mardi 5 décembre 2017

prochains examens médicaux en vue

Bonjour, 

juste quelques nouvelles médicales. Pour le moment, mon état est stable, avec des marqueurs qui ont augmenté mais se sont ensuite stabilisés. Je continue à prendre de l’Avastin régulièrement, toutes les trois semaines. Avec peu d’effets secondaires, un peu de fatigue musculaire, et quelques autres petits problèmes physiques, mais rien de sérieux.

Depuis quelques semaines cependant, je me fatigue plus vite, je m’essouffle. Tout est relatif et je continue à marcher et faire du vélo, mais je marche doucement, par peur de m’essouffler et d’avoir un étourdissement. J’en ai parlé à l’oncologue et à l’infirmière référente qui me suivent. A première vue, rien d'anormal. Mais j'ai des lourdeurs dans le ventre qui s'accentuent et tout cela me rappelle les début du cancer en 2011... Donc je suis assez angoissée.  

Des examens médicaux vont commencer cette semaine pour faire des petites photos de mes chers intestins et tout ce qui les entoure chaudement. Je m’attends à de mauvaises nouvelles et j’ai donc alerté ma famille, mais peut-être qu’une fois de plus ce sera une fausse alerte. On verra…

Je prépare avec bonheur la St Nicolas (petits cadeaux et lettre au chocolat), et surtout, Noël (acheté presque tous les cadeaux, et quelques nouvelles petites décos de table hier…. !).


Je mettrai ici des nouvelles de mes traitements si je dois reprendre la chimio… En attendant, profitons des belles lumières des fêtes de fin d’année, des biscuits Speculaas, mandarines et chocolats... et de l'esprit de Noël...  

samedi 26 août 2017

Commencer


Que faire de notre vie ? Est-il encore temps de commencer quelque chose d’important, de long, d’exigeant, de risqué… quand on est en soins palliatifs ? Je répondrais que oui, et pour plusieurs raisons.

L’une d’elle est d’éviter le sentiment de regret. Le sentiment de regret est extrêmement douloureux. Et chronique : une fois installé, il ne nous quitte plus facilement. Et puis, contagieux, même ! Nos regrets peuvent contaminer nos proches, coupables de nous voir malheureux. Le regret de n’avoir pas essayé, de n’avoir pas osé, vient du fait que nous comparons notre vie réelle (avec tous ses ratés) à un scénario imaginaire (parfait) qui se serait produit dans le passé si nous avions pris telle ou telle décision. On aurait pu tenter de publier un livre (il aurait peut-être été un best-seller), tenter une relation amoureuse avec ce vieil ami d’enfance (il aurait peut-être été le grand et unique amour de notre vie), tenter un nouveau métier (passionnant, sans moments ennuyeux, sans hiérarchie, sans administration, dans lequel nous aurions excellé). Vraiment ? Le regret, c’est comparer les imperfections de ce qui a été accompli à un scénario idéal qui ne s’est jamais produit. Dans la réalité, la relation aurait peut-être capoté, le nouveau métier nous aurait peut-être amené un accident du travail, et nous aurions peut-être découvert que nous n’avons aucun talent pour écrire... Mais ce ne sont pas les scénarios qui nous viennent à l'esprit. Le regret vient car on n'a imaginé que le scénario idéal. Ainsi, l’incertitude douloureuse persiste... "Et si… ?"  

Mieux vaut donc essayer, quitte à échouer, plutôt que regretter de n’avoir pas tenté.

Une des obsessions des adolescents qui sont en palliatif, est de savoir si on se souviendra d’eux. Ils sont angoissés de n’avoir pas accompli assez et de ne pas laisser une contribution significative derrière eux. Les échelles de prises en charge des soins pour adolescents ayant le cancer prennent en charge cette dimension importante de leur bien-être psychologique (cf. références en fin d’article).

Or, si la vieillesse, ou l’âge mûr, nous libèrent quelque peu de cette angoisse, car nous avons donné  et nous avons accompli, il reste que, quel que soit notre âge, le palliatif nous confronte à la question du sens de la vie. Le nouveau sens de notre vie. Ce questionnement sur le sens de la vie et le « quoi faire maintenant », n’est jamais terminé. Il revient souvent lors de grands changements de vie, et surtout lors d’un deuil. À mesure que la maladie progresse, j’avance aussi psychologiquement. Je continue à changer. Et ces changements ne s’arrêteront pas.

Un exemple tout simple. J’ai écrit un codicile : ce que je voudrais qu’il soit fait de mes cendres, etc. Or récemment, j’ai pensé que l’idée de jeter mes cendres en mer n’était plus ce que je voulais. J’ai entendu parler de « jardins du souvenir » et l’idée me semble soudain beaucoup plus romantique et humaine, que de laisser mes cendres au fond de l’océan où finalement, les poissons et les crevettes s’en foutent (ça risque même de leur gratter les yeux). En fait, j’aimerais autant que mes restes profitent aux arbres et aux oiseaux. Finalement, je réalise par ce petit changement, que l'on n’est jamais « prêt à mourir ». On pense peut-être s’y être préparé, mais en réalité, on ne sait jamais dans quel état d’esprit on sera quand elle arrivera. Le sens de la vie, les rêves et les priorités évoluent et changent durant les mois ou les années de période de soins palliatifs.

Parce que la vie continue et parce que l'on change, on apprend, on éprouve, et que par conséquent, tout naturellement, de nouveaux désirs surgissent, entretenus par notre curiosité naturelle. Comme dans la vie ordinaire. Parce que, c’est la vie ordinaire, n'est-ce pas, même si je n’ai plus l’illusion qu’elle durera encore longtemps.

Olga Murray entourée d'enfants
Dans un TED talk, l’écrivaine Isabel Allende cite l’exemple de Olga Murray. Cette femme de 88 ans est partie au Népal à l’âge de 60 ans et a sauvé douze mille enfants d’une vie d’esclavage domestique.

Les histoires de personnes âgées accomplissant des choses extraordinaires sont toujours populaires. Voici une personne faisant face à certains obstacles de la vie (la vieillesse), et qui malgré les obstacles, essaie, commence, se bat, pour accomplir un rêve, une passion, une mission. C’est inspirant. Cela nous fait rêver et désirer. 

Alors, commencer de nouvelles choses, oui, pour ne pas regretter, pour réaliser ou respecter les nouveaux désirs, pour éprouver la joie d’essayer d’accomplir quelque chose de significatif.

Le seul risque, c’est celui de l’échec. Mais l’échec n’est pas équivalent du regret. L’échec, c’est la fierté d’avoir essayé, c’est l’opportunité d’apprendre les leçons, c’est aussi l’opportunité d’essayer à nouveau et mieux.



Athlète sénior, photographie de Alex Rotas. 
Références :

Sur les adolescents et enfants soignés pour le cancer :
- Lori Wiener, Sima Zadeh, Haven Battles et Kristin Baird. (2012). Allowing Adolescents and Young Adults to Plan Their End-of-Life Care », Pediatrics. lire en ligne.
- Nicole Mavrides et Maryland Pao. (2014). Updates in paediatric psycho-oncology, International Review of Psychiatry, vol. 26, no 1,‎ 63–73.  (lire en ligne).

Photographie d'athlètes âgés par Alex Rotas : http://www.bbc.com/news/uk-england-bristol-40886339

TED Talk de Isabel Allende, Comment vivre avec passion quel que soit notre âge : https://www.ted.com/talks/isabel_allende_how_to_live_passionately_no_matter_your_age/transcript (transcript en français)


Pourquoi les histoires des personnes âgées tombant amoureuses à 80 ou 90 ans sont-elles inspirantes (en néerlandais) : https://decorrespondent.nl/6850/waarom-verhalen-over-duikende-tachtigers-en-verliefde-negentigers-zo-populair-zijn/2617137351950-807a0b87   


lundi 14 août 2017

Clin d’œil rieur au destin


Le sentiment de ne pas en faire assez m’obsède. Il ne m’empêche pas, heureusement, de prendre soin de moi – bien cuisiner, aller faire de la marche régulièrement, bien dormir… Cependant, je veux toujours maximiser le temps qui me reste. J’ai toujours vécu ainsi ! Et je n’ai pas l’intention de changer. Depuis la mort de ma mère, j’ai toujours vécu ma vie en sachant qu’elle est limitée et que le temps est notre bien le plus précieux. Mais cette question devient plus angoissante désormais car le temps est compté. Les deuils des copines de combat rencontrées sur le forum se multiplient et rendent la mort concrète et omniprésente. La mort elle-même ne me fait pas peur. Je suis curieusement de plus en plus détachée lorsque j’y pense. Mais de cela, je parlerai un autre jour…

Non, mon obsession, c’est que je voudrais utiliser au mieux le temps qui me reste. Je pense à notre jolie petite planète bleue si fragile et aux enfants qui nous suivent. Que leur laissons-nous ? Il y a tant à faire. Je regardais hier un documentaire extrêmement émouvant sur la disparition des massifs de corail dans nos océans (Chasing Coral, de Jeff Orlowski). J’avais l’impression que je ne fais rien (ou si peu) contre le réchauffement climatique et je me sentais impuissante. Je me suis toujours beaucoup intéressée à la santé mentale, alors que puis-je faire de plus, de mieux, contre le réchauffement climatique, avec ce que j’ai appris… ? Je pense à des actions possibles… et j’y repense le lendemain… des idées arrivent. J'avais écrit un long rapport sur le sujet et j'ai trois livres sur l'éco-psychologie, c'est largement assez pour un article... 

Il y a quelques temps, quelques mois, j’aurais été déprimée en voyant mes désirs et mes idées se heurter à un mur : le grand mur incassable et froid de la fin de vie qui se dresse non loin sur ma route. Mais j’ai appris à me dire qu’il est encore assez loin, et qu’il ne m’empêchera pas d’avancer. Que l’important, c’est ce qui se passe aujourd’hui, et demain, mais pas après-demain.

Je repense au blog de Claire Matteau qui m’avait beaucoup inspiré lorsque je le lisais en 2011. Ses maladies (elle avait un cancer de l’ovaire non curable auquel s’était ajouté un cancer du sein), ne l’ont pas empêchée de continuer à écrire. Et pourtant, écrire un roman est une entreprise de longue haleine qui dure des mois, voire des années. Mais elle continuait. (son blog : http://clairematteau.blogspot.nl/). 

J’avais écrit autrefois sur un autre billet de mon blog, que pour réussir à surmonter la difficulté de ne plus pouvoir se projeter dans un avenir lointain, je vivais en me disant que je devais faire comme s’il me restait encore au moins deux ans (ou était-ce cinq ?)… et j’ai passé le cap des six ans de survie… et la mort est encore assez loin, mes rémissions ont été longues, j’ai eu de la chance. Comme disait mon oncologue, « vous êtes seulement en palliatif, pas en fin de vie ». J’ai appris ce jour-là qu’il y avait une énorme différence, et je l’ai appréciée depuis lors !

Alors, comme chaque année lorsqu’arrive la rentrée, je me projette dans la nouvelle année académique : nouveau sport ? nouveau cours de peinture ? … et quelque chose contre le réchauffement climatique, pardi ! Et je fais des plans. Je sais que Woody Allen disait « si vous voulez faire rire le bon dieu, parlez-lui de vos plans ». Et c’est en souriant que je les fais, avec un clin d’œil rieur au destin.



J'ai composé ce petit tableau acrylique en écoutant les musiques de Mississipi John Hurt (dont un jour je ferai peut-être aussi le portrait, tiens pardi !)

jeudi 13 juillet 2017

Balancer ce qui ne nous apporte rien

Tandis que j’ai le temps, tandis que je devrais profiter de la vie – la solitude qui résulte de mon arrêt maladie me pèse de plus en plus. Tandis que j’ai le temps d’écrire et que j’ai commencé à me prendre au jeu de la peinture, et tandis que j’en profite et que j’adore ces deux activités, les activités d’équipe me manquent cruellement. Je suis beaucoup trop seule, trop souvent.

Mon activité de volontariat du mardi après-midi n’est pas suffisante. Je voudrais un nouveau challenge, je cherche une passion, je cherche un endroit où je puisse aller et débattre d’idées et lancer des initiatives, entourée de personnes enthousiastes et joyeuses... Je ne sais même pas ce que je cherche. Mais je suis sans cesse occupée, je ne sais pas toujours m'arrêter, même quand je sens que ce n'est pas bon pour moi de rester trop seule et trop sédentaire.

Et puis... la peur de la récurrence grandit et parfois me paralyse. Je dois la dépasser à nouveau. Mes marqueurs montent… Tellement peur de commencer quoi que ce soit et devoir tout arrêter du jour au lendemain.

Je pense à Anne-Marie, l’amie qui laissait parfois des messages sur ce blog. Elle est décédée il y a quelques jours. Elle était une femme douce et vraiment très généreuse. Pourtant, dans son dernier email, elle me disait « Alors Catherine, fonce.(…) Tout ce qui fait du bien est bon à prendre. J'ai beaucoup reporté à plus tard et je le regrette maintenant, car je n'ai plus beaucoup de forces mais je vais prendre ce qui se présente à moi, ce qui me fait du bien et balancer ce qui ne m'apporte rien... » . Ses mots n'arrêtent pas de me revenir en tête.

Ce dernier conseil : Fonce… Mais elle disait aussi « je balance ce qui ne m’apporte rien ». Et c’est peut-être le premier pas à faire. Le temps des grandes vacances, le temps de repenser aux priorités, aux clubs, aux assocs, aux cours, de l’année scolaire qui commencera fin août... ? Mais d’abord, dire stop ! et aborder la rentrée avec des pages vides sur mon agenda… Alors je vais me concentrer aussi sur le conseil d'Anne-Marie - se débarrasser de ce qui nous encombre, et foncer...

Je vous souhaite une belle période estivale, à faire le ménage et à faire du vide sans trop de scrupules, à rêver et désirer, et construire, et rencontrer, et sourire, et continuer de vivre. Jusqu'à la fin.

mardi 23 mai 2017

Voyage, peintures, articles... 6 ans après !


En ce moment, j'écris et je peins... je vais bien. Et nous sommes 6 ans après mon diagnostic ! 

J'ai fait un grand voyage transatlantique avec mon fils et nous en sommes revenus enchantés, et pour ma part, pleine d'une énergie que je ne me connaissais pas. 

Je viens de terminer un tableau (grand format, papier) qui illustre un épisode peu connu de la Seconde Guerre Mondiale : l'enlèvement d'enfants sourds et d'enfants handicapés par les services de santé pour obéir aux ordres du régime nazi. J'ai peint ce tableau car j'avais écrit un article en français sur les percussions des personnes sourdes durant la seconde guerre mondiale et l'image d'un enfant enlevé et éloigné de ses parents s'imposait (pour un article général, voir aussi AktionT4 sur wikipédia). J'avais aussi été photographier le monument dédiés aux enfants tués durant l'holocauste, à Rotterdam, au lieu appelé le Loods24. Ces moments historiques sont mélangés ici dans l'image. 



Je poste mes quelques peintures (souvent des essais sur papier, mais je commence la peinture sur toile !) sur Instagram : catherinect10 pour ceux qui veulent me suivre. 

Je vous souhaite de trouver des activités ludiques ou des passions qui vous feront oublier le cancer, chaque jour, le temps de quelques heures !!! 

Et je vous souhaite un beau printemps, plein de visites et de découvertes ! Si les surprises ne viennent pas à vous, allez les dénicher :-)) 

Grosses bises à toutes celles et ceux qui continuent de me lire, après toutes ces années ensemble. Je vous aime !!! 
  


samedi 15 avril 2017

Peintures : rêves d'évasion

Mon école de peinture a exposé certaines de nos créations, voici le portrait que j'ai choisi de peindre. Inspiré d'une photo du film et projet "Human" de Yann-Arthus Bertrand. "Esclave moderne", un homme de Haiti racontant sa vie difficile et pauvre dans les plantations de cannes à sucre. Son histoire m'a beaucoup émue.




Une autre peinture, petite et sur papier, inspirée de la musique et vidéo de Everloving de Moby. J'avais envie de peindre l'évasion pendant les séances de chimio et j'avais envie de peindre quelque chose comme une fenêtre ouverte sur un beau paysage - mais quand j'ai vu cette vidéo, c'est l'image qui m'est venue et qui s'imposait. Il s'agit du train qui va de Oslo à Bergen, d'où on peut prendre un bateau pour voir les fjords norvégiens... 9 minutes que de bonheur : https://www.youtube.com/watch?v=atyvdC15HFA&list=RDatyvdC15HFA#t=15
Bonne rêverie...





vendredi 7 avril 2017

Dating ?


Mon ami me lisait à voix haute une petite annonce où une personne séropositive cherchait une rencontre avec une autre personne séropositive. – nous étions dans les années 1990, bien avant l’internet et avant la trithérapie contre le sida – la préhistoire quoi. Je me souviens vaguement de la discussion parce que nous n’étions pas d’accord. À vingt ans, je voyais l’amour comme bien au-dessus d’une maladie quelconque. On aime, c’est tout, le Sida ne doit pas empêcher deux personnes de s’aimer. Je pensais surtout à la contamination : ils mettent la capote et point, où est le problème ?  

Lui, il trouvait que c’était une bonne idée de trouver une personne partageant aussi la même maladie tandis que je trouvais cette idée vraiment cruelle et discriminante. Si on aime, on aime malgré le handicap ou la maladie. Et on vit tout à 10000%.

Et nous voici vingt ans après et si nous reprenions cette conversation, mon opinion serait beaucoup plus nuancée. J’aimerais moi aussi trouver un petit amoureux qui partage mon expérience, comme les ados du film « nos étoiles contraires ». Pas vraiment pour partager l’expérience du cancer, merci bien, ça suffit d’un, mais simplement parce qu’il me semble qu’une personne sans maladie ne devrait pas m’aimer. Je trouve qu’il serait cruel de faire souffrir un homme qui tomberait amoureux de moi et qui ne pourrait que constater son impuissance face à la maladie qui reprendra un jour sa progression.

Évidemment, j’ai cherché sur internet, vous me connaissez maintenant, des articles sur le dating durant le cancer. Qu’en pensent les autres ? Quelles sont les expériences, les petites histoires… ? On trouve des articles qui parlent de l’amour et la sexualité – pendant ou après le cancer, qui disent que l’amour et la patience permettent de surpasser les difficultés corporelles gnagnagna… mais pour les couples déjà formés.  

Sur le dating précisément ? Quasiment rien. J’ai trouvé UN article qui parle du dating avec le cancer … mais qui parle uniquement de l’après cancer… rien sur le cancer incurable. Ah ah ! C’est trop facile ! D’ailleurs je lis des commentaires qui protestent « et pendant le cancer alors ? Que fait-on quand le cancer est incurable ? C’est fini, vous nous avez déjà enterrés ? ». Effectivement. On trimbale nos cancers incurables pendant des années, nous, et on aimerait bien aussi se blottir dans des bras chauds et réconfortants, et rire et avoir des soirées aux chandelles pleines de tendresse.

On nous dit de vivre à fond et le plus normalement possible. Mais sur le dating, les rencontres ? Zap ! Silence radio ! Comme si on nous le déconseillait implicitement. Comme si cela relevait de la pure folie…

Avant-hier en salle de chimio, je vois un homme sourire pour la photo, faire le signe V de la victoire. Sa femme partage ça sur les réseaux sociaux et tout le monde va lui dire qu’il formidable... Et il l’est certainement. Mais si on met la même photo sur un site de rencontre ? Vous imaginez les réactions ? Et quel genre de personne va-t-on attirer ? L’abbé Pierre ?

Et si j’arrêtais de me donner des interdictions et que j’ouvrais la porte à celui qui y frappe doucement en me demandant si je peux lui offrir aussi un peu de tendresse ? Est-ce que ce serait mal ? Mon esprit me dit que non, car c’est égoïste, mais mon cœur me dit que oui, car c’est seulement naturel.


Mon amie Ursula m’a dit  « Si on suit ton raisonnement, on n’a même pas de bébé parce qu’un jour le bébé va grandir et mourir. ». Et Véro m’a dit que c’est Ursula qui avait raison et que moi, je méritais des claques ! Et tout ça m’a redonné le sourire. Il faut prendre la vie comme elle vient et avec les hasards qu’elle offre et ne pas tout planifier. 

Et je le sais, mais que c’est dur de ne vivre que dans le présent parfois, et comme je me sens coupable d’être malade et de faire souffrir ceux qui m’aiment ! 

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mardi 4 avril 2017

Doutes et cache-cache avec le cancer


C’est vrai que je n’écris plus beaucoup. Comment se passe donc la vie après la récurrence, est-ce que j’attends que la prochaine arrive ? Non pas du tout. Je suis angoissée et triste, mais je n’attends rien. Je prends juste soin de moi, et j’essaie de vivre dans le présent absolu. L’avenir n’existe pas, ou si peu – deux ans peut-être ? trois ??? C’est triste, mais c’est comme ça, c’est ma réalité, mon illusion cognitive. Un équilibre difficile à réaliser entre le réalisme et le bien-être. 

Je suis passée aujourd’hui faire mon bilan habituel et n’ai pas encore les résultats des analyses mais je ne suis jamais pressée de les demander. Si ça allait mal on me recontacterait et on ne m’a pas recontactée. Tout continue à bien aller, même si ces visites relancent les grosses angoisses habituelles et toutes les questions sur la vie et la mort…

Mais j’oublie. Je quitte l’hôpital, angoissée et mélancolique, et je prends des photos d’une paire d’arbres en fleur que je peindrai peut-être (ou peut-être pas), et mes projets à court-terme recommencent à m’occuper l’esprit ainsi que la contemplation des arbres et des fleurs du printemps sur le chemin. Je pense à une peinture que j’aimerais faire, à un email que je dois écrire, à nos prochaines vacances…

Est-ce dangereux d’oublier le cancer ? Une homéopathe (je ne l’ai vue qu’une fois d’ailleurs…) m’avait dit qu’il ne fallait pas l’oublier car le cancer aimait cela, qu’on l’oublie… On en entend des conneries quand on a le cancer, je vous le dit. Des gens qui nous sortent des théories sur la psychologie, ce qu’il faut penser ou ne pas penser.  Ses paroles continuent à me tourmenter. Et si elle avait raison ? 

Une amie atteinte du même cancer que moi, également récurrent, me parlait de son choc quand une personne lui a dit dans une réunion de l’assoc contre le cancer, devant tout le monde, ce qu’il fallait qu’elle mange… (un fruit exotique rare dans nos régions évidemment, ce serait trop évident si on nous disait que manger de la pomme ferait fuir le cancer, mais quand c’est un fruit exotique, l’idée semble plus plausible). C’est comme les gens qui nous disent comment bien élever notre enfant, je lui ai répondu, ce sont toujours les gens qui n’en ont pas qui ont les idées les plus arrêtées sur le sujet. Mon amie de conclure qu’elle en avait marre, comme si on avait en plus besoin de se sentir coupables ! Sa colère me rappelait la mienne, lorsque la récurrence est arrivée. Je suis moins en colère maintenant, plutôt triste qu’en colère, et parfois résignée. Parfois vaguement optimiste… et si je survivais longtemps !?

Souvent, j’oublie. Tout simplement. Et pourtant, les doutes me tourmentent. Ils reviennent par vague. Dès la moindre faiblesse. Les pensées en boucle reviennent. Je me sens coupable d’oublier, et si jamais elle avait raison, et est-ce que je ne devrais pas me remettre un peu à la méditation, et y penser un peu de manière plus approfondie, au lieu de l’éviter... blablabla... les pensées envahissantes qui ne mènent à rien. 

Car franchement, peut-on apprendre à penser à la mort sans stress ? En théorie peut-être, mais quand on y est confronté en réalité !?. Quelle personne bien dans sa tête et heureuse de vivre peut apprendre à accepter avec sagesse la perspective de mourir bientôt ? Et puis penser souvent ou en permanence au trauma et à la mort, c’est justement la définition d’un trauma. Pour être résilient, en général il faut justement trouver des activités qui éloignent de la pensée traumatique. Alors... j'ai raison ?

Je crois qu’on ne souhaite la mort et qu’on ne l’accueille que lorsqu’on est épuisé ou lorsque la douleur nous amène à la souhaiter. Je ne vois pas comment y penser plus souvent, me permettrait de mieux l’apprivoiser.

Pour survivre plus longtemps, on a besoin de ses forces, de motivation pour continuer à s’occuper de son corps, de peu de stress certainement ce qui est synonyme d’activités relaxantes et apaisantes, de rire, de compagnie, d’amour et d’amitié. Les divertissements sont les bienvenus dans la lutte contre le cancer - la peinture pour moi, et pour d’autres ce seront la musique, la poterie, les loisirs créatifs, l’écriture…

J'écris cela pour m'en persuader peut-être. Lorsque, comme aujourd'hui, je doute et je re-re-re-questionne tout ce que je fais. Est-ce que j'ai le droit moral, de faire ceci cela... Mais je vis, plutôt que de continuer à passer encore trop de temps à me torturer en m’interrogeant sur comment je dois vivre. Je ne vois pas comment mieux faire.  



Un magnolia scintille au sortir de l'hiver. 
(peinture réalisée sur une idée de #paintingwithjane) 

mardi 7 mars 2017

La vie en couleurs


Bonjour, je vous donne quelques nouvelles, toutes simples. 

Rien ne se passe coté santé, sauf que je reçois l’Avastin toutes les trois semaines, je vais toutes les semaines à l’hôpital pour faire changer les pansements du catheter, et je fais les bilans sanguins régulièrement. Pour le moment, les marqueurs sont stables et bas, donc tout va bien. J’ai pas mal de symptômes embêtants, la fatigue, des maux de ventre plus ou moins prononcés selon les jours, des maux de têtes quelques jours après la perfusion d’Avastin. Quoi d’autre… Voilà. Je vis avec, c’est la routine maintenant.

Je n’écris plus beaucoup sur ce blog car je n’ai plus la frénésie d’apprendre de nouvelles choses sur le cancer. J’ai l’impression que j’ai fait le tour. En tout cas, pour une non-médecin. Les yoyos émotionnels sont au repos pour le moment.

Au quotidien, ma vie est tranquille, pas du tout particulièrement folichonne, certainement pas passionnante ni extravagante, mais tranquille. Ouf. Je profite des moments de liberté et de tranquillité que me permet la situation d’invalidité. Je ne regrette vraiment rien à ma ‘décision’ d’arrêter de travailler (ma décision… comme si j’avais vraiment décidé quoi que ce soit…). 

Je travaille à ma manière, en écrivant le matin, pour contribuer à des articles en ligne, sur des thèmes qui n’ont rien à voir avec le cancer. J’adore toujours autant lire et écrire… et à mon rythme désormais, sur les thèmes qui me plaisent, c'est encore mieux. En ce moment, je travaille sur un article sur la psychologie de l'adolescent par exemple. Avant, c'était sur les théories de l'intelligence. Et avant, sur l'histoire de l'enfance... C'est passionnant. Mais c'est aussi fatigant, je ne peux pas faire ça toute la journée. Je cherchais aussi à réaliser mon mot de l'année, au delà du volontariat et du travail, trouver des activités plus ludiques, plus joyeuses, plus sociales, et retrouver la joie de vivre qui parfois manquait à ma nouvelle vie un peu trop isolée.   

J’ai commencé à aller à des cours de peinture avec une femme, Jane, rencontrée à un cours de photographie et avec qui j’ai commencé à sympathiser. Alors que je lui disais que je n’allais pas aller plus loin en photographie (je voulais juste quelques cours pour savoir un peu mieux manipuler mon appareil), mais que j’aurais bien aimé aller à un cours de dessin, elle m’a invitée à la joindre à un cours de peinture où elle se rend depuis deux ans.

Depuis que j’ai commencé, je vois des couleurs partout ! Je vois un nuage et je me demande comment on peut le peindre, une brique et je note qu’elle est plus rouge que brune, des nuances et des ombres intéressantes sur mur qu’auparavant je croyais être juste un mur blanc. La prof nous laisse une grande liberté, et Jane est devenue une amie. 

À la maison, lorsque je me sens seule, surtout le soir, je regarde des vidéos sur Youtube et je découvre des tonnes de cours en ligne. Je regarde les peintres faire un arbre, je les regarde avec intérêt expliquer comment faire des reflets brillants sur l’eau, un tronc d’arbre en relief avec quelques reflets coté soleil, ne pas oublier les ombres. Je les entends parler de rouge cadmium et je finis par noter le nom, ça a l’air important. J’aime beaucoup les vidéos de « Painting with Jane » qui sont faites pour les débutants comme moi (c'est drôle elle a le même nom que ma copine du cours de peinture !) et sont un peu abstraites, mais pas trop.

Alors durant les longs après-midis pluvieux, et il y en a eu beaucoup, je place avec plaisir un grand papier Canson sur un journal étalé sur ma table de salle à manger, je sors mes tubes de peinture et mes pinceaux trop neufs, et je gribouille, je barbouille, je me perds dans un monde imaginaire plein de couleurs. Et j’adore ça. La vie est pleine de couleurs, et je vous souhaite une belle journée, une belle semaine, un beau printemps (mais si, mais si, il arrive...), pleins de jolies couleurs !