vendredi 7 avril 2017

Dating ?


Mon ami me lisait à voix haute une petite annonce où une personne séropositive cherchait une rencontre avec une autre personne séropositive. – nous étions dans les années 1990, bien avant l’internet et avant la trithérapie contre le sida – la préhistoire quoi. Je me souviens vaguement de la discussion parce que nous n’étions pas d’accord. À vingt ans, je voyais l’amour comme bien au-dessus d’une maladie quelconque. On aime, c’est tout, le Sida ne doit pas empêcher deux personnes de s’aimer. Je pensais surtout à la contamination : ils mettent la capote et point, où est le problème ?  

Lui, il trouvait que c’était une bonne idée de trouver une personne partageant aussi la même maladie tandis que je trouvais cette idée vraiment cruelle et discriminante. Si on aime, on aime malgré le handicap ou la maladie. Et on vit tout à 10000%.

Et nous voici vingt ans après et si nous reprenions cette conversation, mon opinion serait beaucoup plus nuancée. J’aimerais moi aussi trouver un petit amoureux qui partage mon expérience, comme les ados du film « nos étoiles contraires ». Pas vraiment pour partager l’expérience du cancer, merci bien, ça suffit d’un, mais simplement parce qu’il me semble qu’une personne sans maladie ne devrait pas m’aimer. Je trouve qu’il serait cruel de faire souffrir un homme qui tomberait amoureux de moi et qui ne pourrait que constater son impuissance face à la maladie qui reprendra un jour sa progression.

Évidemment, j’ai cherché sur internet, vous me connaissez maintenant, des articles sur le dating durant le cancer. Qu’en pensent les autres ? Quelles sont les expériences, les petites histoires… ? On trouve des articles qui parlent de l’amour et la sexualité – pendant ou après le cancer, qui disent que l’amour et la patience permettent de surpasser les difficultés corporelles gnagnagna… mais pour les couples déjà formés.  

Sur le dating précisément ? Quasiment rien. J’ai trouvé UN article qui parle du dating avec le cancer … mais qui parle uniquement de l’après cancer… rien sur le cancer incurable. Ah ah ! C’est trop facile ! D’ailleurs je lis des commentaires qui protestent « et pendant le cancer alors ? Que fait-on quand le cancer est incurable ? C’est fini, vous nous avez déjà enterrés ? ». Effectivement. On trimbale nos cancers incurables pendant des années, nous, et on aimerait bien aussi se blottir dans des bras chauds et réconfortants, et rire et avoir des soirées aux chandelles pleines de tendresse.

On nous dit de vivre à fond et le plus normalement possible. Mais sur le dating, les rencontres ? Zap ! Silence radio ! Comme si on nous le déconseillait implicitement. Comme si cela relevait de la pure folie…

Avant-hier en salle de chimio, je vois un homme sourire pour la photo, faire le signe V de la victoire. Sa femme partage ça sur les réseaux sociaux et tout le monde va lui dire qu’il formidable... Et il l’est certainement. Mais si on met la même photo sur un site de rencontre ? Vous imaginez les réactions ? Et quel genre de personne va-t-on attirer ? L’abbé Pierre ?

Et si j’arrêtais de me donner des interdictions et que j’ouvrais la porte à celui qui y frappe doucement en me demandant si je peux lui offrir aussi un peu de tendresse ? Est-ce que ce serait mal ? Mon esprit me dit que non, car c’est égoïste, mais mon cœur me dit que oui, car c’est seulement naturel.


Mon amie Ursula m’a dit  « Si on suit ton raisonnement, on n’a même pas de bébé parce qu’un jour le bébé va grandir et mourir. ». Et Véro m’a dit que c’est Ursula qui avait raison et que moi, je méritais des claques ! Et tout ça m’a redonné le sourire. Il faut prendre la vie comme elle vient et avec les hasards qu’elle offre et ne pas tout planifier. 

Et je le sais, mais que c’est dur de ne vivre que dans le présent parfois, et comme je me sens coupable d’être malade et de faire souffrir ceux qui m’aiment ! 

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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je t'assure que tu ne fais souffrir personne et sûrement pas tes proches (dont je crois faire partie). On aimerait au contraire te voir tellement plus souvent. Seule ou avec un amoureux qui saurait t'apporter le bonheur que tu mérites. Car oui, chacun a droit au bonheur. Ou plutôt aux bonheurs, car il en existe tant de formes. Celui immédiat, qu'on croque sans penser aux cinq minutes d'après, celui qu'on ne planifie pas justement. Ce bonheur là, tout le monde y a droit. Celui qui te fait peur, c'est le bonheur du long terme. Celui qui consiste à traverser la vie avec quelqu'un. Mais ce n'est peut-être pas tant la maladie qui t'empêche d'y croire que ton histoire personnelle. Ce bonheur là, on ne peut pas t'aider à le construire.
Sois sûre d'une chose : c'est qu'on pense fort à toi, souvent, même quand on t'appelle pas, et que jamais il ne nous viendrait à l'idée que tu nous fais souffrir. Le cancer est une souffrance, mais il n'est pas toi et il ne te caractérise pas : Catherine tu es, Catherine on t'aime.

Catherine T. a dit…

Merci anonyme, tu pourrais quand même signer tes initiales :-)) Merci beaucoup je suis très touchée. Je crois que beaucoup de personnes se posent cette question, et ton commentaire non seulement me fait du bien mais va aussi faire du bien à ceux-celles qui se posent les mêmes questions... Apres mon divorce, je rêvais de ne pas rester seule et de retrouver quelqu'un de mon âge, divorcé comme moi, refaire une famille reconstituée peut-être. Je pensais même que je pouvais avoir encore un enfant, bien qu'approchant les 40 ans :-)) C'est seulement le cancer qui fait que je me suis tenue éloignée de cette idée, et des situations où des rencontres pouvaient se produire, pour ne pas m'attacher et ne pas faire souffrir - et ne pas souffrir encore plus moi-même. Ça parait peut-être excessif quand on ne le vit pas au jour le jour... Mais bon, la vie continue, et on ne maîtrise pas les hasards, et si cela arrive à nouveau, pourquoi ne pas prendre les choses au jour le jour puisque c'est la grande leçon de vie de la maladie. Je pense trop au lieu de ressentir et profiter un peu plus, je sais :-)) Je t'embrasse très fort, et on se revoit avant 2018 !

Anonyme a dit…

On se revoit bientôt, c'est promis, nous passerons deux frontières pour venir te (vous) voir.

CT