vendredi 11 janvier 2013

Sport et cancer (cancer and sports)


Certains veulent escalader le Kilimandjaro pour soutenir la recherche contre le cancer. L'idée m'a séduite, mais pour le moment, soyons modeste. Je vais tenter de me remettre au vélo régulièrement, comme avant le cancer, et je vais continuer à apprendre et pratiquer le yoga. Mon objectif est de progresser régulièrement et parvenir à une pratique quotidienne. J'ai franchi une grande étape avant-hier, avec un aller-retour en vélo au bureau, au total 26 km à petite vitesse (sans vent et sur du plat). Je suis arrivée au parking bien fatiguée et en sueur, mais aussi heureuse que si j'avais réussi à courir un marathon complet. Soyons franche jusqu'au bout: j'ai eu mal aux muscles et au dos pendant 48 heures. Il faut reprendre doucement, on me le répète, mais il est bien difficile de connaître ses nouvelles limites.

Je suis hyper motivée pour reprendre le sport, et j'ai tendance à vouloir aller trop vite, car parmi les facteurs non médicaux qui influencent les risques de récidive et les délais  de survie des cancers en général, le sport et l'activité physique sont aux premiers rangs.

Tout récemment, une équipe nord-américaine de chercheurs oncologues a publié un long article scientifique destiné aux soignants et aux malades (en intégralité en anglais dans la revue CA Cancer, A Cancer Journal For Clinicians, 2012, voir références ci-dessous). L'article donnait des conseils précis sur le sport et l'activité physique recommandés aux patients atteints de différents cancers, pendant et après leurs traitements. Voici mon résumé de cet article.

Pendant les traitements, l'activité physique est possible et même bénéfique. Elle  permet de combattre la fatigue. Le sport et l'activité physique n'ont pas d'effet négatif sur le traitement chimiothérapique (une étude suggère même un effet bénéfique mais une seule étude n'est suffisante pour conclure).

Pour les personnes qui reçoivent des chimiothérapies ou radiothérapies, l'idée n'est pas de pratiquer des sports intensivement mais simplement de rester actifs physiquement dans la mesure du possible. Ceux qui étaient très sportifs ou physiquement actifs avant les traitements devraient tenter de le rester en respectant leurs nouvelles limites. Les personnes très sédentaires devraient commencer une activité physique légère, comme des étirements légers et de la marche lente et sur une courte durée. Dans les deux cas, il est recommandé de discuter ses limites avec son oncologue.

Durant les périodes d'hospitalisation allongée, il est également possible de faire quelques exercices proposés par des soignants, qui permettent de limiter la perte musculaire et de contrecarrer la fatigue mais aussi la dépression.

Les personnes âgées ou souffrant de problèmes osseux et articulaires doivent prendre garde à leur équilibre et éviter les risques de chutes; dans leur cas la présence d'un soignant peut être indiquée.

Immédiatement après les traitements, la phase suivante pour beaucoup d'entre nous est la rémission. C'est la phase durant laquelle les symptômes et effets secondaires des traitements et de la maladie commencent à disparaître. Reste cependant la fatigue, des troubles digestifs, et pour certains des douleurs, neuropathies, et autres effets secondaires qui peuvent parfois persister pendant des mois ou des années. C'est une période également difficile sur le plan psychologique car le cancer n'est pas déclaré entièrement soigné et un suivi régulier est nécessaire pour surveiller une possible récurrence ce qui génère beaucoup d'angoisse. Beaucoup de patients développent une dépression à ce moment-là.

Les auteurs de l'article conseillent la reprise régulière d'une activité physique ou d'un sport pendant la rémission, progressivement et régulièrement, pour gagner des forces physiques (reconstruire les muscles, mais aussi renforcer os et tendons), améliorer la digestion, combattre la dépression.

Dans la phase suivante, les survivants du cancer vivent avec un cancer stabilisé ou voient leur cancer déclaré guéri après plusieurs années (les notions de "rémission" et "guérison" changent d'un cancer à un autre, discutez de cette différence avec votre oncologue si vous ne connaissez pas votre statut; pour le cancer des ovaires, on parle de rémission dans les 5 années suivant le diagnostique si les traces de cancer ont disparu et que le cancer n'est pas réapparu durant tout ce temps). Même lorsque le cancer a disparu depuis plusieurs années, le survivant du cancer a beaucoup plus de risques que la population générale de développer à nouveau un cancer (second cancer primaire) et d'autres maladies sérieuses telles que les troubles cardio-vasculaires, le diabète, l'ostéoporose. Pour le cancer de l'ovaire, le risque de récidive diminue grandement mais n'est jamais exclu, même après plusieurs années sans traces de cancer.

Durant cette phase, il est important pour les survivants du cancer de poursuivre trois objectifs:

- Avoir une bonne nutrition équilibrée (beaucoup de fruits, légumes et céréales complètes).

- Surveiller son poids. Il faut en effet éviter l'obésité, qui est associée à un plus haut risque d'une récurrence du cancer du sein et probablement d'autres cancers. Il faut regagner du poids pour certains patients qui se sont retrouvés excessivement maigres suite à un cancer et son traitement (en particulier c'est souvent le cas pour les tumeurs du système digestif, cou, œsophage, ou poumons).

- Pratiquer une activité physique régulière. Des études de plus en plus nombreuses indiquent que la pratique d'une activité physique régulière diminuent les risques de récurrence et augmentent la durée de la survie.

Dans la population générale, l'activité physique régulière a un impact bénéfique sur le corps en général et la santé physique et mentale, cela n'est plus à demontrer. Son impact positif est observé également chez les survivants du cancer sur la santé cardio-vasculaire, la force musculaire, la composition du corps, la fatigue, l'anxiété, la dépression, l'estime de soi, la qualité de vie (mesurée sur plusieurs échelles prenant en compte les dimensions physiques, fonctionnelles et émotionnelles).

Je cite l'article (ma traduction): "Au moins 20 études observationnelles prospectives ont montré que les survivants du cancer physiquement actifs ont un risque moins élevé de récurrence du cancer et une meilleure survie comparés à ceux qui restent inactifs, bien que ces études se limitent aux cancer du sein, colorectal, de la prostate et des ovaires, et que des études cliniques randomisées restent nécessaires pour mieux définir l'impact du sport sur ces résultats."

Pour ceux qui vivent avec un cancer avancé, le maintien d'une activité physique légère permet de maintenir un meilleur bien être et aide à continuer de bénéficier d'une bonne qualité de vie, mais les auteurs insistent surtout sur une bonne nutrition pour éviter la malnutrition et la perte de poids. Le maintient d'une activité physique devient difficile pour beaucoup et doit être discutée au cas par cas avec l'oncologue. Pour cette raison, les travaux systématiques manquent de données pour donner des recommandations générales.

Concrètement, quel type et quelle intensité d'activité physique sont recommandés? Les recommandations officielles de la société américaine du cancer (American Cancer Society) pour les survivants du cancer ont été définie en association avec un panel de médecins du sport. Ces spécialistes sont arrivés à ces recommandations générales:

- Eviter l'inactivité et retourner à des activités quotidiennes normales le plus tôt possible après le diagnostique;

- Avoir pour objectif une activité physique modérée (voir détails ci-dessous) de 150 minutes par semaine;

- Inclure des exercices ou activités engageant la musculation deux fois par semaine.

Certaines personnes ne sont pas en mesure de suivre ces recommandations car trop limitées physiquement, par la fatigue du traitement, par l'âge, ou d'autres problèmes. Dans ce cas il est recommandé de faire des activités physiques de moyenne intensité sur de courtes durées et d'éviter les longues périodes d'inactivité.

L'activité physique modérée est une activité pendant laquelle on pourrait parler mais on ne pourrait pas chanter sans se retrouver essoufflé: danse de salon; vélo (avec quelques pentes légères); canoë; jardinage; sports incluant des balles à attraper; tennis; marcher d'un pas rapide; aérobique aquatique; se déplacer en fauteuil roulant à la force des bras.

Lorsque la condition physique le permet, on peut s'engager dans des activités physiques vigoureuses, définies par le fait qu'on ne pourrait pas parler longtemps pendant cette activité sans perdre son souffle: dance rapide ou danse aérobique (en salle de sport par exemple); vélo au-dessus de 25 km/h ou en pente raide; jardinage intensif (creuser, scier); marcher en gravissant une pente; sauter à la corde; marche rapide de compétition; jogging et course a pieds; arts martiaux; tennis en solo; sports impliquant beaucoup de course à pieds; natation rapide. Soixante-quinze minutes d'activités physiques rigoureuses par semaine équivaut à 150 minutes d'activités modérées.

En fait, 150 minutes par semaine d'activité modérée n'est pas un objectif déraisonnable du tout: ce ne sont que deux fois dix minutes par jour.

Pour ma part, aujourd'hui, je dois récupérer de mes excès en vélo: je vais juste aller marcher en alternant marche tranquille et marche un peu accélérée (deux fois 10 minutes bien sûr!).



Bette Calman

C'est une photo de moi dans quarante ans!


Références: Nutrition and physical activity guidelines for cancer survivors. CA Cancer Journal for Clinicians, 2012, 62, 242-274.
Disponible gratuitement en ligne (en anglais uniquement) sur cacancerjournal.com et sur 
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.3322/caac.21142/full

Photo: http://www.dailymail.co.uk/news/article-1172810/The-yoga-supergran-bend-backwards-age-83.html La jeune femme sur la photo est professeur de yoga et a 83 ans.

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The article today is not translated in English because I mostly talk about a paper available for the English speaking public for free and online (see references above). It provide specific guidelines for cancer survivors regarding physical activity.

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2 commentaires:

Julie a dit…

Trop belle la photo! ;)

J'ai hâte de reprendre l'activité physique... je ne suis pas inactive mais j'ai encore bcp de limitations (en plus je soigne une phlébite...) donc une chose à la fois mais moi aussi je compte garder la forme par le sport...
Julie

Anonyme a dit…

bonjour ,atteinte également d'un cancer ovarien depuis janvier 2012,j'ai peu à peu pris du poids durant le temps de chimio qui m'a considérablement affaiblie,des douleurs articulaires et tendineuses persistent ainsi qu'une grosse fatigue,cependant je souhaite retrouver une activité physique et depuis peu je reprends un peu la marche et cette semaine j'ai fait 10 km à vélo!!
mais un projet me tiens à coeur,celui de m'investir dans une association qui oeuvre pour lutter contre le cancer et j'ai fais le constat que l'on parle beaucoup du cancer du sein du sein chez la femme mais rarement de celui des ovaires qui pourtant est encore moins facile à dépister que celui du sein !aucun cancer n'est facile à vivre me direz-vous!!certes,mais j'ai personnellement du mal à me sentir comprise lorsque j'évoque les blessures physiques mais aussi psychologiques que ce cancer engendre!et pourtant je veux vivre!!!alors je suis entrain de mobiliser mes ressources pour combattre mes démons et retrouver la joie de vivre!
et le sport en fait partie!!
claudie