jeudi 19 avril 2012

Pourquoi moi? (Why Me?)

(English version below)

Je me pose souvent la question "Pourquoi moi?"

Pas dans le sens de "pourquoi moi et pas les autres!", mais simplement: "Est-ce que j'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas faire? Y a-t-il quelque chose de toxique dans ma vie qui a provoqué mon cancer des ovaires?" 

Pourquoi attrape-t-on un cancer des ovaires? Et connaître la réponse à cette question permettra-t-il d'empêcher sa progression ou sa récurrence? Je vais parler ici des risques de développer un cancer ovarien épithélial (80% des cancers ovariens sont de ce type).

Comme pour tous les autres cancers, plusieurs facteurs aggravent les risques de développer ce cancer - et aucun séparément ne peut à lui seul "expliquer" ou provoquer le cancer.  

Et puis à vouloir tout expliquer on oublie parfois simplement le facteur chance (ou plutôt malchance!). Prenez un exemple. L'alcool augmente les risques d'accident de la route: beaucoup de personnes ivres au volant vont perdre la vie; mais beaucoup d'autres n'ont pris aucun risque et pourtant vont aussi avoir un accident mortel. Ces derniers ont juste eu de la malchance. Il y aura toujours une grande partie d'inexpliqué dans notre cancer, et il faudra vivre avec.

Donc à part la malchance, quels facteurs augmentent les risques du cancer des ovaires? Trois facteurs combinés entre eux: hormones, génétique et environnement.

Sur le plan hormonal, l'œstrogène est en cause. Le cancer des ovaires est présent plus souvent chez les femmes dont les ovaires ont été beaucoup stimulées (ont eu beaucoup d'ovulations), soit parce que ces femmes ont eu des règles précoces, peu de maternités, ont peu allaité, ou ont eu une ménopause tardive. Les femmes qui ont pris la pilule contraceptive pendant très longtemps semblent courir moins de risques de développer ce cancer.

Le traitement hormonal à base  d'œstrogènes a été accusé d'augmenter les risques, mais des méta-analyses ont contredit ces résultats. Le débat reste donc ouvert. Les traitements pour augmenter la fertilité sont également observés de près. Certaines études suggèrent que le risque est trois fois plus grand de développer un cancer des ovaires après un traitement de stimulation des ovaires, mais certaines études ne répliquent pas ces résultats. Il n'y a pas encore assez de données sur ce sujet pour arriver à un consensus scientifique.   

Comme je suis psychologue je me pose toujours la question de l'influence de la psychologie dans les maladies! Est-ce que mes histoires d'amour, ma sexualité, mes stress et hauts et bas émotionnels pourraient avoir influencé ce cancer? Tout ce que j'ai lu m'indique que la réponse est: Non. Il n'y a rien de très psychologique dans le cancer - le stress a une influence sur les taux de cancer quand il est très précoce et très long (il faudrait qu'il dure pendant des années et soit très intense). Et même dans les cas où une influence a été détectée statistiquement, cette influence n'est que très mineure. Généralement les personnes très stressées sont affectées par d'autres types de maladies et en particulier maladies cardio-vasculaires ou dépressions et burn-outs... donc revenons-en au cancer.

L'âge est toujours un facteur de risque dans les cancers: plus on vieillit plus le risque de le voir se développer augmente. La moyenne d'âge du diagnostique initial du cancer ovarien épithélial se situe en moyenne autour des 60-64 ans.

Il y a des risques génétiques connus, mais seulement pour une toute petite minorité de femmes. Environ 4% seulement des cancers ovariens sont associés à des risques familiaux.

La présence des gènes mutants BRCA1 et BRCA2 augmente les risques de cancer du sein et cancer des ovaires: ces familles ont généralement plusieurs de leurs membres affectés par le cancer du sein ou des ovaires.

Les femmes présentant un syndrome de Lynch ou cancer du colon non polypeux sont à plus haut risque de développer aussi un cancer des ovaires (plusieurs gènes sont impliqués).

D'autres résultats plus récents suggèrent que les personnes portant un gène mutant MUTYH ont aussi un plus grand risque de développer des cancers du colon, de la vessie ou des ovaires.

Certaines études ont invoqué la mutation des gènes CYP1A1 (cytochrome P450 1A1) et CYP1B1, impliqués dans le métabolisme des œstrogènes et l'élimination des substances toxiques de notre corps.

Les facteurs environnementaux associés à une plus forte fréquence du cancer des ovaires sont étudiés par les épidémiologistes sur de grandes populations. Dans le cas du cancer de l'ovaire, l'influence des facteurs environnementaux est complexe, diversifiée et faible à la fois. Elle est souvent controversée car difficile à détecter puisque ce cancer reste relativement rare. Mais les facteurs environnementaux et l'hygiène de vie sont très certainement en cause car les pays occidentaux sont beaucoup plus touchés que les pays asiatiques ;  or lorsque les femmes asiatiques migrent en occident, leurs taux de cancer de l'ovaire deviennent aussi forts que les femmes occidentales.

Pourtant les véritables raisons de ces différences restent en grande partie inexpliquées. Plusieurs facteurs sont certainement en cause et interagissent. 

Il est possible que certains polluants et toxiques augmentent les risques mais cette piste est complexe à étudier et reste controversée. Certaines substances nocives présentes dans l'environnement imiteraient ou interfèreraient avec les hormones féminines. Ainsi certaines professions sont plus à risque (femmes travaillant dans l'imprimerie qui ont été exposées aux solvants utilisés; femmes travaillant dans l'industrie du téléphone qui ont été exposées aux champs électromagnétiques; les industries du bois, du papier ou du textiles pourraient également augmenter les risques du fait des poussières respirées).

L'utilisation du talc chez les bébés a été mise en cause mais cette piste reste très controversée ; les toxiques qui étaient en cause (asbestos) ne sont plus présents désormais dans les talcs.

Les herbicides de la famille du Triazine (dont l'atrazine, simazien et cyazine) interfèrent avec les cycles ovariens chez les animaux. De plus les femmes exposées aux herbicides (travaillant dans l'agriculture en particulier) sont de deux à quatre fois plus susceptibles de développer un cancer ovarien. Dans l'ensemble, la piste des polluants et toxiques est très plausible mais toujours controversée car elle repose sur trop peu de données.
 

L'hygiène de vie est-elle en cause?

Comme pour beaucoup d'autres cancers, les risques de développer un cancer des ovaires sont beaucoup plus élevés chez les femmes en surcharge pondérale (surpoids et obésité). Cette observation n'est pas controversée et tous les médecins nous le disent - il faut surveiller notre poids.  


Les cancers ovariens sont plus nombreux dans les pays nordiques: Il est possible que l'exposition au soleil et la synthèse de la vitamine D (vitamine que nous synthétisons lorsque nous exposons notre peau au soleil quelques minutes par jour) protège du cancer ovarien.

La consommation excessive d'alcool n'a pas l'air d'influencer les taux de cancers ovariens. Par contres quelques études suggèrent que fumer pourrait augmenter les risques. Même si les résultats sur le cancer de l'ovaire sont encore parfois contradictoires, il n'en reste pas moins que l'alcool consommé en excès et la fumée de cigarette sont très cancérigènes et leur incidence est établie scientifiquement sur d'autres cancers (poumons, gorge, etc) y compris dans d'autres cancers gynécologiques (du sein en particulier).

La consommation régulière d'anti-douleurs (aspirine et paracétamol combinés ou aspirine seule, en faible doses) diminuent les risques (ce qu'on retrouve aussi pour d'autres cancers).

Quand à l'alimentation, les études ne montrent pas toujours les effets attendus mais beaucoup indiquent des effets bénéfiques des fruits et légumes variés et céréales complètes associées à une alimentation pauvre en viandes grasses sur bon nombre de maladies chroniques y compris certains cancers.

Les facteurs environnementaux sont donc certainement très impliqués mais encore peu compris et interagissent avec certains facteurs génétiques et des effets hormonaux également encore trop peu compris.


Enfin, certaines recherches suggèrent qu'une infection assez commune, la salpingite, pourrait être en cause dans certains cas. Il s'agit d'une infection de l'appareil génital et en particulier des trompes de Fallopes, pouvant mener à l'infertilité dans le pire des cas. Là encore les choses ne sont pas simples et on note des relations de corrélations statistiques qui ne sont pas encore totalement élucidées. 

Il est donc impossible de conclure simplement et de savoir quels sont les causes d'un cancer des ovaires. Il faut vivre avec le fait que l'on ne saura jamais avec exactitude quels ont été les facteurs les plus déterminants dans l'apparition de notre cancer.

Il existe néanmoins des choses à faire pour mieux vivre pendant et après les traitements, voir même pour prévenir les rechutes ou les retarder. Une bonne hygiène de vie peut aider. Par exemple, je m'intéresse beaucoup à l'alimentation "anti-cancer" en ce moment et j'en parlerai dans de prochains articles.
(references ci-dessous, en anglais)


***
I often wonder: "Why me?"
Not in the sense of "Why me and not someone else!" But quite simply: "Did I do something that we should not do? Is there something toxic in my life that has caused my ovarian cancer? "
Why do we catch ovarian cancer? And if I ever get the answer to this question, will it prevent cancer recurrence or its progression? So today I will discuss the risk factors involved in developing epithelial ovarian cancer (80% of ovarian cancers are epithelial).
Like in other cancers, several factors increase the risk of developing this particular cancer, and there is never a single one that can be blamed because it would "explain" or cause cancer.
And then, when busy trying to find explanations for everything, we should never forget just the luck factor (or rather the bad luck). Take an example. Alcohol increases the risk of traffic accidents: a lot of drunk people will lose their lives while driving; but many others did not take any risks and yet will also have a fatal accident. They have just had bad luck. There will always be a largely unexplained part in our cancer.
But aside from bad luck, what factors do increase the risk of ovarian cancer according to scientific studies? Three factors combined: hormones, genetics and environment.
On the hormone side, estrogen is involved. Ovarian cancer occurs more often in women whose ovaries have been stimulated much (had a lot of ovulations) and because these women have early menarche, few pregnancies, spent little time or did not at all breastfed, or had a late menopause. Not all studies agree but most results point in this direction. Women who took birth control pills for a long time seem less risk of developing this cancer.
Hormone therapy with estrogen has been accused of increasing risk, but meta-analyzes have contradicted these results. The debate remains open. Treatments to increase fertility are also closely observed. Some studies suggest that the risk of developing ovarian cancer after treatment for ovarian stimulation is three-fold, but some studies do not replicate these results. There is not yet enough data on this subject to reach a scientific consensus.
As I am a psychologist I always wonder if our psychology, our mental states, can influence the set up and the course of diseases! Could my love stories, my sexuality, my disappointments in life, my stress, my emotional ups and downs have influenced this cancer? Everything I have read so far tells me that the answer is: No. There is nothing very psychological in cancer. Stress affects cancer rates when it is very early and very long (it should last for years and be very intense). And even where its influence has been detected statistically, this influence is only very minor. Generally very stressed people are affected by other types of diseases, especially cardiovascular diseases, depressions, alcoholism, or burn-outs ... So let's get back to cancer.
Age is always a risk factor for cancer: the older we get the more likely to get (any type of) cancer. The age of initial diagnosis of epithelial ovarian cancer is on average around 60-64.
There are known genetic risks, but only for a tiny minority of women. Only about 4% of ovarian cancers are associated with familial risk.
The presence of mutated BRCA1 and BRCA2 increases the risk of breast cancer and ovarian cancer: these families usually have more of their members affected by breast cancer or ovarian cancer.
Women with Lynch syndrome or hereditary nonpolyposis colorectal cancer (HNPCC) are at higher risk of developing ovarian cancer (several genes are involved). In these families there is a higher presence of endometrial, ovarian, gastric, pancreatic, and biliary tract cancers.
Other recent results suggest that individuals carrying a mutant gene MUTYH also a greater risk of developing cancers of the colon, bladder or ovaries.
Some studies suggest the involvement of genes CYP1A1 (cytochrome P450 1A1) and CYP1B1, that play a role in estrogen metabolism and elimination of toxic substances in our body.


Environmental factors associated with a higher incidence of ovarian cancer are studied by epidemiologists on large populations. In the case of ovarian cancer, the influence of environmental factors is complex and very diverse. They are often difficult to detect and one of the reason is that this cancer is relatively rare and large samples are needed in epidemiologic approaches.
But environmental factors and lifestyle are certainly involved because Western countries are much more affected than Asian countries, yet when Asian women migrate to the West, their rate of ovarian cancer become as high as in Western women.
It is possible that certain toxics and pollutants increase the risk but this question remains controversial. The idea is that some harmful substances in the environment would interfere with or mimic female hormones. Some occupations are more at risk: Women working in the printing industry and who have been exposed to solvents used in industrial printers; women working in the telephone industry who were exposed to electromagnetic fields; women working in the wood industry, paper, packaging or textiles could also be at increased risk due to inhaled dusts.
The use of talc in infants has been questioned but this questions has always been controversial; toxics that were accused (asbestos) are not present in talcs anymore.
Herbicides of the triazine family (including atrazine, and simazien cyazine) interfere with the ovarian cycles in animals. Women exposed to herbicides (working in agriculture) are two to four times more likely to develop ovarian cancer.
Overall, the hypothesis of pollutants and toxics is very plausible, but still controversial because it relies on too few data and is very complex to study.
Could our lifestyle be blamed?
Like in many other cancers, the risk of developing ovarian cancer is much higher among overweight women (overweight and obesity). This observation is not controversial and all the doctors tell us: We must monitor our weight and avoid being overweight.
Ovarian cancers are more common in the Nordic countries: It is possible that exposure to sunlight and the synthesis of vitamin D (vitamin that we synthesize when we expose our skin to the sun a few minutes per day) protects against ovarian cancer.
Excessive consumption of alcohol does not seem to influence the rate of ovarian cancer. Some studies suggest that smoking may increase the risk. Although the results on ovarian cancer are still sometimes contradictory, the fact remains that alcohol consumed in excess and cigarette smoke are proven carcinogens. Their impact is scientifically established on other cancers ( lungs, throat, etc.) including in other gynecological cancers (particularly breast).
Some studies suggest that the regular use of painkillers (aspirin and paracetamol combined, or aspirin alone, in small doses) decreases the risk of ovarian cancer occurrence (this is also what is found for other cancers).
As for food, studies do not always show the expected effects, but many studies point to a health benefits of a diet with a high quantity and high variety of fruits, vegetables, and whole grains combined with low intakes of in fatty meats. The positive impact of such a diet is suggested by many epidemiology studies and animal studies when observing rates of cancers and other diseases (diabetes, cardio-vascular diseases etc).
Environmental factors are certainly involved but still little understood and interact with genetic factors and hormonal effects. A lot has to be discovered still before we get a clear picture!


Finally, some research suggests that a fairly common infection, salpingitis, may be involved in some cases. This is an infection of the genital tract and especially of fallopian tubes, which can lead to infertility in the worst cases. Again, things are not simple: There are some observations of statistical correlations but they are far from being the only factor are not yet fully understood.
For the moment, it is simply impossible to find for one individual, what are the causes of her ovarian cancer. We must live with the fact that we will never know exactly what were the most important factors in the development of our cancer.
However, there are things to do to live better during and after the treatments, or even to prevent relapses or to delay the recurrence. A healthy lifestyle can help. For example, I am very interested in "anticancer foods" right now and I will discuss this in a future article.
***

Références (en anglais):
McLemore, M.R. et al (2010). Epidemiologic and Genetic Factors Associated with Ovarian Cancer.Cancer Nurs. Online on PMC July 1, 2010.
Voir aussi ce site web pour patients:
Et cet article qui est un peu vieux:
http://www.healthandenvironment.org/ovarian_cancer

2 commentaires:

Anonyme a dit…

I have been following your progress since you have been diagnosed with overran cancer and had the surgery in the summer. Then I followed your chemotherapy treatment, and your completion of the treatments. You were so very happy and then you went on a skiing trip with your son. I am so fascinated by your knowledge and your interest in educating other women. When I read your blog, my heart always moves a little bit faster because of my anxiousness when overran cancer becomes a discussion. It actually puts fear in my heart. However, knowing you and how you are fighting this disease makes me feel that you will make it, and will come to talk about it for many, many years to come. Knowing how you are fighting, gives me hope that other women are fighting hard, and in the future when and if other women will be diagnosed with this type of cancer, you will be their role model.

Catherine T. a dit…

Hi,
thank you very much for this comment.
I've learned a lot from other people in the past. And other people will learn from me and without even noticing they will also become new role models for others.
Lots of people are my role models during this disease - I am amazed how much support some people can provide. Everybody is different and supports me in very various ways. It's amazing. Sometimes it's really hard for them as well, I know!
But I am glad if I can help by at least sharing what i've learned on the way! thanks a lot for this comment.It helps me keep on writing :-)
Greetings, Catherine