Mon équipe palliative est composée de mon médecin traitant,
ou médecin de famille, qui vient me rendre visite régulièrement à l’hospice, et
de l’équipe d’infirmières sur place qui ont plusieurs années d’expérience des soins
palliatifs et une formation spécialisée dans ce domaine. Les Pays-Bas ont
également un comité palliatif extérieur composé de spécialistes qui peut être
consulté quotidiennement et donnent avis et conseils médicaux. Ce comité avait
été consulté à mon arrivée ici et m’avait ainsi conseillé l’utilisation du
dexamétazone un médicament que je prends toujours régulièrement pour lutter
contre les effets de blocage intestinal du cancer de l’ovaire.
Hier, mon médecin traitant m’a parlé des options palliatives
qui me sont offertes. Nous avons déjà eu cette conversation, mais la situation
évolue, et j’aurais pu changer de position entre temps. Il est bon de discuter
de ces options plusieurs fois, me dit-il, lorsque comme moi la période palliative
se prolonge.
Certaines personnes ne supporteraient pas cette période et
voudraient y échapper. L’option de l’euthanasie est possible. L’euthanasie est
légale ici aux Pays-Bas. Il s’agit pour le patient cependant de choisir une
date, date à laquelle une injection sera pratiquée et entraînera le décès en
deux minutes environ. La période entre le moment où le patient demande une
euthanasie et le moment où celle-ci est acceptée (deux médecins indépendants
doivent donner leur accord en évaluant la situation médicale qui doit être
palliative et de phase terminale), est d’environ quatre ou cinq jours, m’informe
mon médecin.
Pour ma part, comme pour la plupart des patients, ce ne sera pas l’option
que je choisirai, car je veux vivre mes derniers instants avec mes proches le
plus longtemps possible, mais surtout parce que je ne suis pas en grande
souffrance physique ou psychologique pour le moment. J’ai même une assez bonne
qualité de vie ! Choisir une date ? C’est l’étape la plus difficile
pour le patient me dit mon médecin. Pour ma part, je survis en ce moment et
personne ne peut dire si la maladie m’emportera la semaine prochaine ou dans
plusieurs semaines… Je profite de chaque jour. Si je souffrais beaucoup, je n’y
serais pas opposée mais choisir une date me semble un obstacle très difficile à
franchir qui demanderait un grand courage…
Deux autres options palliatives s’offriront à moi (sans
doute) lorsque ma santé se dégradera au point de bloquer mes intestins (c’est
le scénario auquel je m’attends, sachant que d’autres problèmes peuvent également
venir mettre fin à ma vie, comme une infection).
L’une des options est de cesser volontairement de s’alimenter
et de s’hydrater. Arrêter l’hydratation est peut-être l’option que je choisirai
si un blocage intestinal total s’installe, comme ce fut le cas en Mai et en
Août cette année. Il m’empêcherait de m’alimenter, entraînant vomissements et
crampes intestinales douloureuses. Je choisirai alors peut-être l’arrêt de l’hydratation.
L’arrêt de l’hydratation entraîne une perte de conscience progressive, et est
une option qui est considérée comme peu ou moins douloureuse. Elle entraîne le
décès en quelques jours mais la personne perd conscience avant. L’alternative,
est de demander à être hydratée, voire nourrie par sonde, ce qui prolonge la
vie (mais aussi les souffrances s’il y a en a…).
En fait, il est bien difficile de prévoir et choisir cette
option à l’avance, me dit mon médecin. Ces choix sont faits selon la situation
médicale du moment, mais il est utile pour lui de connaître ma position sur le sujet
et de me rassurer, de m’expliquer dans la mesure du possible ce qui peut m’attendre.
Il est très rassurant, je suis entre de bonnes mains et j’ai vraiment confiance
dans sa compassion.
Une autre option, qui peut être complémentaire de l’arrêt de
l’hydratation, est la sédation palliative. La sédation palliative, m’explique
le médecin, traite la douleur par la morphine et plonge la personne dans un
état de sommeil. La mort s’ensuit dans les heures ou les jours qui suivent. Lorsque
le médecin commence la sédation, il informe la famille ou la personne choisie
par le patient pour le représenter. Mon médecin me dit qu’il donne alors au
patient et à son proche ou ses proches, environ une demi-heure d’intimité avant
d’administrer la sédation. Ce sont les derniers instants pendant lesquels la
famille peut encore discuter avec le patient. Ensuite, la personne sous sédation
ne pourra plus entendre ni parler…
Cette conversation, bien que difficile, tellement concrète,
me rassure un peu plus à chaque fois que je l’ai. Elle est rare heureusement, car
mon médecin ne me parle pas de fin de vie à chaque fois. Il me dit souvent qu’on
a aucune idée de l’évolution de ma maladie pour le moment, que je peux encore
survivre plusieurs semaines (mais certainement pas plusieurs mois).
La plupart des autres patients autour de moi n’ont pas cette
chance. De nombreux patients sont arrivés à l’hospice depuis mon arrivée, et y
meurent en quelques jours. Un patient est arrivé la semaine dernière et décédé
au bout d’une heure. Un autre patient qui occupait ma chambre y a vécu neuf
mois avant de décéder ! Mais il a battu un record… J’ai encore passé de
beaux moments avec mon fils, ma famille, mes amies, les bénévoles qui m’entourent,
les infirmières super gentilles… et je peins, je lis, je regarde des films et
documentaires… ma vie est belle, chaque jour un petit cadeau.
Courage à toutes celles qui luttent contre le cancer de l’ovaire,
d’autres cancers, d’autres maladies… Courage à vous les proches, les filles et
fils des patients, les amis… ce n’est pas facile pour vous non plus, je le sais.
Parfois j’essaie de me mettre à votre place et je souffre pour vous aussi. Je
vous envoie beaucoup d’amour !
***
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire