mercredi 13 mai 2015

The Big One

13 Mai 2015.

J’ai bien profité. J’ai complètement récupéré de mes traitements et je vais bientôt fêter les quatre années de rémission: trois ans, neuf mois exactement après la date du diagnostic. Quatre ans exactement depuis mes premiers symptômes.

Il est 4.00 du matin. Je n’arrive pas à dormir. Dans quelques heures je vais avoir les résultats de mon scan et de mes bilans sanguin. Le fameux marqueur CA125. J’ai senti un nodule dans le bas de mon ventre depuis plusieurs jours. J’ai appelé Joyce avant-hier, lundi matin. Joyce a réussi l'exploit de me faire avoir un rendez-vous l’après-midi même.
 
Mon ventre a un peu gonflé: j’ai décidé la semaine dernière d’entamer un grand régime. Comme en Mai 2011! Le premier symptôme a été de penser que je devrais perdre du poids car mon ventre gonflé était inconfortable. Comme en Mai 2011, je sens une grosseur dure dans le bas de mon ventre, qui ne part pas avec la digestion.
 
Pourvu que je survive encore 5 ans et demie. Dans 5 ans et demie, William aura son baccalauréat. Je ne veux pas mourir avant. Je vais faire tout ce que je peux pour tenir jusqu’à là.

Mon gynécologue n’a pas changé. Il est chaleureux et nous plaisantons. Joyce assiste à l’examen, comme d’habitude. Elle va bientôt partir en congés maternité. Dr H. pratique une écographie.
 
Bingo, il voit aussitôt une grosseur suspecte. Après m’avoir rassurée en disant qu’on ne savait pas encore ce que c’était, il m’envoie illico faire le bilan sanguin et un CT-scan. Je retrouve les couloirs et les procédures familières.

Je suis restée assise pendant une heure dans la salle d’attente en attendant l’examen du scanner, calme, et pensant: “c’est le Big One. Je me doutais que ca risquait de revenir. Nous y voici. C’est mon Big One.” J’ai envie de m’amuser. Je n’ai pas envie de vivre en attendant la mort. Je vais m’amuser, quel que soit le temps qu’il me reste. Je vais m’amuser, et bien m’occuper de William, passer le plus de temps possible avec lui. Pas question de déprimer et de se regarder le nombril en gémissant. Je me répétais: je vais m’amuser. Je vais vivre normalement. J’irai m’acheter une perruque cette fois-ci. Je ne veux pas qu’on me traite comme une malade. Je veux vivre le plus normalement possible jusqu’à la fin. Est-ce que je veux continuer à travailler ? Plutôt faire du volontariat et écrire. Vivre comme si j’étais en retraite, en profiter. C’est ma retraite, voilà. Je vais me dire que je suis en retraite anticipée et en profiter. M’a-mu-ser.

 

Je suis allée au travail normalement le lendemain. La journée m’a paru très longue. Je me suis confiée à Ans qui s’est libéré aussitôt pour prendre son déjeuner avec moi. Nous avons bien ri : elle m’a raconté en détail une émission dans laquelle un journaliste atteint de cancer de la prostate faisait tous les essais possibles des trucs anti-cancer et filmait ses tentatives avec humour.

J’ai quitté le travail une heure plus tôt. Impossible de me concentrer. J’ai pris ce que je pouvais emporter: mon portable, un livre entamé, mes chaussures de rechange (j’en garde toujours une paire dans le placard en cas d’ampoules), ma tasse souvenir d’Écosse. Chargée de deux sacs, je suis rentrée en train puis en métro. Je suis ressortie faire des courses. J’ai acheté un gros bidon de lessive en plus – il faut que j’achète les grosses choses avant d’être opérée. Si je suis opérable. Le vent soufflait très fort, et je me suis dit : voilà c’est bon pour moi, c’est comme ca que je vais vivre maintenant, je vais faire des efforts et garder tous mes muscles. Je ne vais pas baisser les bras, je vais rester en super forme jusqu’au bout.


William est rentré et je lui ai parlé deux fois de ma visite à l’hôpital et deux fois il a changé de sujet pour me raconter une blague. Il me rappelle un de mes frangins. Ces bonhommes. Je tente de lui demander s’il a des souvenirs de ma maladie… il réponds mais change rapidement de sujet. Il n’a que 13 ans. Il vient de perdre sa grand-mère adorée il y a moins d’un mois. Evidemment, il a son père, mais une maman ce n’est pas pareil… Pourvu que je tienne…

Dans quelques heures, à 10.15, nous irons entendre les résultats et les premières indications. Je ne pense pas qu’on va m’apprendre que ce n’est rien. Je suis sûre que c’est le Big One. Je n’ai jamais eu une telle certitude durant ces dernières années. Je suis prête. Je fais des plans – je dois acheter un bon canapé lit car Evelyne reviendra sûrement pour m’aider. Il faudrait que je finisse de repeindre les fenêtres de la chambre avant d’être opérée... Je dois finir mes albums photos. Je dois finir d’écrire ma biographie pour William. Je dois, je dois,… Je souris. Je dois surtout retourner tenter de dormir un peu.

 

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