C’est une décision importante et une question
ouverte à laquelle il faut répondre alors même que le diagnostic de récurrence vient
de tomber. Bien sûr, j’ai quelques jours pour réfléchir. Vais-je participer à
l’essai clinique qui est ouvert dans notre pays et pour lequel je remplis la
plupart des critères ? L’essai propose de tester si la chirurgie de
debulking lors d’une récurrence peut permettre de faire gagner un peu
d’espérance de vie aux patientes, sans trop altérer leur qualité de vie. Je peux
choisir de ne pas entrer dans l’essai, et reprendre la chimiothérapie seule
(carboplatine, taxol et Avastin). Ou bien je peux aussi joindre l’essai dont
une branche comporte de la chirurgie: opération de debulking
pratiquée avant de recevoir la chimiothérapie. L'autre branche de l'essai clinique serait le traitement classique, sans chirurgie et avec le cocktail de chimiothérapies. Donc. Essai clinique ou non ?
Chirurgie ou non ? Comment prendre une telle décision ?
J’aurais du mieux écouter mon oncologue, mais
aussi le décoder. Me voyant enthousiaste à l’idée d’un protocole, il n’a pas
dit que c’était une mauvaise idée. Il n’a pas été en faveur non plus. Il
m’énumérait les pour et les contre. Je ne savais plus. J'aurais aimé qu'il soit moins neutre. Je trouve cette décision extrêmement difficile à prendre.
Au départ, complètement va-t-en-guerre, à 100% en faveur pour essayer tout ce qui pouvait améliorer mon espérance de vie, j’ai demandé
à mon oncologue si je pouvais avoir une chirurgie. J'étais prête à le supplier. Mais durant
notre entretien, j’ai commencé à douter. Un essai clinique avec un
groupe contrôle tiré au sort signifie que les chercheurs ne savent pas encore
si le nouveau traitement marche vraiment mieux, sinon, il ne serait plus à
l’essai, me rappelle-t-il. Le groupe contrôle, de mon point de vue, n’est pas intéressant, ajoutera uniquement des examens dans un hôpital universitaire; cela alourdira mon suivi tandis que je serai fatiguée par la chimio. Le groupe
expérimental présente l'option attrayante d'une intervention chirurgicale qui m'enlèrerait les tumeurs naissantes dans mon abdomen... mais l'intervention est extrèmement lourde. Le jeu en
vaut-il la chandelle ? Une chirurgie lourde va m’invalider pendant
plusieurs semaines, voir quelques mois, d’autant qu’il pourrait y avoir des
séquelles telles qu’un muscle abdominal abîmé qui pourrait rendre la marche
difficile et douloureuse pendant longtemps. Combien de temps cette chirurgie
m’offrira-t-elle, comparé à l’absence de chirurgie (la chimio seule) ? Personne
ne le sait.
Puisque j’ai bien réagi à la chimio la première fois, je devrais à nouveau bien réagir et le traitement chimiothérapeutique pourrait suffir pour tenir le cancer à distance pendant encore quelques années. Or, le protocole
expérimental qui est publié sur internet présente des chiffres qui font frissonner. Pour calculer le nombre de patients
nécessaires pour détecter les effets, les chercheurs font l’hypothèse que la
chirurgie pourrait ajouter cinq mois de survie en plus. Cinq mois en plus –
mais combien de mois à souffrir des séquelles ? Ajouter à cela les risques inhérents à cette chirurgie très lourde. Et le
fait que la famille et les proches vont morfler de me voir souffrir, vont devoir aider un maximum… Mmm. Scrrscr... [grattage de tête]
L’argument final qui fait pencher la balance
en défaveur de cet essai : si on ouvre à nouveau mon ventre, ce sera à
nouveau sur la même cicatrice. Les tissus seront de plus en plus difficiles à
cicatriser. Est-ce que cela ne diminue pas mes chances d’avoir d’autres
chirurgies dans le futur ?
Ma décision est prise : je ne m’inscrit pas à cet essai clinique. Je vais
suivre un protocole normal. Je garde mon ventre intègre pour les jours où je
deviendrai résistante à la chimio et où on me proposera un essai clinique plus
nouveau _ par exemple, la chimio intra-péritonéale qui est à l’essai dans
d’autres pays, ou d'autres techniques ou traitements qui n'existent peut-être même pas encore.
Une fois la décision prise et annoncée à mon équipe, l'équipe met en route ma prise en charge très rapidement. Hier, ai passé presque 6 heures à l'hôpital - oncologue, infirmière, pharmacie, prise de sang, et enfin rendez-vous chez la coiffeuse de l'hôpital qui va me faire une perruque. Je n'en voulais pas la première fois, mais la situation a bien changé. J'aimerais pouvoir sortir discrètement, sans forcément que les personnes sachent que je suis sous traitement. Beaucoup de choses ont changé depuis le premier diagnostic, en 2011. Je suis plus calme, j'ai envie de profiter de ma petite vie tranquille et ne pas voir les visages attristés et peinés à la vue de ma casquette qui couvrira mal mon crâne chauve. Je ne veux pas qu'on me rappelle à chaque sortie que je suis malade. Avant, je ne voulais rien cacher: voyez Messieurs-dame, je me bats contre le cancer. Maintenant je suis une malade chronique. C'est bien différent. J'ai besoin de plus d'intimité.
Voici des nouvelles de ma situation médicale pour le moment. J’attends
une opération mineure pour placer un cathéter -
finies les douleurs pour trouver mes veines pour les infusions de
chimio. Ouf !
Une fois la date de cette opération connue, on enchaînera
tout de suite avec la chimiothérapie : Carboplatine, Taxol et Avastin. Ce sera la semaine prochaine mais je n'ai pas encore les dates précises.
En tout, j’aurai trois cycles chimio de 3 semaines, un bilan intermédiaire, puis probablement à nouveau trois cycles de 3 semaines. Ca nous mène à mi-octobre ou fin-octobre.
L’Avastin continuera ensuite pendant un an. Je serai ensuite suivie régulièrement par bilans sanguins et CT-scans.
Et le spectacle continue, zimbadaboumdoumdoum... :-) Bon. Vraiment? Non. Je commence à me sentir déprimée pour tout vous dire. Mais je vais me battre, tranquillement, en marchant 5km par jour tant que je le peux, en mangeant bien, en rigolant, et en aimant la vie et en la croquant à pleine dents, même les jours de pluie. :-)
Gros bisous à tous qui me soutenez tellement en ce moment! MERCI!!!
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