mardi 27 novembre 2018

Discuter des options palliatives : euthanasie, arrêt de l’hydratation ou sédation


Mon équipe palliative est composée de mon médecin traitant, ou médecin de famille, qui vient me rendre visite régulièrement à l’hospice, et de l’équipe d’infirmières sur place qui ont plusieurs années d’expérience des soins palliatifs et une formation spécialisée dans ce domaine. Les Pays-Bas ont également un comité palliatif extérieur composé de spécialistes qui peut être consulté quotidiennement et donnent avis et conseils médicaux. Ce comité avait été consulté à mon arrivée ici et m’avait ainsi conseillé l’utilisation du dexamétazone un médicament que je prends toujours régulièrement pour lutter contre les effets de blocage intestinal du cancer de l’ovaire.  

Hier, mon médecin traitant m’a parlé des options palliatives qui me sont offertes. Nous avons déjà eu cette conversation, mais la situation évolue, et j’aurais pu changer de position entre temps. Il est bon de discuter de ces options plusieurs fois, me dit-il, lorsque comme moi la période palliative se prolonge.

Certaines personnes ne supporteraient pas cette période et voudraient y échapper. L’option de l’euthanasie est possible. L’euthanasie est légale ici aux Pays-Bas. Il s’agit pour le patient cependant de choisir une date, date à laquelle une injection sera pratiquée et entraînera le décès en deux minutes environ. La période entre le moment où le patient demande une euthanasie et le moment où celle-ci est acceptée (deux médecins indépendants doivent donner leur accord en évaluant la situation médicale qui doit être palliative et de phase terminale), est d’environ quatre ou cinq jours, m’informe mon médecin. 

Pour ma part, comme pour la plupart des patients, ce ne sera pas l’option que je choisirai, car je veux vivre mes derniers instants avec mes proches le plus longtemps possible, mais surtout parce que je ne suis pas en grande souffrance physique ou psychologique pour le moment. J’ai même une assez bonne qualité de vie ! Choisir une date ? C’est l’étape la plus difficile pour le patient me dit mon médecin. Pour ma part, je survis en ce moment et personne ne peut dire si la maladie m’emportera la semaine prochaine ou dans plusieurs semaines… Je profite de chaque jour. Si je souffrais beaucoup, je n’y serais pas opposée mais choisir une date me semble un obstacle très difficile à franchir qui demanderait un grand courage…

Deux autres options palliatives s’offriront à moi (sans doute) lorsque ma santé se dégradera au point de bloquer mes intestins (c’est le scénario auquel je m’attends, sachant que d’autres problèmes peuvent également venir mettre fin à ma vie, comme une infection).

L’une des options est de cesser volontairement de s’alimenter et de s’hydrater. Arrêter l’hydratation est peut-être l’option que je choisirai si un blocage intestinal total s’installe, comme ce fut le cas en Mai et en Août cette année. Il m’empêcherait de m’alimenter, entraînant vomissements et crampes intestinales douloureuses. Je choisirai alors peut-être l’arrêt de l’hydratation. L’arrêt de l’hydratation entraîne une perte de conscience progressive, et est une option qui est considérée comme peu ou moins douloureuse. Elle entraîne le décès en quelques jours mais la personne perd conscience avant. L’alternative, est de demander à être hydratée, voire nourrie par sonde, ce qui prolonge la vie (mais aussi les souffrances s’il y a en a…).

En fait, il est bien difficile de prévoir et choisir cette option à l’avance, me dit mon médecin. Ces choix sont faits selon la situation médicale du moment, mais il est utile pour lui de connaître ma position sur le sujet et de me rassurer, de m’expliquer dans la mesure du possible ce qui peut m’attendre. Il est très rassurant, je suis entre de bonnes mains et j’ai vraiment confiance dans sa compassion.    

Une autre option, qui peut être complémentaire de l’arrêt de l’hydratation, est la sédation palliative. La sédation palliative, m’explique le médecin, traite la douleur par la morphine et plonge la personne dans un état de sommeil. La mort s’ensuit dans les heures ou les jours qui suivent. Lorsque le médecin commence la sédation, il informe la famille ou la personne choisie par le patient pour le représenter. Mon médecin me dit qu’il donne alors au patient et à son proche ou ses proches, environ une demi-heure d’intimité avant d’administrer la sédation. Ce sont les derniers instants pendant lesquels la famille peut encore discuter avec le patient. Ensuite, la personne sous sédation ne pourra plus entendre ni parler…

Cette conversation, bien que difficile, tellement concrète, me rassure un peu plus à chaque fois que je l’ai. Elle est rare heureusement, car mon médecin ne me parle pas de fin de vie à chaque fois. Il me dit souvent qu’on a aucune idée de l’évolution de ma maladie pour le moment, que je peux encore survivre plusieurs semaines (mais certainement pas plusieurs mois).

La plupart des autres patients autour de moi n’ont pas cette chance. De nombreux patients sont arrivés à l’hospice depuis mon arrivée, et y meurent en quelques jours. Un patient est arrivé la semaine dernière et décédé au bout d’une heure. Un autre patient qui occupait ma chambre y a vécu neuf mois avant de décéder ! Mais il a battu un record… J’ai encore passé de beaux moments avec mon fils, ma famille, mes amies, les bénévoles qui m’entourent, les infirmières super gentilles… et je peins, je lis, je regarde des films et documentaires… ma vie est belle, chaque jour un petit cadeau.

Courage à toutes celles qui luttent contre le cancer de l’ovaire, d’autres cancers, d’autres maladies… Courage à vous les proches, les filles et fils des patients, les amis… ce n’est pas facile pour vous non plus, je le sais. Parfois j’essaie de me mettre à votre place et je souffre pour vous aussi. Je vous envoie beaucoup d’amour !

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