mercredi 30 novembre 2011

Reprendre le contrôle de ma vie (To Regain Control of My Life)


J’ai parfois l’impression que j’ai perdu ma vie, que ma vie après le cancer sera courte et sans rêves, que la maladie a tout arrêté. Je pourrais faire une longue liste de tout ce que le cancer m’a fait perdre. Il m’a volé mon futur, et avec lui beaucoup de mes rêves. Il me vole le présent aussi, tous ces moments que je pourrais passer à faire quelque chose d’utile ou agréable mais que je passe à la maison à vivre au ralenti.  

Une amie psychologue m’a donné un conseil : faire une liste de ce que j’ai apprends et de ce que je gagne dans cette lutte contre le cancer, de préférence les choses positives. Tourner les choses en ma faveur et voir le cancer comme un passage dans la vie, pas la fin de la vie.

C’est un truc de la psychologie de la résilience : reprendre le contrôle des événements en se disant qu’on en est pas seulement la victime, mais que l’on réagit aussi et que ces changements vont faire de nous une personne plus forte, ou plus sage, et certainement pas une personne qui sera détruite par l’expérience.

J’ai pensé que ma liste serait vite faite et bien courte. Je me suis trompée, je l’ai commencée et j’en ai écris déjà deux pages ! Cela m’a fait beaucoup de bien de mettre ces idées sur papier. J’ai commencé à mieux réaliser que beaucoup de mes façons de penser évoluent pendant cette lutte contre le cancer, et que je vais en sortir changée, mais pas affaiblie. Je sais qu’il y aura toujours beaucoup de peurs et qu’il faudra vivre avec, et effectivement ma vie sera peut-être courte, mais les choses que j’apprends en ce moment vont nous aider à être plus forts dans le futur, moi, mon fils, et tout mon entourage.

Voici un extrait de ma liste:
- Beaucoup de choses ont été laissées en plan ou ne seront pas faites mais ce n’est pas un gros problème.
- Mes émotions sont beaucoup plus vives qu’avant et me donnent l’impression de vivre beaucoup plus intensément (amitiés, amour pour mon fils, humour…).
- La générosité des gens a été extrêmement impressionnante. Face aux circonstances exceptionnelles, certaines personnes deviennent exceptionnelles.  
- Je passe beaucoup plus de temps avec mon fils et nous sommes devenus plus attachés, je le connais mieux, j’ai pris le temps de connaître les jeux qu’il aime et ce qu’il aime regarder sur l’ordinateur ou à la télévision.
- J’ai développé des amitiés très fortes durant la maladie, ce sont des amitiés pour la vie. Ma famille s’est également beaucoup rapprochée de moi malgré la distance géographique.
- Je ne savais pas que tant de gens m’appréciaient et j’ai gagné beaucoup de confiance en moi.
- Je suis jolie (!). Avant j’étais très autocritique, désormais je trouve que mon corps est une belle machine sur laquelle je peux compter et je m’aime comme je suis.
- Je connais mieux ma force intérieure, mon endurance et ma patience.
- Je ris des choses ordinaires et j’apprécie encore plus qu’avant la simplicité.
- Parfois la peine et la douleur sont intenses, et pourtant elles peuvent diminuer en seulement quelques heures, il faut garder espoir.
-  Je n’ai pas peur de la mort.
- Mon fils est très fort moralement, déjà indépendant, plein de ressources, de gentillesse et d’humour.
-  Je peux aider les gens par l’écriture.
- Le cancer est une lutte quotidienne et il faut remporter de petites batailles tous les jours. Les petits échecs sur la route ne sont pas importants.  Le courage se construit tous les jours. 
-  J’ai moins peur de ce qu’on pense de moi ; j’ai le courage de mes opinions maintenant ; par exemple je mets en ligne mes pensées sur ce blog, ce qui me faisais peur lorsque j’ai commencé.
-   …  

Si vous aussi, vous luttez contre le cancer, vous devriez prendre un papier et commencer votre liste. Vous allez être étonné ! Pensez à votre vie de famille, vos amis, votre travail, votre corps, vos émotions, vos hobbies, vos relations aux autres, votre passé, votre idée de la vie et de la mort, vos principales valeurs…

En faisant cette liste, vous vous rendez compte petit à petit que l’expérience est entrain de faire de vous une personne changée, et que ces changements sont quelque chose qui vous sont propres et que vous maîtrisez. Alors que tout l’avenir semble s’écrouler et que les séjours à l’hôpital nous abrutissent, faire cette liste permet de reprendre confiance en soi et de constater que beaucoup de nos réactions sont toujours sous notre contrôle.



***
 English Translation

Sometimes I feel I've lost my life; that my life after cancer will be short and without dreams ; and that the disease has stopped everything. I could make a long list of everything I lost because of the intrusion on cancer in my life. It stole my future, and with it many of my dreams. It also steals the present, all the moments that I could spend doing something useful or enjoyable, and that I spend home living in slow motion.

A friend psychologist gave me a tip: make a list of what I learn and what I gain during this fight against cancer, preferably the positive things. This will help to turn things in my favor, and to see cancer as a passage in life, not the end of life.

It's something of the psychology of resilience: to take control of the events by realizing that we are not only the victim, but we also react. The transition can make us a stronger or wiser person, and not necessarily someone who will be destroyed by the experience.

I thought my list would be quickly made and very short. I was wrong. I’ve started yesterday and I already wrote two pages! It felt good to put these ideas on paper. I began to realize that many things in my mind naturally and slowly evolve during my fight against cancer, and I will end up changed, but not weakened. I know there will always be a lot of fear and I will have to live with it, and indeed my life may be short, but what I learn now will help us be stronger in the future, me, my son, and everyone around me.

Here is an excerpt from my list:
- Many things had to be cancelled or postponed, but it's not a big problem.
- My emotions are much stronger than before and give me the impression of a living a much more intense life (friendships, love for my son, humor ...).
- The generosity of people has been extremely impressive. Dealing with exceptional circumstances, some people become exceptional themselves.
- I spend a lot more time with my son. We became more attached. I know him better since I took the time to know the games he loves and what he likes to watch on the computer or on TV.
- I have developed very strong friendships during the illness, and they will be friends for life. My family has become also closer to me despite the geographical distance.
- I did not know that so many people liked me, and I won a lot of self-confidence.
- I'm pretty (!). Before, I was very self-critical. I now think that my body is a beautiful machine that I can count upon and I like the way I am.
- I know better my inner strength, my endurance and my patience.
- I laugh at ordinary things and I appreciate the simplicity even more than before.
- Sometimes the mental pain or the physical pain can be intense; yet they may diminish in just a few hours, so I should always keep hope.
- I'm not afraid of death.
- My son is very strong morally, already independent, full of resources, kindness and humor.
- I can help people through writing.
- Cancer is a daily struggle and we must win small battles every day. Small failures on the road are not important. Courage is built every day.
- I have less fear of what people think of me. I have the courage of my opinions now. For example I put online my thoughts on this blog, which scared me when I started.
- ...

If you also fight against cancer, you should take a paper and start your list. You will be surprised! Think about your family life, your friends, your work, your body, your emotions, your hobbies, your relationships with people, your past, your idea of ​​life and death, your core values ​​...

In making this list, you realize slowly that the experience is actually transforming you. These changes are yours and you control them. While all the future seems to collapse and that hospital stays seem to debilitate us, make this list. You can regain confidence and be sure that many of your reactions and what happens to you are sill under our control.

dimanche 27 novembre 2011

Ménopause, bouffées de chaleur et... soja (Menopause, Hot Spots and Soy!)

(English translation below)
Les principaux symptômes de la ménopause sont les bouffées de chaleur accompagnées parfois de sueurs nocturnes. Je viens de le lire sur internet. Je n'avais rien lu jusqu'à present sur la ménopause. A 40 ans, qui s'en soucis? Mais après la perte mes deux ovaires, je suis maintenant en ménopause, une ménopause chirurgicale qui prend place brutalement. Par rapport aux effets de l’opération ou de la chimio, une petite bouffée de chaleur n'avait pas de quoi m'impressionner.

En fait, l’expérience est très difficile et m’a laissée physiquement et psychologiquement très abattue ces derniers jours alors que les symptômes ne semblaient qu’empirer. Mais cette nouvelle épreuve m'a une fois de plus appris une grande leçon, et j'en sors un peu plus forte et plus modeste.

Le problème a commencé avant que je ne sorte de l'hôpital. Le corps a des réserves d'œstrogènes localisées dans les tissus graisseux dans lesquelles il peut puiser pendant quelques semaines. Mais il arrive aussi que le manque d'œstrogènes se fasse sentir presque immédiatement après l'opération d'ablation des ovaires.
Au fil des jours, ma température s'est déréglée de plus en plus fortement, et un rythme journalier s'est mis en place. Typiquement, la matinée se passait bien (je n'avais ni trop chaud ni trop froid). En début d’après midi, mes pieds se glaçaient, puis mes jambes, et tout mon corps se mettait à trembler. Je claquais des dents et j'avais l'impression qu'il ne faisait que 10°C dans la pièce. Pourrait-on appeler ça des "bouffées de froideur"    ? (y a-t-il un terme médical approprié?) Je tremblais très violemment et mes muscles se contractaient, ce qui était très douloureux pour le dos et l’abdomen, qu'on aurait dû laisser tranquillement faire leur travail de cicatrisation. Je devais passer deux ou trois heures sous la couette avec une bouteille d'eau chaude sous mes pieds, pour me réchauffer.

Lorsque finalement je ne me sentais plus glacée, j'avais chaud… très chaud… et parfois je basculais dans l’excès inverse. J'avais une vraie bouffée de chaleur. La bouffée de chaleur fait l'effet d'avoir la fièvre comme pendant une grippe. C'est désagréable mais pas trop invalidant.

Les sueurs nocturnes, elles, sont très fatigantes. Plusieurs nuits d'affilée, je me suis réveillée en début de nuit, totalement trempée. Mon pyjama, mes draps, et même mon oreiller étaient trempés. Pas simplement humides, mais mouillés comme après un essorage machine. Je sentais les grosses gouttes de sueur dégouliner partout sur mon corps comme si j’étais dans un sauna. C'est épuisant de se relever pendant la nuit pour se changer (je suis trop faible pour prendre une douche sinon je l'aurais fait pour tenter de me rafraîchir). Et il fallait boire pour se réhydrater, remplir son verre d'eau… chaque mouvement faisait mal, et j'en avais tellement assez d'avoir mal.
Au final, tout ce bazar me tenait éveillée pendant une partie de la nuit. Ma température semblait redevenir normale vers deux heures du matin. Mais je me réveillais très assoiffée et fatiguée par le manque de sommeil. La tête me tournait légèrement pendant les premières heures de la matinée, ce qui arrive lorsque l'on combine une déshydratation et une pression artérielle déjà basse. Je buvais des boissons sportives pour m'hydrater au maximum.

A cause de tout cela, ces derniers jours je n'avais plus l'impression de progresser. Je ne marchais pas beaucoup car j'avais toujours très mal quand j'essayais. Mes grandes marches ont été mes deux visites à l'hôpital pour des examens de routine. Je ne suis pas sortie dans le parc que j'adore, situé à 200 m de mon appartement, car j'avais trop mal. Mon moral a commencé à chuter. Est-ce que ces symptômes allaient durer pendant des mois!?

Mon médecin n’avait rien à me proposer pour me soulager. Cela semble, il est vrai, bien secondaire. Ou peut-être la médecine traditionnelle n’a-t-elle aucun remède hormis des hormones que l’on ne va pas m’offrir pendant un traitement chimio?

Une solution est finalement apparue avant-hier : le lait de soja. Pardon ? Ma copine Gail est venue me voir et en me voyant en mauvais état, a juré que le lait de soja contenait des oestrogènes naturels et que l’on pourrait peut être essayer. Elle est remontée sur son vélo pour aller m'en acheter. Quelques minutes plus tard, nous nous faisions une petite dégustation de laits de soja aux différents parfums.

Je suis du genre scientifique pure et dure. Je ne crois à rien sans preuves concrètes et mesurables. Je lis la rubrique "Bad Science" de Ben Goldacre, et comme lui, je ne crois ni aux remèdes miracles ni aux para-sciences. Il me faut des résultats publiés dans des revues autorisées d'études en double aveugle avec placebos (et de préférence répliqués par différents laboratoires) pour commencer à prendre au sérieux un effet quelconque.

Mais à ce stade, si quelqu’un m’avait juré que la soupe aux ailes de crapaud avait des effets bénéfiques, j’aurais certainement commencé à l'écouter. Gail est très New Age, achète beaucoup de produits organiques et essaie toujours de se soigner d'abord par les méthodes naturelles. Je lui ai fait confiance. Le soja étant un aliment rependu et réputé bon pour la santé, je ne prenais vraiment aucun risque.

Après mes trois verres de lait de soja, j’ai passé le reste la journée et la nuit entière sans aucun problème de chaud et froid. Le lendemain, je me suis réveillée en me sentant mieux. Le surlendemain, je reprenais religieusement mes trois verres de lait de soja durant la journée. Idem. Tout aillait bien. Les douleurs musculaires se sont beaucoup atténuées car mes muscles n'étaient plus si contractés. Je pouvais marcher un peu plus facilement et mon moral est remonté en flèche. J’étais ébahie - d'ailleurs au moment où j'écris, je suis encore sous le choc et un peu incrédule. Et pourtant. Que ce soit le lait de soja ou un effet placebo, ça a vraiment marché!

Le lait de soja et Gail m’ont sauvée. De temps en temps, un scientifique a bien le droit de devenir un croyant. Moi, désormais, je crois au lait de soja. Cette amélioration a aussi secoué au passage ma carapace scientifique. Je baisse ma garde. Les preuves d'un lien entre soja et bouffées de chaleur ne sont pas nombreuses dans la littérature. Peut-être que cela ne marche pas chez tout le monde. Peut-être que ci. Peut-être que ça. Mais ça valait la peine d'essayer.

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NOTE: Il n'est pas recommandé de prendre des suppléments qui contiennent trop de principes actifs (isoflavones). La présence de soja dans l'alimentation semblerait être bénéfique pour prevenir les cancers (basé sur des études animales et épidemiologiques surtout). Une controverse a pris place quand des effets néfastes ont été observés chez des femmes atteintes de cancers sensibles aux oestrogènes quand elles ont pris des suppléments, ainsi que dans quelques études animales. Mais désormais les spécialistes s'accordent a dire que les bénéfices l'emportent sur les risques. Simplement, il ne faut pas surdoser (donc pas de supplements).   

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English Translation

 
The main symptoms of menopause are hot flashes sometimes accompanied by night sweats. I read it on the internet a few days ago. I hadn't read anything about menopause before: who bothers at 40? After losing both ovaries, I am now in menopause, a surgical menopause that took place abruptly. Compared to the effects of the operation or chemotherapy, a small hot flash threat did not impress me.

In fact, the experience has been very difficult and left me physically and mentally very down in the last few days while symptoms seemed to get only worse and worse. But this new test again taught me a great lesson, and I come out of this a little stronger and more modest.

The problem started before I left the hospital. The body has reserves of estrogen localized in fat tissues, which can be used for a few weeks. But it may also happen that the lack of estrogen is felt almost immediately after the operation when both ovaries have been removed.

Over the days, my feelings about my body temperature have got disordered, and a daily rhythm has started. Typically, the morning would go well, neither too warm, nor too cold. By early afternoon, my feet would freeze, then my legs and my entire body would start to tremble. My teeth would chatter, out of control. I would feel as if it was only 10 ° C in the room. May I call this: "Cold flashes" ? (Is there another appropriate medical term?). I was shaking violently and my muscles contracted, which was very painful for my back and my abdomen, who should have been left alone to do their job of healing. I had to spend two or three hours under the duvet with a bottle filled with hot water under my feet to warm up.

When finally I did not feel cold, I felt warm... very warm... and sometimes I switched to the extreme opposite. I had a real hot flash. The hot flash feels like having a fever from the flu and last a couple of hours. It is unpleasant, but not too disabling.

Night sweats, by contrast, are much more tiring. Several nights in a row, I woke up early in the night, completely drenched. My pajamas, my sheets, and even my pillow were soaked. Not just slightly humid, but wet like after passing in the washing machine. I felt large drops of sweat dripping all over my body as if I were in a sauna. It's exhausting to get up at night to change (I was too weak to take a shower but would have done so to refresh myself). And I had to drink to get hydrated: another effort to get in the bathroom to get water to fill my glass... every movement was painful, and I was so tired to feel pain all the time.

In the end, all this stuff kept me fully awake during a large part of the night. My temperature seemed to return to normal at about in the morning. But I woke up very thirsty and tired from my lack of sleep. My head was spinning slightly during the first hours of the morning, which happens when combining dehydration with low blood pressure. I drank sports drinks for a maximum hydration.

Because of all this, in the last few days, I had the feeling I was not making much progress. I could not walk much because it was always very painful when I tried. My long walks were my two visits to the hospital for routine examinations. I didn't go out in the park that I adore, located 200 meters from my apartment, because I was too bad. I felt low and discouraged. Would these symptoms last for months!?

My doctor had nothing to offer me. This hot flashes story seems perhaps secondary. Or maybe traditional medicine has no cure - other than hormones that they are not going to offer me during chemotherapy?

A solution finally came to me two days ago: soy milk. Sorry? My friend Gail came to me and seeing me in a bad condition, assured me that soy milk contains natural estrogen that we could perhaps test right now for me. She jumped on her bike to go to the store. A few minutes later, we were having a tasting session of soy milk with different flavors.

I'm kind of hard-science. I do not believe in anything without tangible and measurable evidence. I read the "Bad Science" by Ben Goldacre, and, just like him, I do not believe in miracle cures or para-science. I have to read results in peer-reviewed journals of double-blinded placebo controlled studies (preferably replicated in different laboratories) to begin to take seriously any effect.

But at this point, if someone had sworn that toad wings soup had a beneficial effect, I would have started to listen. Gail is very New Age, buys a lot of organic products and always tries to find natural remedies for everything. I trusted her. Soy is simply a widespread food, so I really did not run any risk.

After my three glasses of soy milk, I spent the rest of the day and all night without any problems of hot and cold. The next day I woke up feeling better. The day after, again I resumed drinking religiously my three glasses of soy milk during the day. Same thing. All was well. Muscle pains have been greatly reduced because my muscles were no longer contracted. I could walk a little easier and my spirits rose again sharply. I was amazed - indeed as I write, I am still in shock and a little incredulous. And yet. Whether soy milk or a placebo effect, it really worked!

Soy milk and Gail saved me. Occasionally, a scientist has the right to become a believer. I now believe in soy milk! This improvement has also shaken my scientific fortress. I lower my guard. Evidence of a link between soy and hot flashes are not numerous in the literature. Maybe it does not work for all of us. Maybe this. Maybe that. But it was worth a try.
 
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IMPORTANT NOTE: It is not recommended to overdose soy therefore it is important not to take soy supplements.
 

samedi 26 novembre 2011

Fous rires (Bursts of Laughter)

(English translation below) 



La récupération après l’opération de debulking est longue et douloureuse. Ces derniers jours, je souffrais beaucoup et passais mes journées sur le canapé, me forçant péniblement à marcher d’une pièce à une autre de temps en temps, pour suivre les conseils de la physiothérapeute. Elle m’avait aussi dit d’écouter mon corps. J’ai tendu l’oreille et mon pauvre corps ne me criait qu’une chose simple : « Par pitié, reste allongée ». Les changements de position, allongée-assise ou assise-debout, étaient une immense épreuve pour mes intestins, mon abdomen et mon dos.

Hier je me suis réveillée en me sentant bien mieux. La marche était devenue légèrement moins douloureuse et j’ai pu me rendre seule à plusieurs rendez-vous situés dans différents services à l’hôpital, sans être contrainte de demander à être poussée en fauteuil roulant. Je me suis demandée si j’avais fait quelque chose la veille qui aurait pu expliquer un tel progrès.

J’ai peut-être une explication. Quelque chose de nouveau s’était effectivement produit la veille. Mon fils et Evelyne étaient avec moi à la maison et deux amies étaient venues nous rendre visite, l’une le midi, l’autre le soir. Or à trois moment différents dans la journée, j’ai piqué des fous rires extraordinaires et je me suis mise à pleurer de rire et supplier mes copines et mon fils d’arrêter de me faire rire.

J’ai souvent ces fous rires incontrôlables qui tombent au mauvais moment et dont le souvenir me fait rire des années plus tard. J’ai eu des fous rires aux larmes lors de conférences par exemple ; et le pire a été un jour sur mon lieu de travail lors d’une réunion de cadres, et même une fois au volant de ma voiture sur l’autoroute. Eh bien, une fois de plus j’ai choisi plus le mauvais moment : quelle mauvaise idée de rire quand on vient de se faire couper le ventre en deux ! Quelle douleur ! Mais qu’est-ce que ça faisait du bien pourtant !  

Les effets bénéfiques du rire ou du sens de l’humour sont psychologiques et physiques. Vingt secondes de rire sont équivalentes à 3 minutes passées à ramer pour notre système cardio-vasculaire – donc j’ai du faire mes quelques minutes d’aviron sans m’en rendre compte. L’humour a un impact positif sur le système immunitaire, beaucoup d’études le montrent, que ce soit sur les marqueurs sanguins ou plus directement sur la santé. Par exemple, il semblerait que les gens qui ont un bon sens de l’humour soient moins souvent malades et souffrent moins souvent de grippes et rhumes que ceux ayant moins de sens de l’humour. Des mamans qui allaitent et utilisent l’humour pour réduire leur stress, ont moins d’infections respiratoires ; leur lait contient plus d’immunoglobuline A, et leur enfant présente moins d’infections.

Le rire est justement un excellent remède contre les effets toxiques du stress ; chez des personnes stressées, une heure de vidéo humoristique diminue les hormones de stress (cortisol, adrénaline). Et sur le plan psychologique, le rire réduit les sentiments de dépression et augmente l’estime de soi. Il augmente aussi la créativité et l’équilibre psychologique, ce qui aide à la résolution des problèmes de la vie en général. Et il nous aide à mettre les choses en perspective : en riant de nous-mêmes, nous prenons de la distance par rapport à nos problèmes.

Le rire est aussi un excellent remède contre la douleur physique : il distrait l’attention ; il relaxe les muscles ; il stimule la production d’endorphines dans le cerveau, les mêmes substances qui sont produites chez les coureurs de fond et leur procurent des sensations de bien-être pendant la course.

Alors le rire doit être au programme, au même titre qu’une bonne nutrition ou la marche à pieds. Je l’avais temporairement oublié, mais mon corps me l’a rappelé. Avant mon opération, j’avais organisé quelques soirées avec des amies pour regarder des DVD de films comiques. Cela m’avait fait beaucoup de bien et les copines étaient contentes de passer un moment avec moi sans que le cancer soit l’invité principal de soirée. D’ailleurs le rire étant très contagieux, et regarder une comédie en groupe rendait le film encore plus drôle. Il faudra que je relance des invitations.  

Au quotidien, j’ai remarqué qu’il faut souvent être la personne qui initie les blagues. Beaucoup de personnes n’osent pas commencer à faire de l’humour étant donné notre condition, se sentent mal à l’aise et ne savent pas quoi dire. Elles pensent que l’humour serait inapproprié à notre humeur et que le cancer est triste, et effectivement c’est bien souvent le cas. A nous de leur montrer que nous voulons aussi rire et avoir des moments de légèreté où le cancer est oublié pour un moment et où la vie normale continue.  

J’ai trouvé aussi très facile et naturel de me mettre à rire avec d’autres femmes qui souffrent du cancer et que j’ai rencontrées à un atelier de beauté organisé par l’hôpital. Alors que je restais perplexe devant un tube de mascara avec un mécanisme vibrateur et demandait à ma voisine pourquoi le vibrateur, elle me regarde d’un air complice et répond par une blague salée, et on éclate de rire toutes les deux. Il y a un humour du cancer particulier, parfois caustique, qui prend place assez spontanément dans les groupes de parole réunissant les patients.

J’ai aussi entendu de nombreuses histoires de personnes (souvent des hommes) qui malgré le cancer passent encore beaucoup de leur temps à rire. On me parle de ces hommes qui regardent religieusement leurs programmes télé comiques tous les jours et se ressourcent dans l’humour. Un ami me raconte que son père a survécu de manière exceptionnelle à un cancer qui n’avait pas de cure : il a survécu 12 ans et son fils jure que c’est parce qu’il a toujours su garder son sens de l’humour.  Sur le coup je n’ai pas pris son histoire très au sérieux (passez moi l’expression), mais j’ai lu quelques revues scientifique sur le sujet depuis lors, et j’ai réalisé que le pouvoir du rire était tout à fait réel.

Pour continuer à rire malgré un diagnostique de cancer, je pense qu’on doit parfois se forcer. Mettre en route une vidéo d’un film drôle n’est pas évident quand on a l’impression que ça ne rime à rien et qu’on a plutôt envie de pleurer et gémir. C’est un peu comme lorsqu’on est fatigué et qu’on nous dit que pour se sentir moins fatigué il faut faire du sport : ça paraît bien contre intuitif. Ca prend du courage, ni plus ni moins.

Je ne suis pas une mère-télé comme on dit chez nous, mais je crois que je vais changer mes petites habitudes et aller voir régulièrement des programmes drôles, pour nourrir mon esprit d’idées plus drôles et chasser un peu le stress et les idées noires.


English translation

Recovery after debulking operation is long and painful. These past days, I’ve suffered a lot and spent my days on the couch, painfully forcing me to walk from one room to another from time to time, to follow the advice of the physiotherapist. She also told me to listen to my body. I’ve listened to it carefully, and my poor body seemed to be shouting only one simple thing: "Keep on lying down." Changes in position, from lying to sitting and from sitting to standing, were a huge ordeal for my intestines, my abdomen and my back.

Yesterday I woke up feeling much better (relatively speaking, of course). Walking have become slightly less painful and I have been able to go by my own in several different departments for my medical check-ups, without having to ask to be pushed in a wheelchair. I wondered if I had done something the day before that could explain such progress.

I may have an explanation. Something new had occurred the previous day. Evelyne and my son were with me at home and two friends had come to visit us, one for lunch, the other in the evening. And, at three different times during the day, I've burst into laughter, crying with laughter and begging my friends and my son to stop making me laugh.

I often have one of this uncontrollable laughter at the wrong time, the memory of which makes me laugh still many years later. I had tears of laughter in a couple of conferences for example; the worst was once in a day-long managers’ meeting, or perhaps it was the day it happened while riding my car on the highway. Well, once again I chose the wrong time: What a bad idea to laugh when one has just been cut in half! What a pain! But it felt so good though to just let it go!

The beneficial effects of laughter and humor are psychological and physical. For our cardiovascular system, 20 seconds of laughter is equivalent to 3 minutes spent rowing - so I’ve done my few minutes of rowing without realizing it. The humor has a positive impact on the immune system, many studies show, both on blood markers and on health. For example, it looks as if people who have a good sense of humor are less often sick and less likely to suffer from flu and colds than those with less sense of humor. Mothers who breastfeed and use humor therapy to reduce stress have less respiratory infections, their milk contains more immunoglobulin A, and their children has fewer infections.

Laughter is just an excellent remedy against the toxic effects of stress in people under stress: one hour of video humor reduces stress hormones (cortisol, adrenaline). And at a psychological level, laughter reduces feelings of depression and increases self-esteem. It also increases creativity and psychological balance, which helps in solving problems of life in general. And it helps us put things in perspective: by laughing at ourselves, we take the distance to our problems.

Laughter is also an excellent remedy against physical pain: it distracts the attention, it relaxes muscles, and stimulates the production of endorphins in the brain, the same substances that are produced in distance runners and makes them feel « high » during the race.

This means that our cancer fighting program must including laughing, just like we need to have a good nutrition or go walking to remain fit whenever possible. I had temporarily forgotten, but my body reminded me of this importance of the laughter. Actually I knew it, and before my surgery, I organized a few evenings with friends to watch DVD movies funny. This made me much good and the girls were happy to spend time with me without cancer is the main guest of the evening. Besides laughter is very contagious, and watching a comedy with a small group made the film even funnier. I'll have to send some invitations soon.

On a daily basis, I noticed that it is up to us to initiates the jokes. Many people are afraid to start using humor, given our poor condition; they feel uncomfortable and do not know what to say. They think that humor would be inappropriate to our mood and that cancer is sad _ and indeed, of course, it is often the case. So it’s up to us, the cancer patients, to show them that we want to laugh as well and have our lights moments where cancer is forgotten and normal life just goes on.

I also found very easy and natural to laugh with other cancer patients. I met women suffering from cancer in a beauty workshop organized by the nurses at the hospital. While I was puzzled by a tube of mascara with a vibrating mechanism and asked my neighbor why the vibrator, she looked at me with a conspiratorial and amused air... We laughed like kids. There is a particular cancer humor, sometimes caustic, which takes place quite naturally in discussion groups involving patients.

I also heard many stories of people (usually male) who despite cancer spend still a lot of time laughing. For example they watch their daily TV shows religiously and get their mind replenished with humor and joy. Someone even told me that his father has survived for an exceptionally long time (12 years) to a cancer that had then no cure. His son is definitive: he survived for so long because he had the strongest sense of humor ever. At the time, I did not take him seriously (pass me the expression), but I’ve read since then some scientific reviews on the subject, and I’ve come to realize that the power of laughter is real.

To continue to laugh in spite of a diagnosis of cancer, I think we must sometimes force ourselves. Starting to watch a fun movie is not obvious when you feel it is pointless and all you feel like doing is to cry and moan. It's like when you're tired and you are told that to feel less tired, you have to exercise: it sounds very counter-intuitive. It takes courage.

I'm not a coach potato and hate the idea that cancer would transform me into one… but I think I'll need to change my habits and get to watch more of these funny TV programs, to feed my mind with humor and chase away stress and blues.
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dimanche 20 novembre 2011

Rester patient ? Plus facile à dire qu’à faire (Be patient? Easier said than done)



Alors nous voici après l’opération de debulking, le plus gros du traitement  pour mon cancer ovarien commence à être derrière moi. J’ai eu une biopsie en août, suivie après le diagnostique de 3 séances de chimio, puis l’opération de réduction tumorale la semaine dernière, et maintenant je dois récupérer avant d’entamer les 3 dernières séances de chimio. Tout devrait être fini vers février.

Les gens autours de moi s’agitent pour leurs achats de Saint Nicolas et de Noël. Ici c’est la vie au grand ralenti. Il faut prendre ses anti-douleurs régulièrement pour tenir le coup, pour mieux dormir, pour pouvoir manger suffisamment, et pouvoir commencer à marcher quelques minutes toutes les heures comme me l’a conseillé le physiothérapeute. Evelyne est venue de France pour rester plusieurs semaines vers moi, le temps que je sois assez forte pour pouvoir sortir et faire quelques courses moi-même. Elle me chouchoute, fait la cuisine et les courses, et surtout me tient compagnie.

Pour le moment, aller au supermarché du coin pour m’acheter des oranges semble un rêve inaccessible. Je peux à peine marcher d’une pièce à une autre. Je peux difficilement porter une carafe d’eau pour me servir un verre. Je recommence à pouvoir tousser doucement et même un petit rire n’est plus douloureux, donc je sens des progrès.

Mais c’est tellement lent. Et je ne suis pas patiente ! La « patience » était mon mot 2011 : j’avais suivi l’exemple d’une amie qui avait posté son mot de l’année sur Facebook comme thème de développement personnel. J’ai choisi de travailler sur mon point faible : 2011 sera l’année de la patience. Et bien nous y voilà.

Je sais, je dois penser aux arbres en hiver et prendre des forces… Mais dans la réalité, c’est difficile de végéter. Les vieilles habitudes de pensée reprennent le dessus et je recommence à penser à tout ce que je dois faire ou voudrais faire, et je suis frustrée. Même m’asseoir à l’ordinateur me fait mal, et après une heure je suis pleine de crampes et je dois m’arrêter avec des maux de dos et de ventre pénibles. Pourtant il y aurait tellement à lire et écrire, mais il faut me ménager.

J’ai fait un rêve qui m’a fait bien sourire et m’a redonné un peu de courage. J’étais dans une université, un beau cadre fantaisiste et coloré, et il était 8 heures du matin et je devais être à un cours d’allemand qui allait tout juste commencer à 8 heures du matin. Or je n’avais pas fait mes exercices, et je n’étais même pas douchée ou en tout cas pas encore sur le chemin. J’étais très angoissée à l’idée de ne pas avoir fait mon travail et d’arriver en retard.

Puis le rêve soudain a changé et est devenu agréable (peut-être parce que je commençais à me réveiller doucement). Mais non, je ne suis pas une étudiante, je n’ai aucune attache dans cette université loufoque, et je n’ai rien qui m’oblige à faire ces exercices, ni à me rendre au cours d’allemand. Je me réveille en souriant, soulagée. Ouf, quelle liberté.  

C’est tout moi, mais je parie que le plupart des gens sont comme moi. On s’impose des « il faut que », des choses à finir, des choses à commencer, et on se retrouve débordé par des choses imaginaires, des plans et des projets qu’on s’est imposés !

Je suis très en retard dans les emails de remerciements ; j’ai repoussé plusieurs amies ou collègues qui voulaient me rendre visite ; je voudrais lire mais je n’ai que très peu de concentration et je me fatigue très rapidement. Et en plus, je voudrais faire beaucoup de choses, reprendre le piano et l’écriture, recommencer à voir quelques amies. Pourtant tout ce qu’il faut que je fasse objectivement c’est avaler mes anti-douleurs, marcher un peu puis me reposer et m’allonger à nouveau.

Ce n’est pas facile de végéter, et de tenter de transformer l’expérience en y apprenant la patience. Les personnes qui résistent le mieux aux conséquences néfastes des traumatismes de la vie sont celles qui peuvent en apprendre quelques chose ou transformer l’expérience en une opportunité. Alors devenir plus patiente ?

Le rêve m’a donné un indice pour y arriver : être heureuse d’être libre ; profiter du fait que j’ai plus de temps libre pour rester avec moi-même et ne pas passer mes journées à courir d’une tâche à une autre, pour mon garçon, mon travail ou mes hobbies. Et puis prendre le temps de penser autrement et faire d’autres choses plus adaptées à ma nouvelle condition. Lire des livres plus légers puisque les articles de science m’épuisent, ouvrir un livre de cuisine et entreprendre des nouvelles recettes avec Evelyne qui suit mes instructions pendant que je suis assise sur une chaise de la cuisine. Des petites choses.

Une fois de plus, ma lutte contre le cancer m’indique qu’il n’y a pas vraiment d’alternative si on veut rester positif dans ce moment difficile : il faut arriver à apprécier les toutes petites choses de la vie au jour le jour. J’imagine que c’est un des secrets de la patience : apprécier le moment présent malgré toutes ses limites. On n'a pas le choix, on ne peux pas passer son temps à se sentir coupable et anxieux de n’être pas ailleurs entrain de faire autre chose. Pendant ce temps, le corps, lui, fait son lourd travail, et se cicatrise doucement.

Menu du jour: Canellonis au thon et
épinards; et brownies pour les copines qui passeront :-) 




*** 


Be patient? Easier said than done
English translation:
 
So here we are, after my debulking operation, the bulk of the treatment for my ovarian cancer is starting to be more behind me than upfront. I had a biopsy operation in August, and the diagnose was followed by three sessions of chemotherapy, the tumour reduction operation (debulking) was the most recent step, two weeks ago, and now I have to recover before starting the last 3 sessions of chemotherapy. Everything should be finished by February.

People around me are restless for their Sinta Klaus and Christmas shopping. For the time being, life here is in very slow motion. You have to take your painkillers regularly to keep going, to sleep better, to eat more, and be able to start walking a few minutes every hour as the hospital physiotherapist advised me to.

Evelyne came from France to stay several weeks to me, until I am strong enough to go out and do some shopping myself. She takes good care of me, cooks and goes shopping, and keeps me entertained!

For now, going to the supermarket to buy some oranges is only a dream that seems unreachable. I can still barely walk from one room to another. I can hardly carry a jug of water to serve me a drink. I am able to cough and laugh very softly, which is a progress.

But it's so slow. And I am not patient! "Patience" was my word 2011: I followed the example of a friend who had posted her word of the year on Facebook as a self-development theme. I chose to work on my weak point: 2011 is the year of patience. Well here we are.

I know I should be thinking of the trees in winter and gain strength ... But in reality, it is difficult to vegetate. Old habits of thought come to the fore and I start thinking about what I should do or would do, and I'm frustrated. Even sitting down at the computer hurts, and after an hour I am full of cramps and I have to stop with back pain and painful abdomen. Yet there would be so much to read and write, but I have to take it easy.

I had a dream that made me smile and gave me some more insights and some courage. I was on a university campus, in a fancy and colourful street, and it was in the morning. I had to be in a German language class beginning just at . I had not done my exercises and I was not even showered or at least not on the way. I was very anxious and perhaps even terrified at the idea of ​​not being able to do my home work and arriving late.

Then the dream suddenly changed and became agreeable (perhaps because I was starting to wake up slowly). No, I'm not a student. I have no attachment with this wacky University, and I have nothing that requires me to do this homework and rush to a German language class. I woke up smiling, relieved. Phew, what a freedom.

That's typical me, but I bet that most people are very much like me. We have "must-do" lists, “to finish” things, plus new things that we are eager to start. Finally we end up overwhelmed by imaginary things, plans and projects that we only imposed to ourselves and impair our freedom to be.

I am very late with my thank you emails, and I feel guilty about it. I have pushed away several friends and colleagues who wanted to visit me, but I wish we could start having more visits. I would like to read but I have very little concentration and I get tired very quickly. And yet I would do many things, be back on playing some piano and writing. But all I need to do now it to swallow my painkiller tablets, walk a little and then rest and lie down again.

It is not easy to vegetate, and try to transform the learning experience to be patient. People who are resilient and cope the best with the adverse effects of traumas in life are people who can learn something from the traumatic experience, or even transform it into an opportunity. Then is it my opportunity to learn to become more patient?

The dream gave me a clue to get there: be happy to be free, enjoy the fact that I have more free time to stay with myself and not spend my days running from one task to another, for my son, my work or my hobbies. And then take the time to think differently and do other things more suited to my new condition. Read different and lighter books, because science articles are exhausting, open a cookbook and undertake new recipes with Evelyne _ who is happy to follow my instructions while I'm sitting on a chair in the kitchen reading the recipe. Little things.

Again, this experience with fighting cancer tells me that there is no real alternative if you want to stay positive in this difficult time: we must come to appreciate the little things of life from day to day. I guess that's one of the secrets of patience to appreciate the moment despite all its limitations. There is little choice: we can't just spend our time feeling guilty and anxious for all the things that will not get done. Meanwhile, the body will do its heavy work and heal slowly.

jeudi 17 novembre 2011

Opération de réduction tumorale ou debulking (The Debulking Operation)



(English translation below)

Comme un poisson jeté sur le sable. Je me réveille de l’opération de debulking mardi dernier, assoiffée à l’extrême et incapable de relever mon corps ou de me retourner sur mon lit d’hôpital.

Des premières heures après le ‘réveil’ de l’anesthésie, je ne me souviens presque de rien. Mon infirmière référente, celle qui m’a suivie régulièrement depuis mon premier rendez-vous chez le gynécologue oncologue en Juillet cet été, est présente à mon chevet et me parle. Mais je n’ai pas souvenir de ce qu’elle m’a dit.

Le mercredi, première journée après l’opération, je suis consciente mais très faible. Je suis sous anesthésie péridurale avec de fortes doses d’anti-douleur. Je ne peux pas respirer très fort. Des tas de tubes entrent et sortent de mon corps : oxygène, drain dans le ventre pour extraire les éventuels restes de sang et infection de l’opération, cathéter relié à ma vessie qui a été légèrement touchée durant l’opération, perfusion pour m’hydrater, et perfusion péridurale anti-douleur dans le bas du dos.

Je suis très assoiffée et je bois, mais rien ne semble vouloir rentrer plus bas que mon estomac et je vomis sans cesse. Horribles douleurs lors des spasmes de vomissement. En fait, je tente de me retenir de trop boire, je tiens quelques minutes, puis je tente de boire un peu ; j’attends ; et je vomis dans l’heure qui suit. Je me dis que je ne devrais arrêter de boire de l’eau mais je ne suis pas certaine de savoir ce qui est le mieux. Je n’ai pas besoin de boire, techniquement parlant, mais la soif est si intense qu’elle est plus forte que la peur de vomir. Alors j’attends et je tiens quelques minutes puis quelques heures, puis j’essaie de boire à nouveau… et je vomis à nouveau et ça repart pour un tour.

Les douleurs dans le ventre, la douleur dans le dos, la chambre qui chavire comme si j’étais dans un bateau. Je bouge le moins possible pour souffrir le moins possible.

Le jour suivant l’intervention, mon gynécologue vient me voir, visiblement très content. J’aime beaucoup ce type dont je ne connais rien. Il est toujours très prudent lorsqu’il parle et m’explique les choses, il ne me donne pas trop d’information que je ne serais pas prête à entendre, mais il est franc lorsque je lui pose des questions difficiles. Je lui fais totalement confiance. Il vient pour me dire que l’opération a été un grand succès : toutes les traces de tumeur apparente ont pu être enlevées. Les deux chirurgiens qui ont travaillé plus de cinq heures ont réussi à retirer les organes touchés par la tumeur principale, ovaires, trompes de Fallope et utérus ; l'omentum (ou épiploon, partie du péritoine recouvrant le système digestif) et l’appendice ont aussi été enlevés ce qui est la procédure classique. L’opération a été très difficile, me dit-il, et il est vraiment content du résultat.

Une jeune femme médecin scrute ma cicatrice. Mon ventre ressemble à celui d’une dinde de Noël fourrée aux marrons. « Beautiful ».
Si elle le dit.


Mais, malgré la douleur, je suis contente. Pour la première fois depuis des mois, je commence à voir l’avenir. J’ai maintenant au moins plus d’un an ou deux à vivre. Pourquoi deux ans ? Le docteur ne me l’a pas dis, c’est juste une image qui me vient spontanément à l’esprit. Et peut-être beaucoup plus, après tout… mais ce sera une question de chance et je ne veux pas y penser. Deux ans à vivre encore, c’est génial !  


Deux amies viennent me voir, des amies proches. L’une est super contente du succès de l’opération et contente de me voir en vie. J’ai l’air super d’après elle. L’autre me regarde avec beaucoup de peine dans les yeux et j’ai envie de la rassurer. Mais je peux à peine parler car j’ai le souffle court et j’ai la tête qui tourne. Je réponds par monosyllabes.


Jeudi, troisième jour d’hospitalisation. Je sens et j’entends des gargouillements dans mes intestins. C’est bien la première fois de ma vie que je suis contente d’entendre un truc pareil ! Mes nausées s’arrêtent et je tente de trouver la logique: si les intestins remarchent, l’eau doit pouvoir descendre plus bas que mon estomac. Donc mon corps se réveille. Impeccable. Je suis contente.


Mais pas si vite… Quelques heures plus tard : diarrhées ! Merde alors, c’est le cas de le dire. Avoir la diarrhée quand on ne peut pas marcher – bonjour la honte. Je dois appeler pour qu’on m’emmène en fauteuil roulant aux toilettes. Je peux tout juste me lever et m’asseoir, à peine faire un pas par terre. Quelle humiliation !
Le vendredi soir, lorsque les infirmières n’arrivent pas malgré mes appels, je décide de marcher aux toilettes. Je suis courbée en deux, une douleur intense dans le ventre et dans le dos… mais je marche.


Les premières nuits sont un enfer. Je me réveille toutes les heures, et je fais les pires cauchemars de ma vie, proche des hallucinations. La chambre semble valser. J’entends une musique de rock'n'roll _ du rock à deux heures du mat dans un hôpital ? Je vois mes rideaux de chambre se transformer et des squelettes danser sur fond de kaléidoscope rose au rythme de cette musique ! Si j’avais pas si mal ce serait drôlement rigolo. Effet des drogues anti-douleurs évidemment.


Mes rêves sont très violents. Je suis propulsée dans tous les sens et je vole dans une maison, en étant projetée contre les murs et en rebondissant comme une boule de flipper. C’est comme si un souffle géant me balançait d’un mur à un autre. Je m’écrase, j’ai mal, le mur craque et le souffle me reprends et me projette à nouveau violemment contre un autre mur… Je me réveille en sursaut, je tremble et mon cœur bat à tout rompre. Je ne veux plus dormir… Epuisée, je me rendors mais les autres rêves ne sont pas plus paisibles.


Le samedi matin, les diarrhées finalement s’arrêtent, mon ventre semble se reposer, et je commence doucement à manger. Première nourriture depuis quatre jours, je vais m’en souvenir : un bouillon de poulet beaucoup trop salé qui me semble la chose la plus délicieuse au monde, et de la compote.


La péridurale a été stoppée et très peu de temps après mon cerveau fonctionne à nouveau un peu normalement. Plus de chambre bancale à la Van Gogh, ni d’hallucinations ou de cauchemars.


Les copines sont venues me rendre visite, une visite par jour. Elles ont été super. Elles se sont organisées entre elles pour que je reçoive une ou deux visites par jour, ni plus, ni moins, selon mon souhait. Une petite équipe d’anges gardiens. J’ai reçu des fleurs et des cartes : c’est que mes anges gardiens sans me le dire ont envoyé un email à beaucoup de proches pour leur donner de mes nouvelles…  et l’adresse de l’hôpital. Ah ces copines ! Leur gentillesse et leur discrétion me touchent, mais je ne pourrai jamais leur dire à quel point. Pour la cent millième fois je me dis que je ne pourrai jamais leur rendre tout ce qu’elles me donnent en ce moment. 


Le dimanche, je peux descendre en fauteuil roulant avec ma copine Ans au café de l’hôpital pour prendre un chocolat chaud et une pâtisserie. Nous parlons de nos enfants, du boulot et du futur, comme d’habitude ! Ans me dira plus tard « C’était super, je n’avais pas du tout l’impression de faire une visite à l’hôpital » _ moi aussi j’avais oublié pendant deux heures que j’étais à l’hôpital ! Je respire plus librement, et je redeviens moi-même petit à petit.
Au fil des jours, les tuyaux sont débranchés. Le dernier, le cathéter relié à ma vessie, est retiré au 7e jour et c’est la vie libre qui reprend. Le poisson sur le sable a retrouvé la route vers la mer et de petit bond en petit bond il s’est sorti d’affaire. Je peux petit à petit marcher, et même prendre ma douche tout seule.


Pas étonnant que les gens qui sortent d’un cancer parlent parfois comme des imbéciles heureux. Je vais devenir une imbécile heureuse moi aussi, vous allez voire ! Je ne suis pas prête d’oublier le plaisir d’une douche ou d’entendre mon ventre gargouiller. Je veux m’en souvenir chaque jour et je ne veux plus m’y réhabituer ! Je rigole de plaisir! Je me marre toute seule et je ne peux pas vous expliquer pourquoi parce que personne ne comprendra que tout me fait rire. Pourquoi est-ce que j’ai passé tant d’années à me faire tant de soucis pour des tas de choses compliquées, sans être submergée de plaisir lorsque j’allais aux toilettes, ou lorsque je prenais ma douche ? Etre vivant, quel pied !


Mardi, septième jour. « Vous pouvez rentrer à la maison si vous le voulez », dit le médecin. Et comment que je veux rentrer !

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Un peu de vocabulaire : Une opération de debulking ou de réduction tumorale, en oncologie est une opération chirurgicale dans laquelle le plus gros d’une tumeur cancéreuse est retiré sans qu’il soit possible que tout ait été retiré. L’opération complémente la radiothérapie ou la chimiothérapie. Dans mon cas, les tumeurs visibles ont été retirées mais il est probable que des cellules cancéreuses soient encore logées dans mon abdomen mais soient invisibles à l’œil nu (pour le chirurgien ou par les techniques d'imagerie). Donc une opération seule ne suffirait pas à me traiter. Il est nécessaire de poursuivre la chimiothérapie pour attaquer les cellules résiduelles. Cette procédure est classique dans les cancers ovariens en stade avancé.

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English translation : Debulking operation




Like a fish thrown on the sand. I woke up from the debulking operation last Tuesday, extremely thirsty and unable to raise or turn my body in my hospital bed.

The first hours after the 'awakening' from the anesthesia I do not remember. My case manager nurse, who has followed me regularly since my first visit to the gynecologist-oncologist in July this summer, sat at my bedside and talked to me. But I do not remember what she said.

On Wednesday, the first day after surgery, I was conscious but very weak. I was under epidural anesthesia with high doses of painkillers. I could not breathe very hard. Lots of tubes in and out of my body: oxygen; drain in the belly to remove any residual blood and infection from the operation; catheter connected to my bladder because the bladder was slightly affected during the operation; infusion for hydration; and epidural infusion of painkillers.

I felt extremely thirsty and so I drank water, but nothing seemed to go lower than my stomach. I seemed to throw up everything. Vomiting spasms were accompanied with horrible pain on the wound. So here is how it went: I was waiting for a few minutes, then tried to drink a little bit of water; waited and dozed; then threw up in the next hour. Of course I told myself that I should not drink. I did not need to drink, technically speaking, but thirst was so intense that it won over the fear of vomiting. So I was only able to wait for another hour, then I tried to drink again, and vomit again… and again.

Pain in the abdomen was accompanied with back pain, and the room felt as if I was capsized in a boat. So I move as little as possible to suffer as little as possible.

My gynecologist came on the day after the intervention and was happy. I like this guy very much. He is very cautious when he talks, never says too much information that I am not ready to hear, but he is very frank when I ask him difficult questions. I do trust him fully. He told me that the operation was a success: all traces of visible tumor could be removed. The two surgeons were able to remove the affected organs, ovaries, fallopian tubes and uterus, as well as the peritoneum and appendix _the standard procedure. The operation was very difficult, he said, and he is really happy with the result.

A young woman doctor examined my scar. My belly looked like that of a Christmas turkey stuffed with chestnuts. "Beautiful."
If she says so.

But despite the pain, I was glad: For the first time in months, I began to see the future. I felt that I now had at least over a year or two to live. Why two years? I haven't heard it from the doctor; it's just the first image that immediately came to my mind. And perhaps much more, after all ... but it will be a matter of luck and I do not want to think about it further. Two years to live, that's great!

Two friends came to visit, close friends. One was super happy with the success of the operation and happy to see me alive. I looked great in her opinion. The other stared at me with intense pain in her eyes, and I wished I could reassure her. But I could hardly speak because I could not breathe very deep and felt dizzy. I answered by monosyllables.

Thursday, third day at the hospital: now I’m feeling and hearing rumbling in my intestines. Probably for the first time in my life that I'm really glad to hear that! My nausea has stopped: so it looks as if once the bowels were able to do their job again, the water was able to go lower than my stomach. So it all means that my body wakes up, and I'm happy.

But not so fast ... A few hours later, diarrhea! Shit, I think and yes this is what it is. Having diarrhea when you can not walk - hello shame! I have to call; a girl has to push me to the WC on a wheelchair. I can’t walk but I soon learn to get up and sit down. What a humiliation! It’s Friday night, the nurses fail to come despite my calls, so I decide to walk to the bathroom alone. I'm bent in two, severe pain in the stomach and strong back pain ... but I walk.

The first nights were hell. I woke up every hour, and I had the worst nightmares of my life, close to the hallucinations. The room seemed to waltz. I heard rock and roll music. At in a hospital? The bedroom curtains were moving and on them I could see skeletons in a pink kaleidoscopic background dancing in rhythm with the music. Secondary effects of the painkillers obviously.

My dreams were very violent and frightening. I felt that I was propelled in all directions and been thrown against the walls, bouncing like a ball in a flipper game. A giant blow was pushing me from one wall to another. I got crushed; I could see the walls cracking; another blast and I felt projected again violently against another wall and another, quicker and quicker ... I woke up trembling and with short breath. I did not want to sleep anymore... but, exhausted, I fell asleep again and my next dreams were not more peaceful.

On Saturday morning, diarrhea had finally stopped. My stomach and belly seemed to rest, at last, and I slowly began to eat. I will always remember my first food after four days with empty stomach: a too salty chicken broth that tasted like the most delicious thing in the world; and applesauce. Good start.

The epidural was stopped and very soon afterwards, my brain was working again just as usual. No more wobbly room in the Van Gogh style, neither hallucinations nor nightmares.

My girl friends came to visit me daily. They were great. They had organized the visits so that I would receive only one or two visits per day, nothing more, and nothing less. A small team of guardian angels. I received plenty of flowers and cards, and guess what: My guardian angels had sent an email to my friends with the address of the hospital ! Ah, these women! Their kindness and discretion touches me so much, but I could never tell them how much. For the hundredth time I tell myself that I will never give them in the future what they offer me today.

On Sunday, I could get in a wheelchair, and pushed by my friend Ans, off we went to the hospital cafe for a cup of hot chocolate and a pastry. We talked about our children, work, and the future, quite as usual! Ans later told me "It was great, I didn’t feel like I was doing a hospital visit" _ me neither. I forgot for two hours I was in the hospital. I had started to breathe more freely, and I could feel myself become myself again slowly but steadily.

Over several days, all the plastic pipes entering my body were one by one disconnected. The last one, the catheter connected to my bladder, has been removed on the 7th day.
This meant for me that free life could resume! The fish found a road to the sea and with small leaps he jumped out, back in his natural element. I can walk slowly, and even take a shower alone. This is great.

No wonder people recovering from cancer sometimes talk like happy idiots. I'll be a happy idiot too, you'll see! I'm not ready to forget the pleasure of a shower or to hear my stomach gurgling. I want to remember every day and I do not want to reacquaint myself! I laugh with pleasure and I can not tell you why, because no one will understand that all makes me laugh.
Why is it that I spent so many years to worry for lots of complicated things, without being overwhelmed with pleasure when I went to the bathroom or when I was taking my shower? Being alive, that’s awesome!

Tuesday, the seventh day. "You can go home if you want to," said the doctor. Well, you bet I want to go home!

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Vocabulary: A debulking operation in oncology is a surgical procedure in which the bulk of a cancerous tumor is removed without the possibility that everything has been removed. The debulking surgery complements radiotherapy or chemotherapy. In my case, the "visible" tumors have been removed but it is likely that cancer cells are still lodged in my abdomen but invisibles to the naked eye. So a single operation is not sufficient to treat me. It is necessary to continue the chemotherapy to attack the residual cells. This procedure is standard in advanced-stage ovarian cancer.