samedi 15 avril 2017

Peintures : rêves d'évasion

Mon école de peinture a exposé certaines de nos créations, voici le portrait que j'ai choisi de peindre. Inspiré d'une photo du film et projet "Human" de Yann-Arthus Bertrand. "Esclave moderne", un homme de Haiti racontant sa vie difficile et pauvre dans les plantations de cannes à sucre. Son histoire m'a beaucoup émue.




Une autre peinture, petite et sur papier, inspirée de la musique et vidéo de Everloving de Moby. J'avais envie de peindre l'évasion pendant les séances de chimio et j'avais envie de peindre quelque chose comme une fenêtre ouverte sur un beau paysage - mais quand j'ai vu cette vidéo, c'est l'image qui m'est venue et qui s'imposait. Il s'agit du train qui va de Oslo à Bergen, d'où on peut prendre un bateau pour voir les fjords norvégiens... 9 minutes que de bonheur : https://www.youtube.com/watch?v=atyvdC15HFA&list=RDatyvdC15HFA#t=15
Bonne rêverie...





vendredi 7 avril 2017

Dating ?


Mon ami me lisait à voix haute une petite annonce où une personne séropositive cherchait une rencontre avec une autre personne séropositive. – nous étions dans les années 1990, bien avant l’internet et avant la trithérapie contre le sida – la préhistoire quoi. Je me souviens vaguement de la discussion parce que nous n’étions pas d’accord. À vingt ans, je voyais l’amour comme bien au-dessus d’une maladie quelconque. On aime, c’est tout, le Sida ne doit pas empêcher deux personnes de s’aimer. Je pensais surtout à la contamination : ils mettent la capote et point, où est le problème ?  

Lui, il trouvait que c’était une bonne idée de trouver une personne partageant aussi la même maladie tandis que je trouvais cette idée vraiment cruelle et discriminante. Si on aime, on aime malgré le handicap ou la maladie. Et on vit tout à 10000%.

Et nous voici vingt ans après et si nous reprenions cette conversation, mon opinion serait beaucoup plus nuancée. J’aimerais moi aussi trouver un petit amoureux qui partage mon expérience, comme les ados du film « nos étoiles contraires ». Pas vraiment pour partager l’expérience du cancer, merci bien, ça suffit d’un, mais simplement parce qu’il me semble qu’une personne sans maladie ne devrait pas m’aimer. Je trouve qu’il serait cruel de faire souffrir un homme qui tomberait amoureux de moi et qui ne pourrait que constater son impuissance face à la maladie qui reprendra un jour sa progression.

Évidemment, j’ai cherché sur internet, vous me connaissez maintenant, des articles sur le dating durant le cancer. Qu’en pensent les autres ? Quelles sont les expériences, les petites histoires… ? On trouve des articles qui parlent de l’amour et la sexualité – pendant ou après le cancer, qui disent que l’amour et la patience permettent de surpasser les difficultés corporelles gnagnagna… mais pour les couples déjà formés.  

Sur le dating précisément ? Quasiment rien. J’ai trouvé UN article qui parle du dating avec le cancer … mais qui parle uniquement de l’après cancer… rien sur le cancer incurable. Ah ah ! C’est trop facile ! D’ailleurs je lis des commentaires qui protestent « et pendant le cancer alors ? Que fait-on quand le cancer est incurable ? C’est fini, vous nous avez déjà enterrés ? ». Effectivement. On trimbale nos cancers incurables pendant des années, nous, et on aimerait bien aussi se blottir dans des bras chauds et réconfortants, et rire et avoir des soirées aux chandelles pleines de tendresse.

On nous dit de vivre à fond et le plus normalement possible. Mais sur le dating, les rencontres ? Zap ! Silence radio ! Comme si on nous le déconseillait implicitement. Comme si cela relevait de la pure folie…

Avant-hier en salle de chimio, je vois un homme sourire pour la photo, faire le signe V de la victoire. Sa femme partage ça sur les réseaux sociaux et tout le monde va lui dire qu’il formidable... Et il l’est certainement. Mais si on met la même photo sur un site de rencontre ? Vous imaginez les réactions ? Et quel genre de personne va-t-on attirer ? L’abbé Pierre ?

Et si j’arrêtais de me donner des interdictions et que j’ouvrais la porte à celui qui y frappe doucement en me demandant si je peux lui offrir aussi un peu de tendresse ? Est-ce que ce serait mal ? Mon esprit me dit que non, car c’est égoïste, mais mon cœur me dit que oui, car c’est seulement naturel.


Mon amie Ursula m’a dit  « Si on suit ton raisonnement, on n’a même pas de bébé parce qu’un jour le bébé va grandir et mourir. ». Et Véro m’a dit que c’est Ursula qui avait raison et que moi, je méritais des claques ! Et tout ça m’a redonné le sourire. Il faut prendre la vie comme elle vient et avec les hasards qu’elle offre et ne pas tout planifier. 

Et je le sais, mais que c’est dur de ne vivre que dans le présent parfois, et comme je me sens coupable d’être malade et de faire souffrir ceux qui m’aiment ! 

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mardi 4 avril 2017

Doutes et cache-cache avec le cancer


C’est vrai que je n’écris plus beaucoup. Comment se passe donc la vie après la récurrence, est-ce que j’attends que la prochaine arrive ? Non pas du tout. Je suis angoissée et triste, mais je n’attends rien. Je prends juste soin de moi, et j’essaie de vivre dans le présent absolu. L’avenir n’existe pas, ou si peu – deux ans peut-être ? trois ??? C’est triste, mais c’est comme ça, c’est ma réalité, mon illusion cognitive. Un équilibre difficile à réaliser entre le réalisme et le bien-être. 

Je suis passée aujourd’hui faire mon bilan habituel et n’ai pas encore les résultats des analyses mais je ne suis jamais pressée de les demander. Si ça allait mal on me recontacterait et on ne m’a pas recontactée. Tout continue à bien aller, même si ces visites relancent les grosses angoisses habituelles et toutes les questions sur la vie et la mort…

Mais j’oublie. Je quitte l’hôpital, angoissée et mélancolique, et je prends des photos d’une paire d’arbres en fleur que je peindrai peut-être (ou peut-être pas), et mes projets à court-terme recommencent à m’occuper l’esprit ainsi que la contemplation des arbres et des fleurs du printemps sur le chemin. Je pense à une peinture que j’aimerais faire, à un email que je dois écrire, à nos prochaines vacances…

Est-ce dangereux d’oublier le cancer ? Une homéopathe (je ne l’ai vue qu’une fois d’ailleurs…) m’avait dit qu’il ne fallait pas l’oublier car le cancer aimait cela, qu’on l’oublie… On en entend des conneries quand on a le cancer, je vous le dit. Des gens qui nous sortent des théories sur la psychologie, ce qu’il faut penser ou ne pas penser.  Ses paroles continuent à me tourmenter. Et si elle avait raison ? 

Une amie atteinte du même cancer que moi, également récurrent, me parlait de son choc quand une personne lui a dit dans une réunion de l’assoc contre le cancer, devant tout le monde, ce qu’il fallait qu’elle mange… (un fruit exotique rare dans nos régions évidemment, ce serait trop évident si on nous disait que manger de la pomme ferait fuir le cancer, mais quand c’est un fruit exotique, l’idée semble plus plausible). C’est comme les gens qui nous disent comment bien élever notre enfant, je lui ai répondu, ce sont toujours les gens qui n’en ont pas qui ont les idées les plus arrêtées sur le sujet. Mon amie de conclure qu’elle en avait marre, comme si on avait en plus besoin de se sentir coupables ! Sa colère me rappelait la mienne, lorsque la récurrence est arrivée. Je suis moins en colère maintenant, plutôt triste qu’en colère, et parfois résignée. Parfois vaguement optimiste… et si je survivais longtemps !?

Souvent, j’oublie. Tout simplement. Et pourtant, les doutes me tourmentent. Ils reviennent par vague. Dès la moindre faiblesse. Les pensées en boucle reviennent. Je me sens coupable d’oublier, et si jamais elle avait raison, et est-ce que je ne devrais pas me remettre un peu à la méditation, et y penser un peu de manière plus approfondie, au lieu de l’éviter... blablabla... les pensées envahissantes qui ne mènent à rien. 

Car franchement, peut-on apprendre à penser à la mort sans stress ? En théorie peut-être, mais quand on y est confronté en réalité !?. Quelle personne bien dans sa tête et heureuse de vivre peut apprendre à accepter avec sagesse la perspective de mourir bientôt ? Et puis penser souvent ou en permanence au trauma et à la mort, c’est justement la définition d’un trauma. Pour être résilient, en général il faut justement trouver des activités qui éloignent de la pensée traumatique. Alors... j'ai raison ?

Je crois qu’on ne souhaite la mort et qu’on ne l’accueille que lorsqu’on est épuisé ou lorsque la douleur nous amène à la souhaiter. Je ne vois pas comment y penser plus souvent, me permettrait de mieux l’apprivoiser.

Pour survivre plus longtemps, on a besoin de ses forces, de motivation pour continuer à s’occuper de son corps, de peu de stress certainement ce qui est synonyme d’activités relaxantes et apaisantes, de rire, de compagnie, d’amour et d’amitié. Les divertissements sont les bienvenus dans la lutte contre le cancer - la peinture pour moi, et pour d’autres ce seront la musique, la poterie, les loisirs créatifs, l’écriture…

J'écris cela pour m'en persuader peut-être. Lorsque, comme aujourd'hui, je doute et je re-re-re-questionne tout ce que je fais. Est-ce que j'ai le droit moral, de faire ceci cela... Mais je vis, plutôt que de continuer à passer encore trop de temps à me torturer en m’interrogeant sur comment je dois vivre. Je ne vois pas comment mieux faire.  



Un magnolia scintille au sortir de l'hiver. 
(peinture réalisée sur une idée de #paintingwithjane)