vendredi 23 novembre 2012

Indécrottable athée cherche et trouve la spiritualité (Atheisme and spirituality, reflections from a cancer survivor)

(English version below)

"Maman, ça veut dire quoi 'spirituel'?" me demandait William, hier soir. Je lui ai donné une définition, puis une autre et je m'emmèlais dans les concepts pour tenter de lui expliquer que la spiritualité a un lien avec la religion mais qu'on peut être aussi très spirituel sans religion... Je voulais sans doute lui démontrer que JE suis spirituelle malgré mon athéisme indécrottable. J'aurai mieux fait de lui demander d'abord dans quel contexte il avait entendu ce mot au lieu de penser à mon égo. Je crois qu'il est parti avant la fin de mon explication,  mais je n'en suis plus certaine car je me suis retrouvée perdue dans mes pensées...

Je me pose beaucoup de questions sur la spiritualité en ce moment. Je lis "Le livre Tibétain de la Vie et de la Mort" écrit par Sogyal Rinpoché, et je m'interroge sur mes croyances et mes allergies aux croyances. J'aimerais tellement croire! Ca doit être merveilleux de penser qu'après notre mort quelque chose de nous reste en vie, va au ciel, ou bien est réincarné et retourne sur terre, et de préférence pour une vie encore meilleure...

Hélas, je ne crois rien de tout cela. Lorsqu'on ne croit ni à Dieu, ni aux esprits, ni à la réincarnation, ni à la vie au-delà du tunnel, ni au fait que nos morts sont toujours vivants dans un au-delà, la mort n'est-elle pas extrêmement plus cruelle? Deviendrai-je plus croyante à mesure que la dame avec sa grande faux s'approchera de moi? Peut-être, car effectivement la pensée de rejoindre un autre monde ou la croyance que j'aurai un futur dans une autre vie, et que je reviendrai près des miens sous une autre forme, est très apaisante. Alors peut-être changerais-je d'avis? 

Pour le moment, je crois seulement que je resterai vivante grâce à l'influence que j'ai pu avoir sur mes proches durant ma vie. J'espère qu'ils garderont de moi de bons souvenirs, des fous rires surtout! Certains se souviendront de quelques uns de mes moments de courage et s'en inspireront. Certains se souviendront de certaines de mes idées et elles feront leur cheminement dans leur esprit. Peut-être certaines de mes recettes de cuisine me survivront-elles aussi. Certains boiront un bon verre de vin rouge et lèveront leur verre au ciel de me disant "à ta santé Catherinette, où que tu sois j'espère que tu t'amuses encore" et ils souriront.

Un esprit rationnel qui ne croit à rien après la mort pourrait se ficher de tout - puisqu'il a la conviction qu'il n'existera plus du tout! Heureusement, nous ne sommes pas du tout des être rationnels. Notre esprit est construit pour permettre la survie de l'espèce. On sait, rationnellement, que lorsqu'on sera mort, notre réputation n'aura plus d'importance, et que le monde continuera à vivre (même très bien) sans nous (comment osent-ils!?). Et pourtant on veut laisser une bonne image, et on veut même, plus que jamais, incarner la bonté même pour qu'on nous aime encore plus qu'avant!

Pourquoi est-ce que je ne passe pas mes soirées à boire une bonne bouteille de rouge pour moi toute seule pour combattre ma tristesse  et pourquoi est-ce qu'au lieu de cela je continue à prendre soin de ma santé et à lutter pour survivre? Pourquoi est-ce que je continue à économiser mon argent pour ceux qui me suivront alors que je pourrais tout craquer pour faire un beau voyage autour du monde? Ce n'est pas seulement pour moi, c'est aussi une sorte de cadeau à l'après-moi.

Je crois qu'au fond, nous sommes tous des êtres spirituels et altruistes. C'est ce qui a permis à notre espèce de ne pas disparaître. Notre solidarité a permis l'organisation de sociétés extrêmement complexes, d'où sont nés des métiers hyper spécialisés qui ont permis aux groupes les mieux structurés et stables de développer des technologies et d'augmenter l'espérance de vie de manière spectaculaire (savez-vous que l'espérance de vie continue à augmenter et ne semble pas prêt de s'arrêter de grimper? 50% des enfants nés à ce jour dans les pays riches vivront jusqu'à 100 ans! Et les courbes ne semblent pas fléchir, leurs enfants auront peut-être des espérances de vie encore plus longues!). Non seulement nous vivons plus longtemps mais nous vivons de plus en plus confortablement. Notre solidarité permet de créer des logements agréables, des vêtements doux, des nourritures exotiques délicieuses venant de pays lointains. Nous avons alors le loisir, confortablement installés dans nos bureaux, ateliers ou laboratoires, de développer des philosophies, des arts, de nouvelles connaissances sur l'infiniment petit ou sur l'univers...

Alors je ne sais pas comment, mais je sais pourquoi, nous avons évolué pour être solidaires jusqu'au bout. Et j'appelle cela ma vie spirituelle, même si elle est sans religion. C'est la conviction que l'altruisme, au sens large c'est-à-dire un profond sens de responsabilité envers notre communauté humaine mais aussi la nature qui nous a crée et qui nous nourrit, sont des valeurs à défendre pendant notre vie et au-delà de notre mort.

Peut-être un jour pourront nous visiter d'autres planètes mais cela, ni moi, ni mon enfant, ni même ses arrières petits-enfants ne le verront. Et pourtant, je continue de vivre pour aider ceux qui resteront après moi, et pour que certains rêves se réalisent - en enseignant à mon fils à croire en ses rêves par exemple. Alors je sais que bientôt, dans quelques années, ou même dans 40 ans si un miracle se produit, plus rien ne restera de moi, je continue à penser que ce que je fais maintenant continue d'être important. Pour ceux qui vont me survivre. Qu'ils construisent un monde plus pacifique sur une planète plus propre. C'est peut-être pour cela qu'hier je n'ai pas réussi à dire en une seule phrase tout ce que représentait pour moi la notion de spiritualité à mon grand garçon de 11 ans.

***


"Mom, what does it mean: spiritual?" asked William last night. I gave a definition, then another and I started to tangle concepts in an attempt to explain that spirituality has to do with religion, but not necessarily because one can be spiritual without being religious... I probably wanted to show him that I'm spiritual despite being hopelessly an atheist. I should have asked first in what context he had heard this word, instead of letting my ego reply. I think that he actually left before the end of my explanation, and I can't even be certain because I was so lost in my thoughts ...

I often think about spiritual matters these days. I'm reading "The Tibetan Book of Living and Dying" by Sogyal Rinpoché, and I reflect upon my beliefs and my allergies to some beliefs. I would love to be a believer! It must be wonderful to believe that after we die life goes on in some ways, one's soul goes somewhere with other friendly souls, meeting our beloved again, or that one is reincarnated and returns to earth, preferably for an even better life, and perhaps again with the people we loved the most...

Alas, I do not believe any of this. When one doesn't believe in God or spirits, or reincarnation, or life after the tunnel, or the fact that our deads are still alive somewhere in some afterlife, isn't death extremely more cruel? Will I turn into a believer soon, as the black lady with her big scythe approaches me? Maybe yes, because the thought of actually joining another world or the belief that I have a future in another life, and that I would remain close to the people I loved, is very soothing. So perhaps I'll change my mind?

For the moment, I can only believe that I will stay alive thanks to the influence I have had on my environment during my life. I hope people keep good memories of me, especially our bursts of laughter! Some will remember some of my moments of courage and get inspired. Some will remember some of my ideas and these thoughts will make their own journey in their minds. Perhaps some of my food recipes will survive me. Some people will drink a glass of a really good red wine, look up at the sky and say loudly "Hey, Catherinje, wherever you are I hope you are still having fun " and they will smile.

A rational mind who believes in nothing after death could file everything - because she believes that nothing of her will remain anyway! Fortunately, we are not at all rational animals. Our mind is built to ensure the survival of the species. We know, rationally, that after our death, having a good or bad reputation will not affect us in any way, and that actually the entire world will live, very well thank you, without us (how dare they!?). And yet we want to leave a good image, and we want even more than ever, to embody goodness and been perhaps loved even more than before!

Why is it, that I do not spend my evenings drinking a good bottle of red wine for myself to drown my sadness? And why is it that instead I continue to take care of my health and keep on struggling to find ways to survive longer? Why do I continue to save my money for those who will follow me? Why not spending it all to have a great trip around the world? This is not only for me, this is also a kind of gift to the 'after me'.

I believe that deep down, we are all spiritual and altruistic beings . This is what has allowed our species to survive. Our solidarity has allowed the organization of highly complex societies, which have given birth to hyper specialized activities that allowed the well structured and stable groups to develop technologies and increase their life expectancy dramatically (life expectancy continues to increase and does not seem ready to stop climbing: 50% of children born today in rich countries will live up to 100 years! And the curves do not seem to flex: their children may have even longer life expectancies!). We not only live longer but we live more comfortably. Solidarity has created nice and warm accommodations, smooth and delicate clothing, delicious exotic foods travelling to us from distant countries. Then we have the leisure, comfortably settled in our offices, studios or laboratories, to develop philosophies, arts, new knowledge about the infinitely small or the universe ...

So I do not know how, but I know why we evolved to stand together until the end. And I call it my spiritual life, even if it is not religion. It is the belief that altruism, in the broad sense, that is to say, a profound sense of responsibility to our community, but also natural world in general, the nature that created us and sustains us with food, beauty and air, are values to defend during our lives and beyond our death.

Maybe one day we can visit other planets but neither I, nor my children, nor his great-grandchildren will ever see this happening. And yet, I still live to help those who will survive me, so that some dreams come true - teaching my son to believe in his dreams, for example. So I know that soon, in a few years or even in 40 years if a miracle happens, nothing will be left of me, and however I know why I still believe that what I'm doing now continues to be important. For those who will survive me. They have to continue to build a more peaceful world on a cleaner planet. This may be why yesterday I have not been able to answer to my big boy in one sentence, and to let him know all the richness of what the word spirituality meant to me.
***


mardi 20 novembre 2012

La peur d'une rechute et retour au travail (Fear of Recurrence, Back at Work)

English version below (in preparation, be patient...)

(ATTENTION: Ne lisez pas cet article si vous ne souhaitez pas connaître les chiffres des risques de rechute et de survie liés au cancer des ovaires)


Nous avons fait une petite fête entre amis pour célébrer ma rémission, mais mon cancer est loin d'être terminé. Lorsque les traitements s'arrêtent, nous ne sommes pas guéries, nous sommes simplement en rémission. Les risques que le cancer des ovaires revienne, même après une rémission complète comme la mienne, sont toujours très élevés lorsque le cancer a été détecté tardivement.

Voici ce que j'ai lu sur le site Doctissimo.fr, des chiffres qui me donnent la chair de poule.
(
http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/cancer_ovaire/13117-vaccin-recidives-cancer-ovaire.htm)
Les femmes qui souffrent d'un cancer [des ovaires] au stade tardif sont mises en rémission complète dans 80 % des cas mais 75 % d'entre elles rechutent en moyenne au bout de 16 à 18 mois. "Le traitement de la rechute a beaucoup progressé" précise le Pr. Pujade-Lauraine, chef du service d'oncologie médicale de l'Hôtel-Dieu. "Néanmoins, la médiane de survie ne dépasse pas les 3 à 4 ans, ce qui est particulièrement décevant, notamment en comparaison avec le pourcentage de patientes en rémission initialement" ajoute t-il.


Les première années seront déterminantes sur les chances de survie. Plus on survit, plus les risques de rechute sont faibles.

Mais je dois désormais reprendre la vie normale, avec ces chiffres terrifiants en tête. Je fais de mon mieux, et je profite de ma vie, mais la mort me tient compagnie. J'y pense souvent et je m'y prépare, tout en reprenant le rythme d'une vie normale faite de sorties, shopping, yoga, cuisine, ballades...

La rechute, la peur, l'angoisse, l'envie de continuer à être soutenue. J'ai discuté de ces sujets avec le médecin du travail. Je lui ai dit que cela allait être lourd de porter cette information alors que tout le monde au travail va me voire arriver et s'attendre peut-être à ce que je reprenne le rythme normalement. Je ne me sens plus la même personne. Emotionellement, j'ai beaucoup changé et je ne me vois pas faire comme si de rien n'était. Je sens que j'ai très envie d'en parler et de me sentir comprise et soutenue, y compris sur mon lieu de travail. En même temps, je ne veux pas, ni ennuyer les gens, ni devenir émotionnelle et perdre un certain respect. Je suis cadre et je suis supposée encadrer et soutenir les gens moi aussi, pas l'inverse.

Le médecin a été formidable et m'a donné un bon conseil. S'appuyant sur un exemple qui lui est très personnel et que je ne peux pas répéter ici, il m'a dit sans l'ombre d'un doute que je devais 1) en parler, 2) mais pas à tout le monde. A qui en parler: à mes supérieurs, ceux dont je sais qu'ils me soutiendront inconditionnellement, et à mon chef direct qui doit assumer la situation et dont la responsabilité est de me soutenir. Il doit savoir pourquoi parfois il est possible que j'aie besoin de repos, ou qu'il est possible que certaines situations ou discussions me rendent émotionnelle.

Et puis je peux en parler aux collègues très proches, les collègues que je considère comme des amis, mais il faut mettre des limites et ne pas en parler à tout le monde, même quand parfois on a envie de le crier! Il faut en discuter uniquement avec les personnes qui ont été là pour me soutenir et continueront de le faire. J'aurai besoin de ce soutien et je me sentirai bien mieux sur mon lieu de travail si je sens que quelques personnes sont proches de moi et seront présente si j'ai un coup de cafard.

J'ai trouvé ce conseil très utile. Je dois réintégrer le travail dans deux semaines, et je me sens confiante. Je sais désormais qui je vais informer de mes risques de rechute et leur demander un peu de patience pendant les mois qui viennent. Je sais qui seront les amies qui seront au courant et que je pourrais aller voir en catimini si je me sens mal.
 
Je suis impatiente de reprendre, de revoir du monde, de me montrer utile, d'être un peu distraite et d'arrêter de penser un peu au cancer pendant quelques heures dans la journée! Je reprends le travail sans grande ambition de carrière, mais avec simplement l'ambition de me montrer une bonne collègue et de faire un bon travail au jour le jour. Tant de choses ont changé en moi!

***
 
(WARNING: Do not read this article if you do not want to know the odds related to the risks of relapse and survival associated with ovarian cancer)


We had a small party with my friends and my son to celebrate my remission, but my cancer is far from over. When treatment is stopped, we are not healed, we're just in remission. The risk for ovarian cancer to return, even after a complete remission like mine, are still very high when the cancer was detected late.

Here's what I read on the site Doctissimo.fr, and these numbers gave me goosebumps.
(Http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/cancer_ovaire/13117-vaccin-recidives-cancer-ovaire.htm)
"Women who suffer from late stage [ovarian] cancer are put into complete remission in 80% of cases but 75% of them relapse after; the median cancer free period before relapse is around 16 to 18 months. 'The treatment of relapse has progressed,' says Prof. Pujade-Lauraine, head of medical oncology at the Hotel-Dieu.
'However, the median survival does not exceed 3 to 4 years, which is particularly disappointing, especially in comparison with the percentage of patients in remission initially', he adds.

The first years will be critical to survival. The longer a woman survives, the lower the risks of relapse.
With these terrifying figures in mind, I must now resume normal life. I do my best, and I carry on with my life, but death keeps me company. I often think about death, and I'm getting ready to it, while regaining a normal life rhythm made of outings, shopping, yoga, cooking, long walks... Honestly, my mood goes up and down, and I feel unable to control it.
Relapse, fear, anxiety, and a strong desire to continue to get support from somewhere. It's all there. I discussed these issues with the doctor. What will happen when I get back to work in two weeks?
I told him that it would be cumbersome to share this information when everyone is at work and expects me to progressively resume my activities, get back into a normal pace of working soon. I am no longer the same person. Emotionally, I've changed a lot and I do not see myself doing as if nothing had happened. I feel that I really want to talk and feel understood and supported, including at my workplace. At the same time, I do not want to annoy people, or to become emotional and lose some respect.
I am a manager and I'm supposed to mentor, help, guide and support people too. I can't be the one who desperatly need support.
 
The doctor was great and gave me some very good advice. Based on an example taken from his own life and that I can not repeat here, he said without a doubt that I had to 1) talk about it, 2) but not everyone. Whom to talk to: my managers, those who I know will support me unconditionally, and those whose responsibility is to support me. They need to know why sometimes it is possible that I need to rest, or why certain situations or discussions could make me become emotional. And then I can talk to colleagues, the ones whom I consider as my friends.

I will need to define my limits: I should not talk about this topic with everybody at work, even if sometimes I want to scream! I should be careful to bring up the topic only with the very people who were there to support me and will continue to do so. Not everybody cares or has the maturity to reply in a supportive way.
I found this advice very useful: I must return to work in two weeks, and I feel more confident that I will feel all right there. I now know whom I will inform about my risk of relapse my anxiety, and will ask them a bit of patience and extra support in the coming months. I know who are the friends who will be aware of my condition, and to whom I could go to when I (keep it secret, please) feel bad.

Actually, I can not wait to return to the working world: to feel useful, to get a bit distracted too and to stop thinking a little cancer for a few hours in the day!
I shall return to work with few ambitions for my future career, but with the simple ambition to be a good colleague and do a good job on a daily basis.
So much has changed in me!


***