mardi 12 mars 2019

L'EMDR pour diminuer mes peurs et ma colère



Dans cet article, je décris comme l’EMDR (technique de neuropsychologie) m’a aidée à diminuer ma peur de la sonde naso-gastrique et d’autres problèmes personnels ou liés à la fin de vie comme la peur et la colère.

Je viens de passer une semaine pleine d’amitié grâce à la visite d’une chère amie que je connais depuis presque trente ans. Nous nous sommes connues à l’université, en maîtrise de psychologie clinique dans les années 1990. Sarah (je change son nom) a choisi la voie de la psychologie clinique tandis que je choisissais celle de la recherche en psychologie cognitive développementale. Elle exerce en libéral et en institution comme psychologue clinicienne. Elle connaît bien les techniques de relaxation, l’EMDR (dont je vais parler plus bas), et les techniques cognitivo-comportementales, tout en s’intéressant aussi aux théories psychanalytiques et autres théories centrées sur l’histoire de l’individu dans son environnement et dans l’histoire de sa famille.

Elle m’a proposé une ou deux séances d’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) pour m’aider à surmonter certains des problèmes dont je lui parlais. En particulier ma peur des vomissements mais aussi mes sentiments de colère qui sont très forts depuis ma rechute en juin dernier.

Il y a deux semaines les vomissements étaient de retour dans ma vie accompagnant le blocage intestinal : je ne mangeais plus. Je pouvais encore boire, lentement et par petites gorgées fractionnées sur la journée. J’ai commencé à recevoir deux traitements pour diminuer les sensations de nausée et bloquer ces vomissements. La bonne nouvelle est que ce blocage intestinal n’a duré qu’une semaine, puis mon activité intestinale a repris et mon médecin m’a dit que je n’avais pas encore un iléus (blocage intestinal complet).

Mais les vomissements que j’ai eus durant cet épisode ont ramené en surface de nombreux mauvais souvenirs liés à mes hospitalisations de l’été dernier en 2018. L’iléus de l’été dernier a été suivi de longues hospitalisations et surtout, de semaines entières avec une sonde gastrique qui passait de ma gorge à mon estomac pour le vider en permanence et éviter les vomissements intensifs qui m’affectaient alors.

Je ne pouvais plus supporter ce tube !!! La première chose que j’ai demandé en arrivant à l’hospice l’année dernière a été de ne PLUS JAMAIS avoir ce tube gastrique dans la gorge. Le tube avait eu un effet traumatique. Parfois, lorsque je me réveille au milieu de la nuit et que j’essaie de me rendormir, je n’arrive pas à m’endormir : j’ai une sensation d’un pieux planté en milieu de mon ventre et me fixant au sol, m’empêchant de bouger.

J’ai déjà discuté maintes fois avec mon médecin et avec le personnel ici de ma peur du tube gastrique. On m’a rassurée mille et une fois patiemment, mais je continue à avoir peur qu’on m’incite à le prendre lorsque un blocage intestinal arrivera à nouveau. À l’hôpital, j’avais cédé. On a beau dire que le patient décide, lorsqu'on est affaibli et qu’on a six blouses blanches debout autour du lit… quelle liberté reste-t-il de dire non ? J’ai une peur terrible que le scénario se répète : on me dit maintenant qu’on fera tout pour ne pas avoir à recourir à la sonde gastrique pour limiter les vomissements, mais, si jamais on cherchait quand même à me faire changer d’avis et que je n’ai plus la force de refuser … ?!

Sarah m’a proposé une session EMDR pour m’aider à me débarrasser ou atténuer cette peur et ce souvenir traumatique. L’EMDR est une technique efficace pour soigner les traumas. J’en connaissais le principe, mais je ne savais pas comment se passait une séance sur un plan pratique.

J’ai été étonnée de la simplicité du procédé. Sarah a installé deux chaises face à face avec un léger décalage de telle sorte que j’allais m’asseoir face à son bras droit. Nous avons discuté de l’image, ou sensation, ou phrase, ou autre chose qui serait le point de départ et qui était fortement associé à mes souvenirs de la sonde gastrique.

Je me suis alors remémoré mes sensations lorsque j’étais allongée la nuit à l’hôpital et que le tube passait dans ma gorge, m’empêchant de déglutir normalement et m’empêchant de dormir.
Sarah a commencé la session : elle me demande de suivre des yeux ses doigts qui font des allers et retours devant mes yeux. Pendant ce temps, je dois laisser aller mes pensées là où elles me mènent, prendre conscience de mes sensations corporelles, de mes pensées, de mes ressentis divers. 

Sarah s’arrête au bout de quelques secondes et me demande ce qui est arrivé : quelles pensées ou sensations sont apparues ? Puis sans commenter, elle m’encourage à continuer. Je reprends la procédure : je suis des yeux ses doigts qui font des allers et retour devant moi avec pour point de départ, soit les dernières images précédentes, soit l’image de départ. Quelques secondes, et on reprend la procédure et ainsi de suite plusieurs fois.

Le procédé n’est pas désagréable, et me mène sur des images du passé et du présent ainsi que sur des sensations corporelles nouvelles. Lorsque je réévoque l’image de départ, de nouvelles images et nouvelles associations apparaissent.

Lorsque Sarah me dit que c’est terminé, je suis étonnée. C’est tout ?! Je ne me sens pas radicalement différente. J’attendais un effet « tah-dah ! » mais rien de cela. Je me sens apaisée et fatiguée.

Mais ça marche ! Les souvenirs de l’hôpital me reviennent comme des souvenirs, mais sans peur. Je me sens tout à fait en confiance. Je découvre que j’ai confiance en mon médecin de famille et dans l’équipe infirmière qui m’entoure à l’hospice. Je me remémore la voix de mon oncologue quand il m’expliquait que la sonde gastrique était vraiment préférable : c’est un lointain souvenir, qui semble détaché du présent. Mon médecin de famille n’est pas mon oncologue, c’est évident maintenant, et mon équipe de palliatif n’ira jamais me forcer à une sonde gastrique… et même si c’était le cas, je me sens tout à fait assez forte et entourée par mes proches pour la refuser.

Sarah m’a proposé ensuite d’autres sessions sur d’autres thèmes, pour m’aider à surmonter des émotions et problèmes liés à ma situation, peurs et colère. Mon sentiment de colère en particulier était très fort depuis mon arrivée à l’hospice il y a six mois. Je le sentais mais je ne savais pas quoi faire pour stopper ces sentiments… Une session de EMDR sur une scène où je me suis sentie très en colère m’a aidée à diminuer ce sentiment. Je me sens beaucoup plus calme, je peux sentir une différence immédiate dans mes réactions envers mon entourage. Je me sens beaucoup plus sereine.

J’ai l’air de faire une pub pour la technique… 😊 Je voulais décrire ici comment ça a marché pour moi, car j’ai été vraiment surprise de la simplicité de la technique et de ses résultats immédiats. Je me sens vraiment mieux depuis plusieurs jours. J’espère que j’arriverai à maintenir ce sentiment de sérénité. J’ai envie de pratiquer à nouveau la méditation de pleine conscience, et ai ressorti le disque de méditation Kabat-Zinn pour m’y remettre… bon je ne sais pas si j'arriverai à m'y remettre car je suis si fatiguée... mais j'en ai l'envie 😊  

Je vous embrasse et vous souhaite beaucoup de courage mes amies et sœurs de combat, et toutes les familles et proches de nous. Merci pour vos messages, ils m’encouragent. Je suis de plus en plus fatiguée, et à chaque article écrit ici, je me dis que ce sera peut-être le dernier, mais mon corps semble encore vouloir lutter et se défendre contre la bébête. J’ai réussi à reprendre mes pinceaux et je regarde, surprise, les premiers signes du printemps arriver dans les jardins… La vie est belle, je vous aime et j'espère que vous allez pour le mieux. Je pense à vous, toutes celles qui me laissent des messages, les filles du forum, nous sommes si proches sans nous être rencontrées ! Bon courage, je vous aime, je vous embrasse amicalement, 

Catherine

***

Références concernant la technique de l'EMDR 

- Association EMDR pour la France et l'Europe : http://www.emdr-france.org/web/quest-therapie-emdr/ (site en français). Il s'agit de l'association fondée par Francine Shapiro qui est l'experte qui a découvert et développé la technique sous forme de thérapie (http://www.emdr.com/francine-shapiro-ph-d/). 
La technique est également recommandée par David Servan-Schreiber. Voir ses publications en français comme les livres  "Guérir le stress, l'anxiété, la dépression sans médicaments ni psychanlyse"et "Anticancer".

- Thérapies : Si vous cherchez un thérapeute qualifié, il est important de vérifier que le thérapeute est certifié ou diplômé par cette association EMDR qui a des branches plusieurs pays. Liste des pays ici :
https://emdr-europe.org/associations/european-national-associations/

- Explications sur la technique de l'EMDR :
Site de l'association EMDR : https://emdr-europe.org/about/what-is-emdr/ (en anglais)

dimanche 3 mars 2019

Quelques nouvelles de ma santé


Bonjour, aujourd´hui je vous donne quelques nouvelles de ma santé et de mon moral et si vous lisez jusqu'au bout, je partage avec vous le titre de ma vie.


Le moral d’abord. 

Mon fils jouant du piano dans la salle à manger de l'hospice, des moments précieux.



Je viens de regarder dans mon cahier médical, celui où je note tous mes rendez-vous médicaux avec leurs conclusions : je suis à l’hospice presque six mois ! C’est le 18 septembre que je suis rentrée à l’hospice Vier Vogels pour la deuxième fois, après une dernière tentative de chimio qui n’avait pas fait effet sur mon blocage intestinal.

J’étais en fin de vie, je n’avais plus que quelques jours ou quelques semaines à vivre. Et me voici, après plusieurs blocages, toujours en vie. Les blocages intestinaux se rapprochent.
Je me sens presque toujours en fin de vie imminente… mais lorsque je peux me lever et faire un petit quelque chose, alors je pense que je vais encore avoir quelques jours ou quelques semaines à vivre. 

C’est très difficile à vivre, tous ces yoyos et incertitudes. Il faut continuellement réajuster ses émotions et sa cognition.  

Parfois je me sens prête pour mourir et je me sens sereine, face à une réalité que je ne peux pas changer… et parfois je me sens extrêmement triste de devoir quitter cette vie que j’aime !

Malgré la douleur, malgré des moments du passé qui m’ont fait beaucoup souffrir, malgré les difficultés que nous lance la vie, je garde de la vie les plus beaux souvenirs. Malgré ma mauvaise condition actuelle, malgré toutes mes limites, physiques et mentales, qui m’empêchent de vivre normalement désormais, je continue à aimer la vie, à vouloir continuer à être là, présente, trouver au fond de moi encore quelques morceaux d’humour à partager, donner un tout petit peu de bonheur à quelqu’un en lui offrant un sourire, un merci, un petit conseil à un sou, un dessin sur un marque page, un petit « coucou je pense à toi »…   

J’ai l’impression que j’attends de mourir, ce que j’essayais d’éviter.

Vivre dans le présent ? Je n’y arrive pas toujours. Forcément, je fais des plans, même petits (commencer une petite aquarelle, acheter un cadeau en ligne pour un anniversaire…). Et le moindre petit plan ramène à la question du « est-ce que je serai encore en état de continuer ce projet demain ?! »

Et puis surtout… J’ai peur ! À mesure que des symptômes s’accumulent et s’aggravent. J’ai peur de souffrir. Forcément, je souffre, c’est inéluctable. Je me pose beaucoup de questions sur combien de temps il me reste, et à quel moment demander une sédation palliative pour éviter de trop souffrir… beaucoup de questions qui n’ont pas de réponses là maintenant et qui m’angoissent de plus en plus.



Sur le plan santé physique, quelques nouvelles aussi. 

Petits projets de dessin peinture qui me fatiguent moins: des marque-pages plutôt que de grandes aquarelles.
Depuis une semaine, mes intestins sont bloqués à nouveau. Les lavements et laxatifs ne font plus leur effet. Une semaine ? J’ai l’impression que ce blocage intestinal dure depuis bien plus longtemps !

Mon ventre est gonflé, comme le ventre d’une femme enceinte de plusieurs mois, ce qui est très inconfortable. Des gargouillis fréquents et bruyants viennent le secouer. C’est vraiment pénible. La sensation de gonflement ne s’arrête jamais. Le plus douloureux ce sont les crampes intestinales. Elles vont et viennent et sont relativement bien traitées par le traitement contre la douleur (pompe à fentanyl). Parfois malgré tout, j’ai mal parfois, les réglages ne sont peut-être par encore tout à fait au point. Sur ce plan, une infirmière spécialiste vient me rendre visite tous les matins pour contrôler et ajuster les dosages.

J’ai eu des vomissements : un trop-plein de l’estomac qui ne se vide plus dans les intestins. Les anti-nauséeux semblent aider, car malgré une sensation d’avoir l’estomac rempli, je n’ai pas vomi depuis plus de 24h.

Donc je ne mange plus du tout. Je bois encore un peu : un petit passage dans mes intestins semble encore exister, ce qui me permet de rester hydratée pour le moment. Je bois quelques gorgées seulement à chaque fois. Des boissons sucrées, pour faire le plein de calories : du thé vert à l’aloe vera, de la menthe, ou autre thés et tisanes, sucrés au miel, du jus de pomme et un peu de lait sucré (soja ou sans lactose ). Et enfin, je bois aussi un peu de bouillon avec de l’huile d’olive pressée à froid, car les nutritionnistes m’ont unanimement recommandé les huiles végétales pour mes intestins.

Promenade au Hemmeraldsingel, proche de l'hospice.  

Au niveau vie quotidienne…

La fatigue s’accentue. Musculairement d’abord. Je ne peux plus montrer des escaliers, ni me relever si je suis à terre. Parfois je peux difficilement me relever seule d’une chaise un peu trop basse. Je peux encore marcher dans la maison, aller aux toilettes seule, mais je ne fais plus de marche dehors seule.

Je me fatigue très vite. Je dors beaucoup. Même si je me réveille parfois au milieu de la nuit et je reste une ou deux heures éveillée, en journée je somnole souvent.

Les médicaments anti-nauséeux ont des effets secondaires désagréables aussi : je me sens toujours comme avec la tête dans du coton, à moitié endormie.   

Du coup, je ne peux plus me concentrer longtemps sur une conversation ou sur un simple dessin. Je n’arrive plus toujours à lire. Parfois ma vision est trouble. Mes oreilles bourdonnent aussi parfois…. Et cetera.  


Et coté métaphysique… Ou juste le titre de ma modeste vie.
Une infirmière m'a offert une mangeoire à oiseaux à installer sur la fenêtre de ma chambre et deux tourterelles viennent en profiter. Petits moments de beauté dans une vie de plus en plus rétrécie. Restent la générosité, la beauté, la curiosité, et tant d'autres belles choses malgré les limites imposées par la maladie...   


Donc voilà pour les nouvelles du front ! On ne peut pas dire que ça va fort. Petit à petit je perds mes fonctions, physiques et intellectuelles, et c’est vraiment difficile.

Cela m’aide beaucoup d’écrire tout cela. Je l’écris habituellement dans mon journal intime. Mais on m’a dit qu’il était rare de lire des témoignages de fin de vie et que cela serait utile…

Je crois que c’est Le Coelho qui fait parler un de ses personnages dans un roman (« l’alchimiste » ? je ne sais plus trop). Un vieux sage y dit : Il faut trouver un titre à sa vie.

Un titre à ma vie. Le titre de ma vie pourrait être « Education » (avec un long sous-titre…). 

L’éducation, c’est le thème ou le principe, ou l’objectif, qui m’a enveloppée et motivée dans ma vie, de différentes manières. Mon éducation d’abord, car je ne voulais jamais finir d’apprendre. Et puis le partage avec les autres.

Alors c’est ce que j’ai continué à faire sur ce blog, ce dernier projet. Partager ce que je savais…  

Merci, une fois de plus, à toutes celles et ceux qui me suivent, le lisent et m’encouragent à continuer à écrire sur ce blog !

Je vous embrasse !

Je vous souhaite une belle vie pleine d’amours de toutes sortes et pleine de solidarité, de paix, et de joie !
***