vendredi 15 mai 2015

Très, très, mais alors très probablement


A nouveau levée très tôt. Anxieuse. Mercredi, Véronique m’a accompagnée au rendez-vous à l’hôpital. En l’attendant, je suis allée essayer des perruques au coiffeur de l’hôpital et j’ai discuté des styles et des prix. J’étais calme.

Tout est allé très vite ce jour-là. C’est drôle comme la vie bascule en quelques heures. Le Dr H. a été super comme d’habitude, m’accueillant avec un chaleureux sourire puis en prenant une grande inspiration avant de m’annoncer que mes craintes étaient justifiées : C’est très très, mais alors très probablement, une récurrence.
 
Il nous explique les détails, me demande si je veux voir les résultats du scan. Il sait bien que je vais dire oui. Il me montre plusieurs nodules. Je reste calme et dit que je m’y attendais. Après quelques minutes, il me prends les mains et alors que je continue de rester stoïque, il me dit quelque chose, je ne sais plus quoi, pour montrer sa compassion. Je me mets à pleurer et il garde ses mains dans les miennes tandis que Véronique m’entoure de ses bras.

À travers mes larmes, je lui ai dit que ce qui est important pour moi c’est mon fils. Je voudrais au moins le voir passer son baccalauréat (savoir surtout qu’il peut quitter la maison et aller vivre avec des copains vers son université comme il en parle parfois avec plaisir). Je veux cinq ans et demie, lui dis-je. Il sourit chaleureusement et me dit que c’est bien d’avoir un objectif, et que ce n’est pas impossible car j’ai bien répondu au premier traitement.

Alors nous parlons technique : les options. Pour le moment, il faut que je fasse une biopsie, et il m’a réservé une place l’après-midi même pour l’examen. Nous discutons de l’option chirurgie ou chimio seule. L’option chirurgie se ferait uniquement dans un cadre d’essai clinique… Etc. Je commence à ne plus pouvoir tout écouter. Je commence à faire mes plans, mais combien d’années me reste-t-il ?

Nous sortons ensuite pour aller dans un autre département pour la biopsie. Véronique doit alors me quitter, mais je ne m’ennuie pas en restant seule. Je commence à écrire des emails. La salle est pleine d’autres patients. Les infirmières s’occupent bien de moi et l’une d’elles reste une minute pour me parler. La procédure de biopsie est simple, pas douloureuse du tout - juste une anesthésie locale, une aiguille très fine que je ne sens pas, une incision de moins d'un centimètre, et deux 'clicks' qui font plus de peur que de mal.
 
Dans le couloir où on doit venir me rechercher alors que j'attends dans le lit, je me mets à pleurer à nouveau... Mais une fois rentrée dans la chambre en attendant la cicatrisation, je suis heureuse à nouveau. Je veux profiter de la vie. Je ne vais pas me gâcher la vie en commençant à m’apitoyer ou à me regarder moi-même comme une malade et en commençant à penser et agir comme une grande malade. Je veux que la vie soit aussi normale que possible, et qu’il reste beaucoup de beaux moments, de l’affection, la beauté des petites choses… Je n’y pense pas vraiment comme ca, mais je le ressens. Je regarde les nuages de ma fenêtre et je les trouve beaux ; je trouve beaucoup de choses belles autour de moi. Tout est plus beau. Je suis triste et anxieuse, mais je suis plus prête que la dernière fois. Je connais cette chimiothérapie, et si je n’ai pas d’opération alors je ne serai pas invalide pendant plusieurs semaines.

Je mange le repas de l’hôpital et j’attends qu’on me donne le feu vert pour ma sortie. J’écris à mon chef, qui me rappelle rapidement pour me dire qu’il fera tout pour m’aider. Il est chouette. Ca va aider d’avoir un chef qui est un homme très humain. Le travail va me distraire et surtout me permettre de pas rester seule à la maison pendant de longues journées. Je pense essayer de continuer à travailler… les plans commencent à se former de plus en plus précisément sur ce que je voudrais faire pendant les mois de chimio qui vont arriver. Mi-temps thérapeutique. Si je peux.   

Il fait très beau et je décide de rentrer à la maison à pied, sans taxi. Le soir, William rentre de l’école. Heureusement le lendemain sera férié, ca nous laisse du temps pour parler et être ensemble. Je décide donc de lui annoncer la récurrence dès ce soir. Je veux aller dehors marcher, au Vroesenpark, car je ne veux pas lui annoncer à la maison. Nous avons une longue conversation au cours de laquelle William me pose beaucoup de questions sur le cancer et sur la récurrence. J’insiste sur le fait que la vie continue, malgré la maladie. La vie n’est jamais parfaite, et il ne faudra pas attendre après le cancer pour profiter d’être ensemble et de faire de belles choses. La vie est maintenant.

Le soir, nous regardons des films, puis pendant que William regarde South Park, je prends mon ordinateur sur mes genoux et m’assois à ses côtés pour regarder les modèles et les prix pour une banquette-lit. Puisque je vais être fatiguée, ce dont j’aurai le plus besoin, c’est d’une banquette supplémentaire dans la salle à manger. Ca avait bien manqué la dernière fois, les invités étaient sur mes chaises de bistrot en bois pendant que moi j’étais allongée et je prenais toute la banquette. Allez je vais m’acheter une belle grande banquette-lit.  

Le lendemain, la journée est à nouveau très belle. Je me prends en mains et je commence mon grand programme de mise en forme, pour garder la forme durant la maladie. Je vais faire une grande ballade à pieds vers 7.30. Je prends quelques photos avec mon portable. J’ai marché 5 kilomètres ! Je veux marcher chaque jour au moins une heure, et faire 15 minutes de yoga pour ne pas trop perdre mes muscles et ma flexibilité. De toutes les méthodes qui sont censées retarder la progression du cancer, je pense que le sport est de loin ce qui marche le mieux. Car l’important est que les endroits du corps qui marchent encore bien continuent de marcher le plus longtemps possible!

Je suis heureuse. Je n’ai pas encore mal. Je vais même très bien pour le moment. J’aime ma vie. J’aime mon appartement, notre ville, mes amies et ma famille bien sûr, ma vie en général, mes petits clubs d’écriture et mes petites activités pour l’association Olijf… Tout quoi. Je suis heureuse de ma vie !

Le cancer semble une abstraction pour le moment. Je réfléchis à ce que je veux vraiment faire. Je risque de ne pas avoir cinq ans et demie devant moi, même si c’est mon objectif officiel. S’il ne me reste qu’une année par exemple, alors qu’est-ce que je veux faire ? Faire mes albums photo en retard bien sûr. C’est à peu près tout. Pour le reste, juste être avec William et avec mes proches, aider en faisant du volontariat pour le cancer tant qu’il me reste des forces – aller au travail pour me distraire et éviter de passer trop de temps à la maison, rester dans une vie normale mais adaptée, tant que je le pourrai. Mes plans commencent à s’organiser, mais ils sont beaucoup plus modestes et flexible qu’autrefois, avant la maladie. On verra.

L après midi, pendant que William joue au foot avec des copains, Florence et moi allons dans le parc – j’ai prévu la thermos de thé vert parfum rose et litchi, et les noix aux raisins ; elle attrape une nappe pour que nous puissions nous asseoir par terre. Nous discutons de la situation, et puis sans nous apitoyer, nous discutons aussi d’autres choses. Je n’ai pas envie de trop parler de ma situation, je risque de pleurer, et je veux juste profiter de tout. Je suis en colère contre cette maladie, et je ne vais pas lui donner mon précieux temps. Je sais que les larmes viendront plus tard. Pour le moment, profiter. Je peux m’asseoir au soleil, ce petit plaisir me sera retiré lorsque je serai en chimio ou opérée.

La soirée est tranquille et sympa. On commande des sushis, et nous regardons ensemble un film comique. J’ai écrit des emails. Petit à petit, les plus proches sont mis au courant. Il reste encore plusieurs personnes à informer mais je ne veux pas passer mes soirées au téléphone ou sur email, et je préfère remettre au lendemain et passer du temps près de William. Une chose à la fois. Il reste le week-end entier pour terminer mes emails.

Vendredi soir : Le shopping a été un grand succès. Je vais taper dans mes économies. Nous avons trouvé une belle grande banquette-lit en L. Livraison dans 10 semaines. On fêtera ca dignement en invitant les copains et copines J Le week-end s’annonce radieux.

4 commentaires:

Sylvie Maillot a dit…

Catherine tu es vraiment une reine! tu vas l'avoir cette cochonnerie. De grosses bises. Sylvie

Julie a dit…

Je suis sans mots mais je ne pouvais rester silencieuse... J'ai vécu la maladie en te lisant... je promet de te lire en vivant tout comme toi! tu es inspirante... xxx

Anonyme a dit…

Dear Catherine, I do not know if you remember me, however, I followed your first occurrence with Ovarian Cancer few years ago. I did not realize that so much time has passed. I am so glad that you were cancer free for so many good years. And yet so very sad that it has resurfaced. I cannot imagine how you feel. The desire to live is strong in all of us, but you Catherine are a Gold Olympian when it comes to making your mark and come in ahead of so many behind you. I salute you for this. The desire to live and the planning is a good step to reaching your goal. Couple of days ago I read an article about Dr. Mark Stengler. He lives and has his offices in California. Funny that I wrote down his name in my address book. You never know when you might need to look him up. You can find out more about him by going on google and typing in his name.
I know in my heart that you will be fine and that you will get to see your son graduate from highschool, graduate from college and etc, etc, etc. Stay strong my friend. Fondly Esther

Catherine T. a dit…

Thank you Esther, Yes I remember you very well with the beautiful pictures that you published! Merci Sylvie et Julie, et Natacha, je vais bien et vos encouragements m'aident à me sentir moins seule face à cette maladie. Bon courage aussi a vous, vous êtes également des inspirations pour moi!