mardi 4 avril 2017

Doutes et cache-cache avec le cancer


C’est vrai que je n’écris plus beaucoup. Comment se passe donc la vie après la récurrence, est-ce que j’attends que la prochaine arrive ? Non pas du tout. Je suis angoissée et triste, mais je n’attends rien. Je prends juste soin de moi, et j’essaie de vivre dans le présent absolu. L’avenir n’existe pas, ou si peu – deux ans peut-être ? trois ??? C’est triste, mais c’est comme ça, c’est ma réalité, mon illusion cognitive. Un équilibre difficile à réaliser entre le réalisme et le bien-être. 

Je suis passée aujourd’hui faire mon bilan habituel et n’ai pas encore les résultats des analyses mais je ne suis jamais pressée de les demander. Si ça allait mal on me recontacterait et on ne m’a pas recontactée. Tout continue à bien aller, même si ces visites relancent les grosses angoisses habituelles et toutes les questions sur la vie et la mort…

Mais j’oublie. Je quitte l’hôpital, angoissée et mélancolique, et je prends des photos d’une paire d’arbres en fleur que je peindrai peut-être (ou peut-être pas), et mes projets à court-terme recommencent à m’occuper l’esprit ainsi que la contemplation des arbres et des fleurs du printemps sur le chemin. Je pense à une peinture que j’aimerais faire, à un email que je dois écrire, à nos prochaines vacances…

Est-ce dangereux d’oublier le cancer ? Une homéopathe (je ne l’ai vue qu’une fois d’ailleurs…) m’avait dit qu’il ne fallait pas l’oublier car le cancer aimait cela, qu’on l’oublie… On en entend des conneries quand on a le cancer, je vous le dit. Des gens qui nous sortent des théories sur la psychologie, ce qu’il faut penser ou ne pas penser.  Ses paroles continuent à me tourmenter. Et si elle avait raison ? 

Une amie atteinte du même cancer que moi, également récurrent, me parlait de son choc quand une personne lui a dit dans une réunion de l’assoc contre le cancer, devant tout le monde, ce qu’il fallait qu’elle mange… (un fruit exotique rare dans nos régions évidemment, ce serait trop évident si on nous disait que manger de la pomme ferait fuir le cancer, mais quand c’est un fruit exotique, l’idée semble plus plausible). C’est comme les gens qui nous disent comment bien élever notre enfant, je lui ai répondu, ce sont toujours les gens qui n’en ont pas qui ont les idées les plus arrêtées sur le sujet. Mon amie de conclure qu’elle en avait marre, comme si on avait en plus besoin de se sentir coupables ! Sa colère me rappelait la mienne, lorsque la récurrence est arrivée. Je suis moins en colère maintenant, plutôt triste qu’en colère, et parfois résignée. Parfois vaguement optimiste… et si je survivais longtemps !?

Souvent, j’oublie. Tout simplement. Et pourtant, les doutes me tourmentent. Ils reviennent par vague. Dès la moindre faiblesse. Les pensées en boucle reviennent. Je me sens coupable d’oublier, et si jamais elle avait raison, et est-ce que je ne devrais pas me remettre un peu à la méditation, et y penser un peu de manière plus approfondie, au lieu de l’éviter... blablabla... les pensées envahissantes qui ne mènent à rien. 

Car franchement, peut-on apprendre à penser à la mort sans stress ? En théorie peut-être, mais quand on y est confronté en réalité !?. Quelle personne bien dans sa tête et heureuse de vivre peut apprendre à accepter avec sagesse la perspective de mourir bientôt ? Et puis penser souvent ou en permanence au trauma et à la mort, c’est justement la définition d’un trauma. Pour être résilient, en général il faut justement trouver des activités qui éloignent de la pensée traumatique. Alors... j'ai raison ?

Je crois qu’on ne souhaite la mort et qu’on ne l’accueille que lorsqu’on est épuisé ou lorsque la douleur nous amène à la souhaiter. Je ne vois pas comment y penser plus souvent, me permettrait de mieux l’apprivoiser.

Pour survivre plus longtemps, on a besoin de ses forces, de motivation pour continuer à s’occuper de son corps, de peu de stress certainement ce qui est synonyme d’activités relaxantes et apaisantes, de rire, de compagnie, d’amour et d’amitié. Les divertissements sont les bienvenus dans la lutte contre le cancer - la peinture pour moi, et pour d’autres ce seront la musique, la poterie, les loisirs créatifs, l’écriture…

J'écris cela pour m'en persuader peut-être. Lorsque, comme aujourd'hui, je doute et je re-re-re-questionne tout ce que je fais. Est-ce que j'ai le droit moral, de faire ceci cela... Mais je vis, plutôt que de continuer à passer encore trop de temps à me torturer en m’interrogeant sur comment je dois vivre. Je ne vois pas comment mieux faire.  



Un magnolia scintille au sortir de l'hiver. 
(peinture réalisée sur une idée de #paintingwithjane) 

2 commentaires:

Patricia Pouzin a dit…

Bon...jour!
Je vous lis depuis le début et un lien d'amitié unilatéral s'est construit.
Cette homéopathe a eu à votre adresse une parole vraiment toxique!
Mais en même temps je me suis demandé pourquoi ce genre de sentence définitive résonne autant en nous?
A mon humble avis c'est plutôt elle qui, à ce moment là, avait un problème avec le cancer et la finitude de l'existence.
Je vous envoie de l'espoir de la légèreté et de la tendresse.
Patricia.

Catherine T. a dit…

Bonjour Patricia,
Merci beaucoup pour ce gentil message ! C'est un événement extérieur qui a réouvert cette interrogation en moi, cela ne me poursuit pas tous les jours, mais parfois seulement. Merci beaucoup ! Je vous envoie plein de gentillesse également ! :-)
Catherine