mercredi 28 septembre 2011

Continuez les amis, vous allez nous sauver la vie ! (Go on friends, you are saving our lives! )

(English translation at the end)


Je vais parler ici de l’impact des liens affectifs sur le système immunitaire et sur la survie des femmes souffrant d’un cancer du sein. 

Superbe journée ensoleillée aujourd’hui, mais surtout ensoleillée par les personnes que j’ai rencontrées ce matin en faisant un peu de volontariat à l’école de mon fils ! Et puis il y a eu aussi les emails de soutien que j’ai reçus, et ils sont quasi quotidiens depuis le début de mes ennuis de santé ! J’ai eu beaucoup de support venant de ma famille, ex-belle-famille, amis, collègues. Parfois de vagues connaissances sont devenues de grandes amies en peu de temps. J’ai été très étonnée de voir la générosité que les copines qui autrefois n’avaient jamais le temps d’aller boire un café en ville, mais qui maintenant s’arrangent pour passer leurs soirées ou après-midi à mon domicile pour me soutenir moralement ou pour m’accompagner à l’hôpital et m’éviter ainsi d’y aller seule. La solidarité dont je suis entourée est incroyable. 

J’avais lu récemment un bon nombre d’articles de revue de question sur le support social et son impact sur le système immunitaire. Alors j’ai parcouru à nouveau cet après-midi un livre que j’avais beaucoup aimé et qui m’avait beaucoup appris sur les liens entre le support social (au sens large, amour, soutien affectif, connaissance, absence de sens de solitude…) et le système immunitaire et la santé. Le livre est de Esther Sternberg et son titre : « The Balance Within, The Science of Health and Emotions ». L’auteur décrit en détail comment le système immunitaire fonctionne et mécanismes de son dysfonctionnement sous l’effet du stress (y compris les conflits).

Au chapitre huit, elle explique comment les relations sociales et le soutien affectif influencent le cours de certaines maladies. Elle cite deux études qui ont montré que les interactions sociales de qualité, le support et l’affection venant d’autres personnes, peuvent augmenter de plusieurs mois la durée de vie de patients souffrant de cancers. Dans deux études indépendantes, les patients continuaient de prendre leur traitement médical, mais bénéficiaient en plus d’un support psychologique sous forme de groupe de parole encadré par des professionnels de la santé mentale aidant les participants à exprimer leurs émotions.

Ainsi dans une étude des années 90, Davis Spiegel montrait chez des femmes souffrant de cancers du sein qu’une thérapie de groupe et une formation sur les stratégies de « coping » (faire face au stress) prolongeait la vie des femmes de plusieurs mois en moyenne (leurs stades étaient plus ou moins avancés mais les bénéfices étaient observés dans tous les cas). En participant à l’étude, ces femmes y avaient formé des liens affectifs très forts entre elles et avaient appris à exprimer leurs émotions, douleur et colère. Selon les auteurs beaucoup ont développé une sorte de paix intérieure et une acceptation de leur condition (ce qui ne veut pas dire un renoncement à se battre, loin de là), et avaient développé entre elles des liens très forts leur permettant de profiter du support des autres et de se soutenir mutuellement durant leur traitement.

Fawzy semble avoir observé des résultats similaires chez des hommes et femmes souffrant d’un mélanome, mais ses résultats ne sont pas présentés en détail dans ce livre.

Cela ne veut pas dire que la psychologie sauve la vie, d’ailleurs d’autres études ne reproduisent pas ces résultats assez spectaculaires. Mais d’une part, s’il nous reste peu à vivre, nous voulons une qualité de vie optimale. Or les liens entre le système immunitaire et le bon moral marchent dans les deux sens : un bon moral et en particulier une capacité à ne pas être trop stressé chroniquement aident à maintenir un bon système immunitaire qui sinon pourrait être affaibli par le stress. Et vice-versa, le système immunitaire protège contre les sentiments de dépression (par exemple les sensations de fatigue et d’ « envie de rien » lors de la grippe ont beaucoup en commun avec la fatigue rencontrée lors d’une dépression).

Et puis surtout, prolonger la vie de quelques mois peut en fait nous sauver la vie ! Je lisais cet été l’épais pavé écrit par Siddharta Mukherjee « The Emperor of All Diseases, a Biography of Cancer ». C’est l’histoire détaillée du cancer et de son traitement publié l’année dernière. Le livre abonde de détails sur l’histoire des médecins ayant lutté contre cette maladie et des circonstances politiques et sociales qui ont facilité ou ralenti la recherche. Bon, soyons honnête, ce n’est pas le livre le plus rigolo de l’année et il faut serrer les dents et lire les détails de l’agonie et des tentatives ratées de traitements très douloureux d’un bon nombre de personnes de l’antiquité à nos jours. En plus, rien de particulier sur le cancer ovarien qui m’intéresse particulièrement.

Mais le livre m’a fait comprendre pourquoi le cancer est si complexe à comprendre et à soigner, et nous fait découvrir les progrès immenses qui ont été faits ces dernières décennies. Il termine sur une note extrêmement positive qui ne m’a pas semblée exagérée : il explique les implications du décodage du génome humain qui s’est achevé en 2003 après 13 ans de recherche; et sa suite, le projet du ‘décodage’ du génome des cellules du cancer qui représente un défit technique encore plus important (du fait du nombre et de la variété des cellules concernées).

Le décodage des cellules du cancer (the Cancer Genome Atlas, le website est http://cancergenome.nih.gov/) permettra dans les mois et les années à venir de mieux comprendre le fonctionnement des cellules cancéreuse et leur diversité ; et promet de permettre la découverte de nouveaux médicaments. Nous commençons à en voir les effets déjà dans le traitement de certains cancers. En ce qui concerne le cancer ovarien, très peu d’avancées significatives ont été accomplies ces dernières décennies depuis la découverte du Taxol (une des molécules utilisées dans la chimiothérapie). Mais cette année en Janvier, une publication indiquait que le génome des cellules avait été décodé :

OCRF NewsResearchers Create Genetic "Map" of Ovarian Cancer
07/01/2011
http://www.ocrf.org/index.php?option=com_content&view=article&id=842:researchers-create-genetic-map-of-ovarian-cancer&catid=1:latest-news&Itemid=241

Donc vivre quelques mois de plus peu faire la différence ! Je pense que de nouveaux traitements verront le jour dans les mois qui viennent ou les toutes prochaines années. Le plus longtemps nous survivons, le plus de chances nous avons d’être encore en vie lorsque de nouveaux traitements seront disponibles sur le marché… Je ne suis pas médecin, mais de nombreux exemples lus dans ce livre de Mukherjee m’ont convaincue que de tels miracles ne sont pas rares lorsqu’on parle de cancer !

Donc il faut tenir, et, bonne nouvelle, rencontrer des amis et s’amuser doit faire partie de nos plans !

Aujourd'hui alors que je travaillais un peu et que je parlais des enfants et de choses et d'autres avec les autres femmes qui étaient venues aider, je me sentais heureuse et très en forme! Je suis certaine que mon système immunitaire me disait merci; et moi je dis merci à toutes mes amies et je sais que beaucoup ont commencé à me lire, ce qui me fait sentir d'autant plus connectée et soutenue ;-))

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English translation:

Go on friends, you are saving our lives!


I will talk here about the impact of emotional bondson the immune system and the survival of women with breast cancer.

Beautiful sunny day today; a feeling of warmth enhanced by the people I met this morning while volunteering at my son’s school! And then there were also numerous emails of support, and they arrive almost daily since the beginning of my health problems! I have great support from my family, in-laws, friends, colleagues. Sometimes vague acquaintances have become great friends in no time. I was very surprised to see the generosity of the girls who used to have little time to drink a coffee in town, but who now easily free their time to spend evenings and entire afternoons to support me emotionally and to accompany me to the hospital. The solidarity that has taken place is unbelievable.

I had recently read a good number of articles on the issue of the relationship between social support and our immune system. I re-opened this afternoon a book that I have loved and where I have learned a lot about the relationship between social support (in its broad sense: love, emotional support, friendship, absence of loneliness feelings…) and the immune system and health. The book is from Esther Sternberg and its title is: "The Balance Within; The Science of Health and Emotions". The author describes in detail how the immune system works and how it starts to dysfunction as a result of stress (including interpersonal conflicts).
In chapter eight, she explains how social relations and emotional support influence the course of some diseases. She cites two studies which have shown that social interactions of quality, emotional support and friendliness (relationships characterized by sharing intimate feelings), can increase life of patients suffering from cancer for several months. In these two independent studies, patients continued to take their medical treatment, but received in addition psychological support in the form of a discussion group by mental health professionals helping participants to express their emotions.  

One of this study is from the 1990s, when Davis Spiegel showed in women with breast cancer that group therapy and training on "coping" strategies (coping with stress) extended the life of women by  several months on average (the stages of their disease were more or less advanced, but the benefits were observed in all groups). By participating in the study, these women had formed very strong emotional bonds between them and had learned to express their emotions, pain and anger. According to the authors, many have developed a kind of inner peace and acceptance of their condition (which does not mean they gave up,  far from it), and they had developed between them very strong ties that enabled them to support each other during their treatment.

Fawzy seems to have found similar results for men and women with melanoma, but his results are not presented in detail in this book and I did not look further yet.

This does not mean that psychology saves lives: in fact, other studies do not reproduce these spectacular results. However the results are still important for two reasons.

First, if we have little time left, we want an optimal quality of life. It is demonstrated that links between the immune system and a good mental health work in two directions: being in good spirits (for example laughing) and the absence of chronic stress helps maintain a good immune system which otherwise could be weakened. And vice versa, the immune system protects against feelings of depression (for example the sensations of fatigue and "want nothing" during influenza have much in common with fatigue encountered during a depression).

And then, extending our life for a few months does matter because… in fact it could very well save our life altogether! How? I was reading this summer this thick book written by Siddharta Mukherjee "The Emperor of All Diseases, a Biography of Cancer". It is a detailed story of  cancer and its treatment; it was published last year. The book is full of details about the history of physicians who fought against this disease as well as the political and social circumstances that have facilitated or hindered research. Well, let's be honest, this is not the funniest book of the year; you have to bite the bullet while reading the details of the agony and failed attempts to treat the most painful conditions from Antiquity to nowadays. In addition, nothing on ovarian cancer which interest me particularly (but if you qre interested, a lot on leukemia and breast cancer treatments for example).

Anyway. The book made me understand why cancer is complex to understand and treat, and enabled me to discover the immense progress made over the past decades. And it ends with an extremely positive note. It explains the implications of the decoding of the human genome which was completed in 2003 after 13 years of research. Its follow-up is the project of 'decoding' of the genomes of cancer cells. This is an even more difficult challenge because of the high number and variety of the cells concerned.

The decoding of the cancer cells (the Cancer Genome Atlas, the website is http://cancergenome.nih.gov/) will in the months and years to come enable to better understand how cancerous cells operate; this will facilitate the discovery of new drugs. We start to see the effects already in the treatment of some cancers. With regard to ovarian cancer, very few significant advances were made over the past decades after the discovery of Taxol (one of the molecules used in chemotherapy for epithelial ovarian cancer), which is very worrying. But this year in January, a publication stated that the genome of cells had been decoded:  

OCRF NewsResearchers Create Genetic "Map" of Ovarian Cancer
07/01/2011 
http://www.ocrf.org/index.php?option=com_content&view=article&id=842:researchers-create-genetic-map-of-ovarian-cancer&catid=1:latest-news&Itemid=241

So living a few more months can make a difference more than ever, because the scientific context is rapidely moving! I believe that new treatments will emerge in the coming months or next few years. The longer we survive, the most likely we will still be alive when new treatments become available on the market. I am not a doctor, but having read many individual stories in Mukherjee’s book, Mukherjee have convinced me that such miracles are not uncommon when it comes to cancer!

 So we must keep on going, keep on fighting, and, good news, meeting friends and having fun should be part of our plans!

Today while I was working a bit at school and talking about our children with other women, I felt happy and fit! I am sure that my immune system told me thank you. And I say thank you to all my friends (and I know that many have started to read me which makes me feel even more connected and supported :-))


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mardi 27 septembre 2011

Les pronostics? Non merci, docteur… Enfin dites moi quand même. (Prognosis...)

 
Ce dimanche dernier, je suis allée prendre un petit déjeuner en ville pour rencontrer un ami médecin. J’avais un mal de ventre affreux le matin mais j’ai pris mon paracétamol à l’avance, et j’allais assez bien pour y aller. Depuis que j’ai commencé la chimio, je marche beaucoup mieux _ probablement un signe que la tumeur réduit… ou un effet placebo. Mais je préfère penser que la tumeur réduit.

Je voulais vraiment avoir du temps avec un professionnel et lui parler de mon pronostique, mais je ne savais pas encore quelle question poser ou comment la poser. Je savais juste que mon pronostique me rendait très confuse, et n’apportait pas grand-chose de plus à mon quotidien à part beaucoup d’anxiété.

Je connais bien les statistiques, c’est quasiment mon métier car on ne fait pas de psychologie scientifique sans statistiques. J’ai trouvé les statistiques concernant mes chances de survie à 5 ans sur Internet, qu’un ami oncologiste m’a confirmées. A mon stade, mes chances d’être encore en vie dans 5 ans sont d’environ 30% (les chiffres varient un peu selon les sources). Le risque que mon cancer revienne même s’il est soigné cette fois-ci sont extrêmement élevés : d’après Internet toujours et sur des sites anglophones (le site américain du NHI, National Health Institute et une association spécialisée dans le cancer ovarien) j’ai un risque de 70 à 90% que mon cancer revienne. Je n’ai pas encore soigné celui-ci que je pense déjà au prochain !

Je vis avec ces statistiques en tête en permanence, tout en sachant parfaitement que cela ne veut rien dire pour moi, en tant qu’individu. Je le sais mais je voulais quand même savoir ! Je veux tenter de maîtriser l’aléatoire… car les caprices des cellules cancéreuses sont extrêmement difficiles à comprendre pour les médecins et chercheurs. Je sais qu’ils ne peuvent pas me dire « chère madame, vous avez encore environ 4 ans à vivre (alors profitez-en !), et peut-être plus mais on ne peut pas vous garantir. »

Ces statistiques ne m’aident pas à mieux vivre, au contraire. Le pronostic est donné sous forme de survie pendant 5 ans suivant le diagnostique _ une statistique calculée sur des données passées et sur tous les patients et tous types de cellules. Ce ne sont que des moyennes. En fait, la variabilité des réactions au traitement est très élevée. Cela ne me dit pas si je vais vivre seulement 1 an ou 4 ans et 364 jours. Cela ne me dit pas si dans 5 ans je serai en vie et à dos de chameau à visiter les pyramides d’Egypte ou bien dans mon lit au seuil de la mort. Et surtout cela ne me dit pas qui passera le cap des 5 ans : les plus jeunes, les plus sportives, les plus chanceuses, les végétariennes, les plus battantes… ?

Il y a deux questions qui sont importantes pour moi maintenant. C’est qu’est-ce que je dois faire pour m’en sortir vivante ? Et comment est-ce que je dois vivre, maintenant, aujourd’hui, sachant que je n’ai pas idée du temps qu’il me reste à vivre.  Et c’est cette deuxième question qui me torturait l’esprit ce dimanche matin et dont j’ai parlé à cet ami en pleurant sur mon thé et en m’excusant de pleurer.

Désormais lorsque je commence à faire des plans, je suis aussitôt très triste et je me stoppe dans mon élan. «  Non Catherine, ne te fais pas trop de plans ». Je ne veux pas être déçue s’ils ne peuvent pas être réalisés. Je cherche à être réaliste, et mon coté intellectuel ne m’aide pas et me force à ne pas me laisser aller à mes émotions mais à penser rationnellement. Or ne pas faire de plans est une torture mentale. J’ai l’impression de ne plus avoir de raison de vivre si je ne peux pas me réveiller le matin avec la perspective de faire quelque chose de chouette dans la journée. Et je veux dire, quelque chose de vraiment important, pas simplement prendre un bon bain et écouter de la musique. Je suis ambitieuse et de plus je n’arrive pas à vivre juste pour moi-même, je veux quelque chose qui compte et qui aide...

Oh, je sais profiter du présent, aller me promener dans le parc à coté de chez nous, jouer avec William à un jeu de société ou regarder ensemble un programme télé qui nous fait rigoler. Je rigole et je suis heureuse. Mais ça ne remplit pas ma vie. Je suis loin d’être la seule : il faut que la vie ait un sens, le sens que chacun de nous lui donne en faisant les choses qu’on aime et dont on reconnaît l’importance.

Je n’avais pas trouvé la solution ce dimanche et je ne savais même pas comment formuler mes questions, je me sentais seulement très confuse, triste et anxieuse en pensant à ces statistiques et mon avenir ou mon manque d’avenir.

Je dis à mon ami que j’aime écrire mais écrire un livre prend tellement de temps que je pourrais mourir plusieurs fois avant d’y arriver. Et j’ai tellement de fatigue, est-ce que je peux toujours lire la littérature scientifique et la synthétiser ? Je n’en suis pas sûre du tout. Je pleure. Mon ami me dit qu’il vaut mieux être réaliste et ne pas se bercer d’illusions, sinon on tombe de haut et on n'est pas prêt à affronter les prochaines épreuves. Il ne faut pas vivre dans le déni. Cela m’aide qu’il me dise cela. Je me sentais coupable de me sentir triste et parfois sans espoir. Cela me fait du bien qu’on me dise que ce n’est pas une mauvaise chose. Etre réaliste, cela nous rend plus triste, mais on peut aussi simplement faire des plans plus réalistes. On n'économisera pas pendant 7 ans pour prendre une année sabbatique et faire le tour du monde… mais on peut penser aux prochaines vacances d’été quand même et y penser comme si ce seront nos dernières vacances d’été. Alors si mes prochaines vacances d’été doivent être les dernières,  où est-ce que j’aimerais les passer et qu’est-ce que j’aimerais vraiment voir et faire ? Des images d’une croisière en Norvège pour voir les Fjords et les aurores boréales me viennent à l’esprit… est-ce que William aimera ça ?

En psychologie, le dilemme de l’optimiste et du pessimiste a été discuté par des psychologues spécialisés dans la « résistance » (resilience en anglais) et la psychologie positive (Martin Seligman est souvent cité). Selon les psychologues positivistes, de nombreuses études montrent que les optimistes sont plus heureux et qu’ils accomplissent aussi plus de choses que les pessimistes car ils ont moins peur de l’échec. Mais, les pessimistes sont en fait plus objectifs, et en règle générale ils ont raison…

Au bout du compte je vais sûrement être du coté des pessimistes mais tenter de l’être sans être anéantie par la perspective de ne vivre qu’une vie courte. Je pense que maintenant je dois faire des plans à plus court terme. Je ne pense pas que cela influence mes chances de survie… ou plutôt je l’espère ! Je ne crois pas que les super optimistes  se sortent mieux du cancer mais après tout je ne sais pas et je vais aller tenter de jeter un coup d’œil dans les publications scientifiques. Je ne dis pas que j’ai raison, peut être que les « battants » s’en sortent mieux, mais je ne peux pas me mentir a moi-même et nier que mes chances sont minces… c’est tout mon problème au fond.

Cela ne veut pas dire non plus que je baisse les bras, loin de là ! Je pense qu’une attitude positive est de continuer à faire attention à sa santé, bien manger, bien dormir, bien rire et s’entourer d’amis. Et c’est ce que je fais tous les jours. De toute évidence, ceux qui baissent les bras et ne font plus attention à eux vont souffrir mentalement et négliger les choses qui pourraient prolonger leur vie. Mais je veux me battre à ma façon, ce qui pour moi veut dire sans dénier la réalité, en évitant la dépression, et même plus, en étant sereine et heureuse même sans savoir si j’ai encore 1 an à vivre ou 20 ans. Un équilibre difficile à trouver…  


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My English translation:  



My prognosis? No thanks... oh, just tell me anyway.

This past Sunday, I went to have breakfast in town to meet with a doctor friend. I had a terrible stomach ache in the morning but I took some light painkiller beforehand, and I was well enough to go. Since I started chemo, I walk a lot better _ probably a sign that the tumor is reducing ... or a placebo effect. But I prefer to think that the tumor is reducing.

I really wanted to have time with a professional and tell him about my prognosis, but I did not know what to ask or how to ask. I just knew that my prognosis was making me very confused and did not bring much to my daily life except a lot of anxiety.

I know statistics. It's almost my job because there is no scientific psychology without statistics. I found the statistics concerning my chances of survival at 5 years on the Internet; and an oncologist friend confirmed. At my stage, my chances of being alive in 5 years is approximately 30% (figures vary slightly depending on the source). The risk of my cancer comes back even if treated this time are very high: according to Internet sites (U.S. site of the NHI, National Health Institute and an association that specializes in ovarian cancer) I have a risk of 70 to 90% that my cancer comes back. I’m not done yet with this one that I'm already thinking about the next!

I live with these statistics in mind all the time, knowing well that they mean nothing for me as an individual. I do know it’s not very helpful… but I did want to know! It’s like wanting to control randomness _ because cancer cells are extremely difficult to understand for practitioners and researchers. I know they can not tell me "dear lady, you still have about 4 years to live (so enjoy!), And perhaps more but we cannot guarantee. "

These statistics do not help me live better, however. The prognosis is given in the form of survival for 5 years after diagnosis _ a statistic calculated on past data and on all patients and all cell types. These are just averages and variability of response to treatment is very high. This does not tell me if I will live only a year or 4 years and 364 days. This does not tell me if in five years I will be riding a camel to go visit the pyramids of Egypt or be in my bed on the verge of death. And above all this does not tell me who will pass the milestone of 5 years: the youngest, the athletic ones, the luckiest, the vegetarians, the fighters...?

There are two issues that are important to me now. First, what I need to do now to get out of all this alive? And second how do Ilive’ now, today, knowing that I have not idea how long I have left to live. It is this second question that tortured mind this Sunday morning and that I discussed with my friend while crying in my tea and apologizing for crying.

Now when I start making plans, I feel very sad and I stop in my tracks. "No, Catherine, do not get too many plans." I want to avoid disappointment if they can not be achieved. I try to be realistic, and my intellectual side does not help me but forces me to not let go my emotions and to think rationally. But to live without plans is a mental torture. I feel like I no longer have a reason to live if I can not wake up in the morning with the prospect of doing something good in the day. And I mean something really important, not just enjoying a good bath. I am ambitious and, besides, I can not just live for myself. I want something that matters and is useful...

Oh, I know how to enjoy every moment; I fully enjoy still walking in the park next door, or playing a boardgame with William or watching a TV program that makes us laugh. I laugh and I'm happy then. But that is not it. It does not fulfill my life. I know I am no exception. Life must have meaning, the sense that each of us gives him by doing things you love and which recognizes the importance.

I had not found a solution, or a position, this last Sunday and I did not even know how to formulate my questions; I was just very confused, sad and anxious thinking about these statistics and my future or my lack of future.

I told my friend that I love to write, but writing a book takes so long that I could die many times before arriving there. And I'm so tired _ am I able still to read the scientific literature and synthesize it to write about it? I'm not sure at all. I cry. My friend tells me that it is better to be realistic and not fool ourselves, otherwise we fall down and we are not ready for the next events. Do not live in denial. It helps that he tells me that. I felt guilty to feel sad and sometimes hopeless _ thinking that perhaps it would worsen my condition. It feels good to be told that this is not a bad thing. Being realistic makes you sad, but you can also simply make plans more realistic. Instead of saving money for 7 years to to take a year off and go around the world, you can think about next summer holidays _ even if you have to think that perhaps this will be your last ones. So if my next summer vacation should be the last, where do I want to go and what I really want to see and do? Images of a cruise in Norway to see the Fjords and the northern lights come to mind ... will my William like the idea?

In psychology, the dilemma of optimism and pessimism has been discussed by psychologists who specialize in “resilience” and positive psychology (Martin Seligman is often cited). According to positivist psychologists, many studies show that optimists are happier and they achieve more things than the pessimists because they have less fear of failure. But the pessimists are actually more objective, and usually… they are right.

In the end, I guess I am on the side of the pessimists, but I know I am also not being destroyed mentally by the prospect of not living a long life. I think now I should simply make plans in the shorter term. I do not think it will influence my chances of survival _ or I hope so. I do not think that super optimists do better against cancer _ but after all I do not know and I'll go try to take a look qt the scientific literature. I'm not saying I'm right, maybe the "fighters" are doing better, but I can not lie to myself and ignore that my chances are slim... it's my problem.

This does not mean more than I give up, far from it! I think a positive attitude is to continue to pay attention to my health, and this means: eat well, sleep well, laugh and let’s be surrounded by friends. And this is what I do every day. Obviously, the ones give up and no longer pay attention to their body will suffer a lot more physically and mentally, and neglect things that could prolong their lives. I want to fight my way, which for me means without denying the reality, avoiding depression, and, above all, being calm and happy _ even without knowing if I still have a year to live to 20 years. A delicate balance...

***

Alors désormais je suis « une malade » !? (So now I am "chronically ill"!?)

English translation at the end:  So now I am "chronically ill"!?



J'ai 42 ans seulement et avant les vacances cet été, j'étais très sincèrement heureuse.



D'abord, je faisais beaucoup de sport. C'est drôle je n'aimais pas du tout le sport lorsque j'étais plus jeune, je ne me pensais pas douée du tout et j'étais plutôt l'intello. Mais petit à petit le goût du sport m'était venu et lorsque la maladie m'a frappée, je faisais régulièrement mes 24 km de vélo par jour pour me rendre au travail. J'avais commencé à apprendre l'aviron, et je faisais très souvent une grande marche dans les parcs environnants le week-end pour m'aérer l'esprit.

Je pensais que si je continuais à bien entretenir mon corps, je vivrais certainement jusqu'à 100 ans! J'avais pris cette décision en riant de moi-même, mais tout de même à moitié sérieusement. Donc d'après mes prévisions, j'avais quand même encore presque 60 ans à vivre ce qui laisse le temps d'apprendre beaucoup de nouvelles choses et de voyager. J'avais beaucoup de projets, des listes entières à vrai dire! J'avais deux grands rêves: tomber amoureuse et écrire des livres.

Je suis psychologue et je prenais soin de mon équilibre mental, enfin, du mieux que je pouvais. C'est moins évident que d'enfiler ses baskets, mais je lisais et je développais  quelques bonnes habitudes, un peu de méditation, un peu de pensée positive... J'ai un bon travail, et même si j'ai raté des choses dans ma vie, dans l'ensemble j'ai bien réussi. Je vis avec mon fils de 9 ans et je suis divorcée depuis plusieurs années. Mon fils partage sa vie entre mon appartement et celui de son père qui vit à quelques minutes en vélo. Oui en vélo, car nous vivons aux Pays-Bas. Une autre longue histoire, pas pour aujourd'hui.

En juin cet été, j'ai senti un gonflement dans le ventre et j'ai vaguement pensé que j'étais peut-être stressée ou que je devais avoir trop mangé. Mais il y avait un gonflement anormal et dur dans le bas du ventre à gauche, juste au dessus de mon pubis, que je pouvais sentir sous ma main lorsque j'étais allongée. Je n'ai pas tardé à réagir et dans la semaine j'étais chez le médecin.

Après plusieurs examens, une échographie d'abord, puis un CT-scan et un IRM, un gynécologue oncologiste m'annonçait que j'avais certainement un cancer des ovaires. Il était très professionnel et semblait suivre un script bien préparé pour me l'annoncer. Il fallait faire un examen complémentaire pour en être certain et déterminer la suite du traitement. Après une attente de 3 semaines, délai pour être opérée par une grande spécialiste, je rentrais à l'hôpital pour la biopsie (sous anesthésie générale). L 'après-idi de l'opération, je recevais la confirmation que j'avais effectivement un cancer.

Ce n'était plus une grosse surprise: à ce stade j'avais perdu espoir que ce soit simplement une tumeur bénigne car en quelques semaines la tumeur avait tellement grossi que j'avais beaucoup de mal à marcher normalement. Je commençais à m'habituer aux mauvaises nouvelles après chaque examen et pourtant ce n'était pas encore le pire. Le pire est venu lorsqu'on m'a annoncé que j'étais en stade 3B, ce qui est un stade très avancé. Je ne pouvais pas y croire. Je faisais du sport, du vélo et de la rame deux mois avant, je n'avais absolument rien senti d'anormal, ce n'était pas possible...

Les deux derniers mois ont été comme un cauchemar dont j'attendais de me réveiller. Je commence à reprendre pieds et à comprendre que ma vie a totalement changé. Je suis maintenant une malade chronique, et il faut que je m'habitue à cette idée!

Plusieurs amis m'ont encouragée à écrire. Sur le coup cette idée me paraissait impossible. Je ne pouvais pas m'exposer ainsi, et je ne savais pas quoi dire de toute façon, mes pensées me bombardaient sans répit. Je ne pouvais même plus m'asseoir et méditer une seconde, tant mes propres pensées me submergeaient.

Mais je commence lentement à comprendre pourquoi je devrais écrire. Pour faire le tri dans ma confusion. Et puis surtout pour partager. Pour que cette épreuve ait un sens. Partager mes pensées, mes sentiments, mais aussi peut-être ma connaissance de la psychologie et comment cette science peut nous aider à tenir bon malgré la douleur et l'anxiété. Un vieux réflexe professionnel, je ne peux pas m'en empêcher. C'est vrai que j'adore écrire et expliquer la psychologie! Cela va beaucoup m'aider de partager et de tenter d'aider d'autres personnes dans des situations similaires ou qui ont des proches qui luttent contre le cancer. Je voulais écrire un livre sur les enfants vivant à l'étranger, mais je ne peux plus me concentrer sur le sujet. Je suis obnubilée par le cancer. Alors autant faire mes recherches et écrire sur ce sujet.


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English translation:


So now I am “chronically ill”?


 
I'm 42 and just before the holidays this summer, I was sincerely happy.

First, I was very sportive. It's funny I did not like sports when I was younger. I thought I was not good at all. But gradually the taste of the sport had come to me and when the disease hit me, I used to bike 24km a day to get to work everyday. I also started to learn rowing, and every so often on week-ends I had a long walk in the park and the woods next door to refresh my mind.

I thought if I continued to properly maintain my body, I could probably live until I was 100! I made ​​this decision, laughing at myself… but still, half seriously. So according to my predictions, I had almost 60 years to live _ which is a  reasonable time to learn many new things and travel. I had a lot of projects _ as a matter of fact entire lists of projects! And I had two big dreams: falling in love and writing books.


I am a psychologist and I’ve always taken care of my sanity _ at least, I was doing my best. It is less obvious that putting on his sneakers, but I kept reading about the psychology of well-being and I developed some good habits, a little bit of meditation, a little bit of positive thinking ... I have a good job, and although I missed a few things in my life, all in all I have done pretty well. I live with my 9 year old son and I have been divorced for several years. My son divides his time between my apartment and that of his father who lives a few minutes by bike. Yes bike, because we live in the Netherlands. Another long story, not for today.


In June this summer, I felt a swelling in the belly and I vaguely thought I might be stressed or that I must have eaten too much. But one day I realized that there was an abnormal swelling that felt hard, on the left side below my navel when I was lying on my back… and I rushed to see my doctor. 


After several tests, an ultrasound first, then a CT-scan and an MRI, a gynecologic oncologist told me that I most probably had ovarian cancer. He was very professional and seemed to follow a script when telling me. We had to make a further examination to be sure and determine further treatment. After waiting three weeks, being on a waiting list to be operated by a national specialist, I returned to the hospital for a biopsy (under general anesthesia). The afternoon of the operation, I received confirmation that I was actually cancer. It was mid-August. It was not a big surprise at this stage. I had lost hope that it would simply be a benign tumor because the tumor had grown so much that I had great difficulty walking normally. So I'd begun to get used to bad news after each examination and yet it was not the worst. The worst came when the gynecologist told me that I was in stage 3B, which is a very advanced stage. I could not believe it. Two months before while cycling or rowing there was absolutely nothing wrong with me _ it was not possible ... 


The last two months have been like a nightmare from which I expected to wake up. I am slowly starting to get back to reality and understand that my life has totally changed. Now I am a chronically ill, and I have to get used to the idea!


Several friends encouraged me to write. At the time this idea seemed impossible. I could not expose myself and my feelings to others. And I did not know what to say anyway. My thoughts were bombarding me relentlessly. I could not even sit down for meditation and focus for more than half a second because my thoughts were overwhelming and out of control.

I ‘m starting to realize why several friends told me that I should get it out through writing. To sort out my confusion. To share and to help others. For this challenging moment in my life to become meaningful. I started to see that
I could share my thoughts, my feelings, but maybe my knowledge of psychology and how this science can help us to hold on despite the pain and anxiety: an old professional reflex. It is true that I love writing and explain the psychology! This will help me a lot to share and try to help others in similar situations, patients who also fight cancer or relatives. I wanted to write a book about children living abroad, but I can not to focus on the subject. I am obsessed with cancer. So I’d rather spend this energy sharing and writing about it.