
facteurs combinés entre eux: hormones, génétique et environnement.
Sur le plan hormonal, l'œstrogène est en
cause. Le cancer des ovaires est présent plus souvent chez les femmes dont les
ovaires ont été beaucoup stimulées (ont eu beaucoup d'ovulations), soit parce
que ces femmes ont eu des règles précoces, peu de maternités, ont peu allaité,
ou ont eu une ménopause tardive. Les femmes qui ont pris la pilule
contraceptive pendant très longtemps semblent courir moins de risques de
développer ce cancer.
Le traitement
hormonal à base d'œstrogènes a été
accusé d'augmenter les risques, mais des méta-analyses ont contredit ces
résultats. Le débat reste donc ouvert. Les traitements pour augmenter la
fertilité sont également observés de près. Certaines études suggèrent que le
risque est trois fois plus grand de développer un cancer des ovaires après un
traitement de stimulation des ovaires, mais certaines études ne répliquent pas ces
résultats. Il n'y a pas encore assez de données sur ce sujet pour arriver à un
consensus scientifique.
Comme je suis
psychologue je me pose toujours la question de l'influence de la psychologie dans les maladies! Est-ce
que mes histoires d'amour, ma sexualité, mes stress et hauts et bas émotionnels
pourraient avoir influencé ce cancer? Tout ce que j'ai lu m'indique que la
réponse est: Non. Il n'y a rien de très psychologique dans le cancer - le
stress a une influence sur les taux de cancer quand il est très précoce et très
long (il faudrait qu'il dure pendant des années et soit très intense). Et même
dans les cas où une influence a été détectée statistiquement, cette influence
n'est que très mineure. Généralement les personnes très stressées sont
affectées par d'autres types de maladies et en particulier maladies
cardio-vasculaires ou dépressions et burn-outs... donc revenons-en au cancer.
L'âge est toujours un facteur de risque dans les cancers: plus on vieillit plus
le risque de le voir se développer augmente. La moyenne d'âge du diagnostique
initial du cancer ovarien épithélial se situe en moyenne autour des 60-64 ans.
Il y a des risques génétiques connus, mais
seulement pour une toute petite minorité de femmes. Environ 4% seulement des
cancers ovariens sont associés à des risques familiaux.
La présence des
gènes mutants BRCA1 et BRCA2 augmente les risques de cancer du sein et cancer
des ovaires: ces familles ont généralement plusieurs de leurs membres affectés
par le cancer du sein ou des ovaires.
Les femmes
présentant un syndrome de Lynch ou cancer du colon non polypeux sont à plus
haut risque de développer aussi un cancer des ovaires (plusieurs gènes sont
impliqués).
D'autres
résultats plus récents suggèrent que les personnes portant un gène mutant MUTYH
ont aussi un plus grand risque de développer des cancers du colon, de la vessie
ou des ovaires.
Certaines études
ont invoqué la mutation des gènes CYP1A1 (cytochrome P450 1A1) et CYP1B1,
impliqués dans le métabolisme des œstrogènes et l'élimination des substances
toxiques de notre corps.
Les facteurs environnementaux associés à une plus forte fréquence du
cancer des ovaires sont étudiés par les épidémiologistes sur de grandes
populations. Dans le cas du cancer de l'ovaire, l'influence des facteurs
environnementaux est complexe, diversifiée et faible à la fois. Elle est
souvent controversée car difficile à détecter puisque ce cancer reste
relativement rare. Mais les facteurs environnementaux et l'hygiène de vie sont
très certainement en cause car les pays occidentaux sont beaucoup plus touchés
que les pays asiatiques ; or lorsque les
femmes asiatiques migrent en occident, leurs taux de cancer de l'ovaire
deviennent aussi forts que les femmes occidentales.
Pourtant les
véritables raisons de ces différences restent en grande partie inexpliquées.
Plusieurs facteurs sont certainement en cause et interagissent.
Il est possible
que certains polluants et toxiques
augmentent les risques mais cette piste est complexe à étudier et reste
controversée. Certaines substances nocives présentes dans l'environnement
imiteraient ou interfèreraient avec les hormones féminines. Ainsi certaines
professions sont plus à risque (femmes travaillant dans l'imprimerie qui ont
été exposées aux solvants utilisés;
femmes travaillant dans l'industrie du téléphone qui ont été exposées aux
champs électromagnétiques; les industries du bois, du papier ou du textiles
pourraient également augmenter les risques du fait des poussières respirées).
L'utilisation du talc chez les bébés a été mise en cause mais cette piste reste très
controversée ; les toxiques qui étaient en cause (asbestos) ne sont plus présents
désormais dans les talcs.
Les herbicides de la famille du Triazine (dont l'atrazine, simazien et cyazine) interfèrent avec
les cycles ovariens chez les animaux. De plus les femmes exposées aux
herbicides (travaillant dans l'agriculture en particulier) sont de deux à
quatre fois plus susceptibles de développer un cancer ovarien. Dans l'ensemble,
la piste des polluants et toxiques est très plausible mais toujours
controversée car elle repose sur trop peu de données.
L'hygiène de vie est-elle en cause?
Comme pour beaucoup
d'autres cancers, les risques de développer un cancer des ovaires sont beaucoup
plus élevés chez les femmes en surcharge pondérale (surpoids et obésité). Cette observation n'est pas controversée et
tous les médecins nous le disent - il faut surveiller notre poids.
Les cancers ovariens sont plus nombreux dans les pays nordiques: Il est possible que l'exposition au soleil et la synthèse de la vitamine D (vitamine que nous synthétisons lorsque nous exposons notre peau au soleil quelques minutes par jour) protège du cancer ovarien.
La consommation excessive
d'alcool n'a pas l'air d'influencer
les taux de cancers ovariens. Par contres quelques études suggèrent que fumer pourrait augmenter les risques. Même
si les résultats sur le cancer de l'ovaire sont encore parfois contradictoires,
il n'en reste pas moins que l'alcool consommé en excès et la fumée de cigarette
sont très cancérigènes et leur incidence est établie scientifiquement sur
d'autres cancers (poumons, gorge, etc) y compris dans d'autres cancers
gynécologiques (du sein en particulier).
La consommation
régulière d'anti-douleurs (aspirine
et paracétamol combinés ou aspirine seule, en faible doses) diminuent les
risques (ce qu'on retrouve aussi pour d'autres cancers).
Quand à
l'alimentation, les études ne montrent pas toujours les effets attendus mais
beaucoup indiquent des effets bénéfiques des fruits et légumes variés et céréales complètes associées à une
alimentation pauvre en viandes grasses sur bon nombre de maladies chroniques y
compris certains cancers.
Les facteurs
environnementaux sont donc certainement très impliqués mais encore peu compris
et interagissent avec certains facteurs génétiques et des effets hormonaux également
encore trop peu compris.
Enfin, certaines recherches suggèrent qu'une infection assez commune, la salpingite, pourrait être en cause dans certains cas. Il s'agit d'une infection de l'appareil génital et en particulier des trompes de Fallopes, pouvant mener à l'infertilité dans le pire des cas. Là encore les choses ne sont pas simples et on note des relations de corrélations statistiques qui ne sont pas encore totalement élucidées.
Il est donc
impossible de conclure simplement et de savoir quels sont les causes d'un
cancer des ovaires. Il faut vivre avec le fait que l'on ne saura jamais avec
exactitude quels ont été les facteurs les plus déterminants dans l'apparition
de notre cancer.
Il existe
néanmoins des choses à faire pour mieux vivre pendant et après les traitements,
voir même pour prévenir les rechutes ou les retarder. Une bonne hygiène de vie
peut aider. Par exemple, je m'intéresse beaucoup à l'alimentation
"anti-cancer" en ce moment et j'en parlerai dans de prochains
articles.
(references ci-dessous, en anglais)
***
I often wonder: "Why me?"
Not in the sense of "Why me and not someone
else!" But quite simply: "Did I do something that we should not do? Is
there something toxic in my life that has caused my ovarian cancer? "
Why do we catch ovarian cancer? And if I
ever get the answer to this question, will it prevent cancer recurrence or its progression?
So today I will discuss the risk factors involved in developing epithelial
ovarian cancer (80% of ovarian cancers are epithelial).
Like in other cancers, several factors
increase the risk of developing this particular cancer, and there is never a
single one that can be blamed because it would "explain" or cause
cancer.
And then, when busy trying to find
explanations for everything, we should never forget just the luck factor (or
rather the bad luck). Take an example. Alcohol increases the risk of traffic
accidents: a lot of drunk people will lose their lives while driving; but many
others did not take any risks and yet will also have a fatal accident. They
have just had bad luck. There will always be a largely unexplained part in our
cancer.
But aside from bad luck, what factors do increase
the risk of ovarian cancer according to scientific studies? Three factors
combined: hormones, genetics and environment.
On the hormone side, estrogen is involved. Ovarian cancer occurs more often in women
whose ovaries have been stimulated much (had a lot of ovulations) and because these women have early menarche, few
pregnancies, spent little time or did not at all breastfed, or had a late
menopause. Not all studies agree but most results point in this direction. Women
who took birth control pills for a long time seem less risk of developing this
cancer.
Hormone therapy with estrogen has been
accused of increasing risk, but meta-analyzes have contradicted these results.
The debate remains open. Treatments to increase fertility are also closely
observed. Some studies suggest that the risk of developing ovarian cancer after
treatment for ovarian stimulation is three-fold, but some studies do not
replicate these results. There is not yet enough data on this subject to reach
a scientific consensus.
As I am a psychologist I always wonder if
our psychology, our mental states,
can influence the set up and the course of diseases! Could my love stories, my
sexuality, my disappointments in life, my stress, my emotional ups and downs
have influenced this cancer? Everything I have read so far tells me that the
answer is: No. There is nothing very psychological in cancer. Stress affects
cancer rates when it is very early and very long (it should last for years and be
very intense). And even where its influence has been detected statistically,
this influence is only very minor. Generally very stressed people are affected
by other types of diseases, especially cardiovascular diseases, depressions,
alcoholism, or burn-outs ... So let's get back to cancer.
Age is always a risk factor for cancer: the older we get the more
likely to get (any type of) cancer. The age of initial diagnosis of epithelial
ovarian cancer is on average around 60-64.
There are known genetic risks, but only for a tiny minority of women. Only about 4%
of ovarian cancers are associated with familial risk.
The presence of mutated BRCA1 and BRCA2
increases the risk of breast cancer and ovarian cancer: these families usually
have more of their members affected by breast cancer or ovarian cancer.
Women with Lynch syndrome or hereditary nonpolyposis
colorectal cancer (HNPCC) are at higher risk of developing ovarian cancer (several
genes are involved). In these families there is a higher presence of
endometrial, ovarian, gastric, pancreatic, and biliary tract cancers.
Other recent results suggest that
individuals carrying a mutant gene MUTYH also a greater risk of developing
cancers of the colon, bladder or ovaries.
Some studies suggest the involvement of
genes CYP1A1 (cytochrome P450 1A1) and CYP1B1, that play a role in estrogen
metabolism and elimination of toxic substances in our body.
Environmental
factors associated with a higher incidence of
ovarian cancer are studied by epidemiologists on large populations. In the case
of ovarian cancer, the influence of environmental factors is complex and very
diverse. They are often difficult to detect and one of the reason is that this
cancer is relatively rare and large samples are needed in epidemiologic
approaches.
But environmental factors and lifestyle are
certainly involved because Western countries are much more affected than Asian
countries, yet when Asian women migrate to the West, their rate of ovarian
cancer become as high as in Western women.
It is possible that certain toxics and pollutants increase
the risk but this question remains controversial. The idea is that some harmful
substances in the environment would interfere with or mimic female hormones. Some
occupations are more at risk: Women working in the printing industry and who
have been exposed to solvents used in industrial printers; women working in the
telephone industry who were exposed to electromagnetic fields; women working in
the wood industry, paper, packaging or textiles could also be at increased risk
due to inhaled dusts.
The use of talc in infants has been questioned but this questions has always
been controversial; toxics that were accused (asbestos) are not present in
talcs anymore.
Herbicides of the triazine family
(including atrazine, and simazien
cyazine) interfere with the ovarian cycles in animals. Women exposed to herbicides
(working in agriculture) are two to four times more likely to develop ovarian
cancer.
Overall, the hypothesis of pollutants and
toxics is very plausible, but still controversial because it relies on too few data
and is very complex to study.
Could our
lifestyle be blamed?
Like in many other cancers, the risk of
developing ovarian cancer is much higher among overweight women (overweight and obesity). This
observation is not controversial and all the doctors tell us: We must monitor
our weight and avoid being overweight.
Ovarian cancers are more common in the
Nordic countries: It is possible that exposure to sunlight and the synthesis of vitamin D (vitamin that we
synthesize when we expose our skin to the sun a few minutes per day) protects
against ovarian cancer.
Excessive consumption of alcohol does not
seem to influence the rate of ovarian cancer. Some studies suggest that smoking may increase the risk. Although
the results on ovarian cancer are still sometimes contradictory, the fact
remains that alcohol consumed in
excess and cigarette smoke are proven
carcinogens. Their impact is scientifically established on other cancers (
lungs, throat, etc.) including in other gynecological cancers (particularly
breast).
Some studies suggest that the regular use
of painkillers (aspirin and
paracetamol combined, or aspirin alone, in small doses) decreases the risk of
ovarian cancer occurrence (this is also what is found for other cancers).
As for food,
studies do not always show the expected effects, but many studies point to a health
benefits of a diet with a high quantity and high variety of fruits, vegetables,
and whole grains combined with low intakes of in fatty meats. The positive
impact of such a diet is suggested by many epidemiology studies and animal
studies when observing rates of cancers and other diseases (diabetes,
cardio-vascular diseases etc).
Environmental factors are certainly
involved but still little understood and interact with genetic factors and
hormonal effects. A lot has to be discovered still before we get a clear
picture!
Finally, some research suggests that a fairly common
infection, salpingitis, may be involved in some cases. This is
an infection of the genital tract and especially of fallopian tubes, which can
lead to infertility in the worst cases. Again, things are not simple: There are some observations of statistical correlations but they are far from being the only factor are not yet fully understood.
For the moment, it is simply impossible to
find for one individual, what are the causes of her ovarian cancer. We must
live with the fact that we will never know exactly what were the most important
factors in the development of our cancer.
However, there are things to do to live better
during and after the treatments, or even to prevent relapses or to delay the
recurrence. A healthy lifestyle can help. For example, I am very interested in
"anticancer foods" right now and I will discuss this in a future
article.
***
Références (en anglais):
McLemore, M.R. et al (2010). Epidemiologic and Genetic Factors Associated with Ovarian Cancer.Cancer Nurs. Online on PMC July 1, 2010.
Voir aussi ce site web pour patients:
Et cet article qui
est un peu vieux:
http://www.healthandenvironment.org/ovarian_cancer