mardi 2 octobre 2018

S’ennuyer en fin de vie ?! Mon salut par la peinture et le dessin



Deuxième semaine à l’hospice Vier Vogels. Les journées sont bien longues, d’autant plus que le traitement dexaméthasone m’empêche de bien dormir. Je me réveille souvent vers trois du matin après tout juste quatre ou cinq heures de sommeil. Je me lève alors, prépare une thermos de thé à l’Aloé Vera, et je commence à grignoter des biscuits secs. La matinée est bien longue !

L’ennui est un des mes principaux problèmes. J’ai toujours pensé que les psychologues expérimentalistes et cliniciens n’ont pas suffisamment réfléchi et exploré l’ennui. Je trouve que l’ennui est fortement lié au sentiment de solitude et à la tristesse. J’ai pourtant rarement lu un seul article sur le sujet. 

Je pensais qu'en fin de vie je serais tout occupée à penser à la vie et à la mort, à m'assagir et approfondir ma spiritualité d'athée sceptique vaguement humaniste... A réfléchir au monde, à la compassion, à l'amour... Heuuu... non pas vraiment. Et certainement pas 24/24 h.  

Comme la dépression, l’ennui est complètement paradoxal. On le ressent mais il est impossible à expliquer et la solution paraît si facile ! Mais lorsque je m’ennuie, je n’ai pas l’énergie de faire quelque chose qui chasserait l’ennui, paradoxalement. Alors que l’illusion du temps interminable s’installe et avec elle l’illusion que je pourrais faire des centaines de choses intéressantes, justement, je n’ai envie de rien.

Mon matelas de yoga n'a pas été déplié. Je n'ai pas envie de méditer du tout. Pas envie non plus de me distraire et de regarder la télévision, même pas Netflix qui pourtant est installé sur ma tablette. Toutes ces séries que je pourrais regarder d’affilée pendant des heures… Pas envie. 

J’ai des livres classiques sur ma tablette aussi, sur l’application Kindle. J’ai téléchargé pour un euro deux tomes des 100 "classiques à lire avant de mourir" ( !). J'ai commencé et abandonné plusieurs lectures. Je ne finirai jamais "Crocs blancs". 

J’ai arrêté l’écriture d'articles en ligne sur wikipédia, qui demande trop de concentration et qui exigeait des documents, de la lecture, et toute une quantité d’énergie que je n’ai plus. Mais est-ce que ce ne sont pas des excuses et n’est-ce pas une question de motivation plutôt que de fatigue ? 

Je n’arrive pas à m’expliquer. C’est comme si au fond je n’avais pas envie d’oublier le présent, ni envie de prendre le risque d’oublier où je suis ? J’aimerais m’ennuyer ? J’aime la solitude qui accompagne cet ennui, et j’aime laisser mes pensées vagabonder il est vrai. Mais la dépression est l'ombre de l'ennui et je ne veux pas la laisser m'envahir. 

Deux choses m’aident à passer de bonnes journées et à chasser le risque de l’ennui. Les visites de mes proches sont des moments que j'attends avec impatience. Ensuite, je prends encore énormément de plaisir à dessiner et peindre.

Souvent le soir, je pense à ce que je peindrai le lendemain. Le matin, vers quatre heures et alors qu’il fait encore nuit, je commence à dessiner des croquis, ou je commence à peindre une aquarelle.

Apprendre a toujours été une grande motivation dans ma vie, or j’ai découvert beaucoup de vidéos de démonstration de peinture aquarelle ou de dessins sur des chaînes You Tube montées par des artistes enseignants ou peintres amateurs. Ces vidéos me stimulent beaucoup et je croient qu'elles contribuent beaucoup à me motiver. Les démonstrations durent parfois une heure. J’y découvre beaucoup d'astuces sur la technique aquarelle que je ne connaissais pas du tout quelques mois auparavant. Parfois, au contraire, la vidéo est tellement relaxante que je me mets à somnoler. C'est très bien aussi !   

J’ai failli pourtant tomber dans le piège de transformer l’activité en projet. Ah mes satanés projets et mon ambition, grr !  Il y a quelques jours, j’ai commencé à me sentir coupable de me pas avoir un style personnel. J’ai commencé à me dire qu’il fallait sans doute que je développe un thème et travailler en profondeur sur ce thème, plutôt que de papillonner d’une idée à une autre, d’un arbre à une rose à un portrait… Je crois que je devenais un peu jalouse de certaines artistes super talentueux que je regarde régulièrement sur Instagram ! Alors les angoisses sont arrivées, les doutes, l’hésitation et l’envie de peindre s’éteignait à mesure que je pensais trop à ce qu’il fallait « que je laisse derrière moi ». 

J’ai repensé à Claire Matteau dont je lisais régulièrement le blog autrefois. Elle parlait de sa lutte contre le cancer de l’ovaire. Elle était comme moi en soins palliatifs et vivait au Canada (au Québec, son blog est en français), entourée de son mari et de ses enfants adultes. Or, elle écrivait une nouvelle et en parlait sur son blog avec beaucoup d’enthousiasme et un bonheur communicatif. Cela m’a toujours épatée. Forcément, elle ne pouvait pas savoir si elle arriverait à terminer l’écriture de sa nouvelle ? J’imagine qu’elle prenait tant de plaisir à écrire, que le processus était plus important pour elle que le résultat. Tout cet amour et cette générosité qui passait par son écriture !  

J 'ai beaucoup repensé à elle ces derniers jours et tenté de m'inspirer de sa passion créative. Rester juste dans le présent. Profiter du processus de création et s’y épanouir, s’y perdre et s’y retrouver d’une autre façon. Ne pas se poser de question sur ce qu’il adviendra du résultat. Regarder la vie qui est belle et tout l'amour dont on est entourées... 

Le plaisir est revenu. Avec un grand coup de pouce d'une art thérapeute lors d'une session de relaxation et visualisation où je me suis reconnectée avec ma mère jouant le rôle d'ange gardien... Et oui, je papillonne, je dessine une rose, puis je tente un portrait, puis je tente un paysage de sous-bois… et pourquoi pas !!! 

Je retrouve un plaisir enfantin que je ne m’étais plus autorisée durant l’âge adulte. Pour quelques heures, l’ennui est absent. Mon mur se couvre chaque jour un peu plus de papiers colorés. Des amies et proches, Laurence, Shana, Evelyne, sont venues peindre avec moi à une ou plusieurs occasions. Mon amie Nedjma reviendra de Dijon me rendre visite et viendra aussi peindre avec moi m'a-t-elle promis ! La vie est encore belle, pleine d'amour, pleine de générosité humaine à beaucoup de niveaux, et j'en profite encore chaque jour.


 Femme au marché, d'après une photo trouvée sur internet
 Enfant endormi sur un piano, d'après une photo vue sur internet
 Essais, des arbres, des arbres...
 Bouleaux du Vroesenpark
 Une rose rose
 L'automne revient, envie de couleurs chaudes
 Promenade en Bourgogne avec mon ange gardien

Splash splash, vive la pluie !

4 commentaires:

Unknown a dit…

Catherine, you are so amazing! First, it is brilliant that you point out the underappreciation of boredom and its role in causing or at least contributing to depression - and like you, I've not read an article on this topic, or heard of research into it! But then from your personal point of view, once having identified boredom as a key factor in your malaise, you figure out a way to combat it: by painting. And such beautiful water colors! Perhaps those who know their time is limited (as is all our time) can crystallize their creativity. It's amazing how much talent you have and how it is all coming out now. Thank you for sharing these feelings and your pictures. Much love,Lisa

Pâquerette a dit…

Hello ma Catherine, tes portraits sont superbes, tes arbres sont magnifiques, tu es un superbe papillon qui fait bien de voleter de l'un à l'autre sans prendre parti. 1000 km nous séparent mais je chemine près de toi... Le sourire tendre et confiant de ton indou est un ravissement. Je t'embrasse bien fort.

Sylvie

Catherine T. a dit…

Thank you Lisa ! If I hadn't been sick, I would have continued working and living my life without taking time to go and learn a hobby or new skill. Doing art and painting used to me the last priority when thinking of all the problems to solve. And now I see it's also valuable, because arts and creativity have always played such important roles in human civilizations, may be to assemble people around common values... It's strange how we have talents we may not be aware at all, and perspectives that won't come to our minds, if life goes on without change. Love,
Catherine

Catherine T. a dit…

Bonjour Paquerette,
je suis très fière du portrait de cette femme hindou, si coloré et souriant. Peindre des sourires et rires est contagieux. J'adore. Je suis contente qu'elle te plaise et je vais continuer à papillonner. En ce moment, je suis dans les couleurs automne, évidemment vas-tu me dire, mais j'adore les couleurs chaudes jaunes et rougeâtres, je me régale.
Catherine