mardi 20 novembre 2012

La peur d'une rechute et retour au travail (Fear of Recurrence, Back at Work)

English version below (in preparation, be patient...)

(ATTENTION: Ne lisez pas cet article si vous ne souhaitez pas connaître les chiffres des risques de rechute et de survie liés au cancer des ovaires)


Nous avons fait une petite fête entre amis pour célébrer ma rémission, mais mon cancer est loin d'être terminé. Lorsque les traitements s'arrêtent, nous ne sommes pas guéries, nous sommes simplement en rémission. Les risques que le cancer des ovaires revienne, même après une rémission complète comme la mienne, sont toujours très élevés lorsque le cancer a été détecté tardivement.

Voici ce que j'ai lu sur le site Doctissimo.fr, des chiffres qui me donnent la chair de poule.
(
http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/cancer_ovaire/13117-vaccin-recidives-cancer-ovaire.htm)
Les femmes qui souffrent d'un cancer [des ovaires] au stade tardif sont mises en rémission complète dans 80 % des cas mais 75 % d'entre elles rechutent en moyenne au bout de 16 à 18 mois. "Le traitement de la rechute a beaucoup progressé" précise le Pr. Pujade-Lauraine, chef du service d'oncologie médicale de l'Hôtel-Dieu. "Néanmoins, la médiane de survie ne dépasse pas les 3 à 4 ans, ce qui est particulièrement décevant, notamment en comparaison avec le pourcentage de patientes en rémission initialement" ajoute t-il.


Les première années seront déterminantes sur les chances de survie. Plus on survit, plus les risques de rechute sont faibles.

Mais je dois désormais reprendre la vie normale, avec ces chiffres terrifiants en tête. Je fais de mon mieux, et je profite de ma vie, mais la mort me tient compagnie. J'y pense souvent et je m'y prépare, tout en reprenant le rythme d'une vie normale faite de sorties, shopping, yoga, cuisine, ballades...

La rechute, la peur, l'angoisse, l'envie de continuer à être soutenue. J'ai discuté de ces sujets avec le médecin du travail. Je lui ai dit que cela allait être lourd de porter cette information alors que tout le monde au travail va me voire arriver et s'attendre peut-être à ce que je reprenne le rythme normalement. Je ne me sens plus la même personne. Emotionellement, j'ai beaucoup changé et je ne me vois pas faire comme si de rien n'était. Je sens que j'ai très envie d'en parler et de me sentir comprise et soutenue, y compris sur mon lieu de travail. En même temps, je ne veux pas, ni ennuyer les gens, ni devenir émotionnelle et perdre un certain respect. Je suis cadre et je suis supposée encadrer et soutenir les gens moi aussi, pas l'inverse.

Le médecin a été formidable et m'a donné un bon conseil. S'appuyant sur un exemple qui lui est très personnel et que je ne peux pas répéter ici, il m'a dit sans l'ombre d'un doute que je devais 1) en parler, 2) mais pas à tout le monde. A qui en parler: à mes supérieurs, ceux dont je sais qu'ils me soutiendront inconditionnellement, et à mon chef direct qui doit assumer la situation et dont la responsabilité est de me soutenir. Il doit savoir pourquoi parfois il est possible que j'aie besoin de repos, ou qu'il est possible que certaines situations ou discussions me rendent émotionnelle.

Et puis je peux en parler aux collègues très proches, les collègues que je considère comme des amis, mais il faut mettre des limites et ne pas en parler à tout le monde, même quand parfois on a envie de le crier! Il faut en discuter uniquement avec les personnes qui ont été là pour me soutenir et continueront de le faire. J'aurai besoin de ce soutien et je me sentirai bien mieux sur mon lieu de travail si je sens que quelques personnes sont proches de moi et seront présente si j'ai un coup de cafard.

J'ai trouvé ce conseil très utile. Je dois réintégrer le travail dans deux semaines, et je me sens confiante. Je sais désormais qui je vais informer de mes risques de rechute et leur demander un peu de patience pendant les mois qui viennent. Je sais qui seront les amies qui seront au courant et que je pourrais aller voir en catimini si je me sens mal.
 
Je suis impatiente de reprendre, de revoir du monde, de me montrer utile, d'être un peu distraite et d'arrêter de penser un peu au cancer pendant quelques heures dans la journée! Je reprends le travail sans grande ambition de carrière, mais avec simplement l'ambition de me montrer une bonne collègue et de faire un bon travail au jour le jour. Tant de choses ont changé en moi!

***
 
(WARNING: Do not read this article if you do not want to know the odds related to the risks of relapse and survival associated with ovarian cancer)


We had a small party with my friends and my son to celebrate my remission, but my cancer is far from over. When treatment is stopped, we are not healed, we're just in remission. The risk for ovarian cancer to return, even after a complete remission like mine, are still very high when the cancer was detected late.

Here's what I read on the site Doctissimo.fr, and these numbers gave me goosebumps.
(Http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/cancer_ovaire/13117-vaccin-recidives-cancer-ovaire.htm)
"Women who suffer from late stage [ovarian] cancer are put into complete remission in 80% of cases but 75% of them relapse after; the median cancer free period before relapse is around 16 to 18 months. 'The treatment of relapse has progressed,' says Prof. Pujade-Lauraine, head of medical oncology at the Hotel-Dieu.
'However, the median survival does not exceed 3 to 4 years, which is particularly disappointing, especially in comparison with the percentage of patients in remission initially', he adds.

The first years will be critical to survival. The longer a woman survives, the lower the risks of relapse.
With these terrifying figures in mind, I must now resume normal life. I do my best, and I carry on with my life, but death keeps me company. I often think about death, and I'm getting ready to it, while regaining a normal life rhythm made of outings, shopping, yoga, cooking, long walks... Honestly, my mood goes up and down, and I feel unable to control it.
Relapse, fear, anxiety, and a strong desire to continue to get support from somewhere. It's all there. I discussed these issues with the doctor. What will happen when I get back to work in two weeks?
I told him that it would be cumbersome to share this information when everyone is at work and expects me to progressively resume my activities, get back into a normal pace of working soon. I am no longer the same person. Emotionally, I've changed a lot and I do not see myself doing as if nothing had happened. I feel that I really want to talk and feel understood and supported, including at my workplace. At the same time, I do not want to annoy people, or to become emotional and lose some respect.
I am a manager and I'm supposed to mentor, help, guide and support people too. I can't be the one who desperatly need support.
 
The doctor was great and gave me some very good advice. Based on an example taken from his own life and that I can not repeat here, he said without a doubt that I had to 1) talk about it, 2) but not everyone. Whom to talk to: my managers, those who I know will support me unconditionally, and those whose responsibility is to support me. They need to know why sometimes it is possible that I need to rest, or why certain situations or discussions could make me become emotional. And then I can talk to colleagues, the ones whom I consider as my friends.

I will need to define my limits: I should not talk about this topic with everybody at work, even if sometimes I want to scream! I should be careful to bring up the topic only with the very people who were there to support me and will continue to do so. Not everybody cares or has the maturity to reply in a supportive way.
I found this advice very useful: I must return to work in two weeks, and I feel more confident that I will feel all right there. I now know whom I will inform about my risk of relapse my anxiety, and will ask them a bit of patience and extra support in the coming months. I know who are the friends who will be aware of my condition, and to whom I could go to when I (keep it secret, please) feel bad.

Actually, I can not wait to return to the working world: to feel useful, to get a bit distracted too and to stop thinking a little cancer for a few hours in the day!
I shall return to work with few ambitions for my future career, but with the simple ambition to be a good colleague and do a good job on a daily basis.
So much has changed in me!


***



 
 
 


3 commentaires:

Christine a dit…

Chère Catherine,
j'ai beaucoup aimé ton blog et il m'a soutenue pendant ces derniers mois. J'ai suivi un parcours un peu différent du tien, même si le diagnostic était le même (cancer ovarien grade IIIc): 6 cycles de carbo-platine-taxol et puis l'opération à la fin. Je suis rentrée chez moi le 6 octobre, mettant le mot FIN plus ou moins en même temps que toi, et j'ai ressenti ce même passage à vide... Et maintenant? Comment vivre avec l'angoisse de la récidive? Paradoxalement, j'avais un meilleur moral durant les traitements; on se sent soutenu, il y a l'équipe médicale, les amis, tout le monde fait bloc autour de toi. On a un but, on est dans l'action. Le moment le plus dur vient après. Quand on doit reprendre une vie normale, que le cancer est sorti de notre corps mais pas de notre tête.
Mais j'ai lu, justement sur ton blog, cet article un peu scientifique et pas facile à comprendre sur la différence entre moyenne et médiane dans les statistiques et ça m'a beaucoup aidée. Et donc aujourd'hui je lis ton post et j'ai envie de réagir et de dire : tu es dans les 100% qui vont guérir et moi aussi. D'abord parce qu'on est jeunes (bon moi je suis un peu plus vieille que toi;-), en bon état général (tu es sportive, moi aussi je suis cycliste), que la chimio a marché et qu'on a eu une chirurgie sans résidu tumoral.Dans ces statistiques on mélange tous les cas, tous les âges, tous les types de cancers des ovaires et donc elles concernent des groupes, pas des personnes.
je crois aussi qu'il faut pouvoir continuer d'en parler, même au travail, et même si on n'a pas envie d'ennuyer les autres, c'est important de se sentir soutenues.
Merci pour ce partage!
Solidairement,
Christine

Julie a dit…

Bonjour Catherine (un bonjour aussi à Christine)!
Je suis à la fin des traitements... reste deux chimio... tout le monde autour commence à dire allez ça achève, fin 2012 ce sera terminé... c'est ce que je pensais aussi mais depuis quelques jours/semaines je me rends compte que ce ne sera pas vraiment terminé... j'ai peur... j'ai l'impression qu'un jour ça va me ratrapper... j'en étais à un stade beaucoup plus précoce... une chance pour moi, un coup de luck que l'on ait trouvé cette masse... mais je suis toutefois persuadée qu'on ne peut avoir le cancer à 34 ans et ensuite revivre comme si rien n'était... et évidemmment si on parle comme cela à notre entourage et bien on se fait dire de ne pas être négative de ne pas se laisser emporter par la déprime... je crois que l'on ne comprend pas vraiment tant que l'on ne l'a pas vécu...
mais bon allons les filles, les fêtes arrivent, la vie se poursuit... ici les enfants prendront bientôt un an de plus (donc 11 et 5 ans) faut continuer d'avancer :)
merci à vous 2 de votre partage je me sens plus "normale" hihihi
Julie

Catherine T. a dit…

Chères Christine et Jul,
cela me fait plaisir de lire vos temoignages, et nos histoires qui se croisent et se ressemblent tellement! J'espère que nos cellules folles ne vont pas revenir en effet, et je suis bien consciente que beaucoup de facteurs influencent fortement ces chiffres, que les reactions aux traitement sont individuelles de toute façon, donc que ces chiffres sont d'un interêt limité... Mais je trouve qu'il ne faut pas nier le risque non plus et être naivement optimiste,et pourtant dans le même temps effictivement, il ne faut pas perdre espoir et il faut surtout profiter de cette vie qui reprends, comme si une seconde vie nous était offerte. Ce sont des pensées et des sentiments qui semblent tellement incompatibles que j'ai l'impression d'être désequilibrée, comme si je dansais sur un pieds, puis sur un autre: tantôt triste de penser à la mort qui me semble très proche et m'y préparer, et tantôt heureuse de profiter à nouveau de la vie et de revoir ma forme revenir. C'est très déstabilisant: Jean qui rit, Jean qui pleure, d'une minute à l'autre mes humeurs changent... Très incomfortable. Le fait de ne pas pouvoir en parler, même aux proches qui ont tendance à nous dire d'être positives désormais, je connais ça aussi, et c'est vraiment difficile quand ça arrive alors qu'on a le gros cafard. Oui on a l'impression d'être tout à coup bien seule, même si ce n'est pas du tout le cas. J'ai l'impression d'etre en petits morceaux sur le plan psychologique, avec ces sentiments opposés qui sont difficiles à concilier.. Je vais tenter d'en parler dans un prochain article, c'est difficile à expliquer et décrire. Je crois que c'est pour ma part le yoga et la méditation telle que je l'ai apprise avec la methode Kabat-Zinn (les huit semaines anti-stress) qui me permettent de recoller les morceaux... pour d'autres ce sera autre chose. Et puis le temps nous aidera.
Amicalement, Catherine