dimanche 18 mars 2012

Premiers pas vers la "mindfulness" (attention et méditation) - My First Steps towards Mindfulness (consciousness and meditation)

[English translation below]

Le Vruchtenburg de la rue Straatweg est une ancienne ferme reconvertie en centre d'accueil. Maison discrète aux murs blancs, elle cache un extraordinaire jardin offrant de petites allées sur lesquelles il fait bon se promener et méditer.
La première fois que j'y suis allée, l'été dernier, je me suis assise au bord de leur petit coin d'eau entouré de joncs, et je me suis endormie. Dans la maison, l'atmosphère est douce, et les poutres en bois sont éclairées par des petites lampes en forme de toiles d'araignées allongées comme des hamacs. Ca sent le neuf et pourtant l'ambiance rappelle la petite fermette au milieu de nulle part où une vieille femme va venir nous servir un bon potage cuit au coin du feu...

Mais nous sommes à Rotterdam, au cœur de la zone la plus peuplée d'Europe. Le Vruchtenburg est un centre d'aide aux patients souffrant du cancer et à leur famille. Il est géré par des volontaires et propose des services professionnels, soutien psychologique et information sur le cancer.

Je m'y rends désormais tous les lundis après-midi religieusement. J'y ai commencé mon programme de remise en forme (mon après cancer) avec un "Mindfulness training": Une série de 9 après-midis sur le thème de la méditation pour combattre le stress et l'anxiété. Mindfulness signifie prise de conscience. L'objectif est de nous entrainer à mieux vivre dans le présent. Nous sommes six femmes, de tous âges (je suis choquée de ne pas être la plus jeune!) et ayant ou ayant eu toutes sortes de cancer. La très sereine Elizabeth nous guide dans le contrôle de nos émotions.

Le premier cours n'a pas été très intense, plutôt plaisant. Présentation générale où nous avons raconté en bref nos histoires, singulières mais toujours douloureuses. Puis des exercices simples de prise de conscience. Nous avons terminé par une petite séance de méditation légère, une prise de conscience de notre respiration et de nos sensations corporelles, pendant quelques minutes seulement et assises confortablement sur nos chaises.

Au second cours, les émotions ont commencé à se bousculer. J'ai fait mes premiers pas dans l'apprentissage des effets de la mindfulness. Cela a commencé lorsque je suis arrivée et ai dit à Elizabeth que je pouvais bien la comprendre car ses instructions étaient données lentement, mais que j'avais eu du mal à comprendre en détails les histoires personnelles des autres personnes (le cours est en néerlandais). Elle m'a alors posé une question qui m'a surprise, mais qu'elle posera maintes fois par la suite: "Et qu'est-ce que tu ressens lorsque tu penses à ça, là et maintenant?" Je lui ai répondu en souriant et en accrochant mon anorak au porte-manteau: "oh, ca va, je suis très habituée!" 

Elizabeth a quitté la salle une minute pour aller chercher de l'eau. Lorsqu'elle revient, avec d'autres femmes qui arrivent en même temps, je suis en larmes. Personne ne me pose de question et tant mieux. Le cours commence. Qu'est-ce que je ressens? C'est pour cela que je suis là. Pas pour répondre en souriant que tout va bien. Je suis triste de ne pas bien comprendre le néerlandais après 10 ans passés dans le pays. Je me sens nulle. Vraiment, j'ai raté quelque chose... J'ai raté beaucoup de choses...

C'est sans doute ma toute première découverte dans ce cours de méditation: être en contact avec mes émotions réelles, au lieu de croire à ce que je dis pour être gentille et épargner mon entourage, ou pour tenter d'être "forte". Si je suis honnête avec moi-même je dois bien admettre que je suis extrêmement triste de ne pas parler le néerlandais couramment. Mais je suis triste également lorsque j'essaie de l'apprendre.

Les raisons en sont multiples mais elles ne sont pas importantes finalement, car la vraie découverte est de reconnaître cette vérité simple: cette situation d'immigrante continue de peser un poids très lourd sur mes épaules. J'ai souvent tendance à l'ignorer et à faire les choses au mieux dans mes limites. Finalement, quoi que je fasse la situation est désagréable: apprendre le néerlandais est couteux en temps et cela me frustre infiniment de gaspiller du temps alors que j'ai tant d'autres projets; mais ne pas bien savoir parler la langue locale est également extrêmement frustrant et embarrassant. 

Qu'est-ce que cela à avoir avec le cancer? En une question, "qu'est-ce que tu ressens?", Elizabeth me rappelle une grande règle de la sagesse orientale. Prendre conscience de ses émotions intimes, et puis les accepter comme elles sont. Ne pas vouloir être plus heureuse, mais simplement constater. Nous souffrons dans certaines situations, voire même dans beaucoup de situations. Il ne faut pas nier la réalité, et juste la regarder en face.
Et pour cela, s'arrêter de bouger, écouter sa respiration et écouter son corps deviennent importants. Il faut développer la connaissance de soi-même et développer sa concentration, pour être capable d'écouter les messages subtils que nous envoient notre corps qui traduisent nos réactions émotionnelles les plus cachées.

Qu'est-ce que cela change? Est-ce que cela réduit la douleur? Cela réduit un peu l'intensité des émotions effectivement. Mais il y a encore plus important, je trouve. Cela permet de faire de meilleurs choix. Après avoir pris conscience que les deux situations me pesaient ("perdre du temps" à apprendre ou souffrir de ne pas parler couramment), je suis maintenant plus libre de prendre une décision. Quel est le pire? Est-ce que cela ne vaudrait pas le coup de passer plusieurs semaines à travailler intensément le néerlandais pour passer du niveau intermédiaire au niveau supérieur? Pourquoi est-ce que j'ai l'impression de perdre du temps lorsque j'apprends le néerlandais et comment l'éviter?... 

La prise de conscience m'a aidé à avoir l'esprit plus clair et mes sentiments sont plus modérés. C'est une surprise: Je m'attendais à parler du cancer et voilà que nous parlons d'une situation de la vie courante! Le cancer a l'art de bouleverser les choses de la vie qui au départ semblent totalement indépendantes de la maladie. Tiens, mais on dirait que le cancer vient encore de m'apprendre une leçon!
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 English version: First steps towards "mindfulness" (consciousness and meditation)
The Vruchtenburg in the Straatweg street, is a farmhouse converted in a reception center. A discreet house with white walls, it hides an extraordinary garden with small alleys in which it is pleasant to walk and meditate.

The first time I went there last summer, I sat beside their little piece of water surrounded by reeds, and I fell asleep. In the house, the atmosphere is sweet, and wood beams are lit by small lamps shaped like spider webs in a form of stretched hammocks. It smells new and yet the atmosphere recalls the small farmhouse in the middle of nowhere where an old woman will come to serve us a good soup cooked by the fire ... But we are in Rotterdam, the heart of the most populated area of ​​Europe. The Vruchtenburg is a support center for cancer patients and their families. It is run by volunteers and offers professional services, counseling and cancer information.

I go there every Monday afternoon religiously. I started my remediation program with a "Mindfulness training": A series of nine afternoons on the subject of meditation for reducing stress and anxiety. Mindfulness means awareness and the objective is to cause us to live better in this. We are six women of all ages (I am shocked not to be the youngest!) And having all kinds of cancer. The very serene Elizabeth guides us in controlling our emotions and developing slowly better awareness.

The first course was not very difficult- rather pleasant actually. An general introduction where we had also the opportunity to tell our stories in brief, all singular but all always painful. Then followed simple exercises of awareness or mindfulness. We finished with a short meditation, focusing on the awareness of our breathing and body sensations - only a few minutes and sitting on chairs.

The second course, the emotions started to be awakened in me. I took my first steps in learning the effects of mindfulness. It started when I arrived and told Elizabeth that I could well understand her because his instructions were given slowly (the entire class is in Dutch, not my native language), but that I struggled to understand in detail the personal stories of others. She then asked a question that surprised me, but that she would ask many times later in the coming weeks: "And what do you feel when you think about this, right now?" I replied, smiling and hanging in my parka coat: "oh, it's all right with me, I'm very used to it!"

Elizabeth left the room for a minute to bring back water. When she returned, with other women arriving at the same time, I was in tears. Nobody asked questions and that was all the better. The course began. What did I feel? That's why I was here. Not to respond with a smile that all was well. I realized that I was very sad not understand the Dutch fluently after 10 years in the country. I felt like a failure. Really. I felt I had missed something ... I had missed a lot and fail at a lot of things...

This was probably my first real discovery from the meditation course: I was finally in touch with my real emotions, instead of believing in what I said to be nice, avoid people to feel embarrassed or sad for me, or to desperately convince myself to be "strong".

Yes, if I was honest with myself, I had to admit I am very sad not to speak Dutch fluently. But I'm also sad when I try to learn it. The reasons are many but they are not important, because the real discovery is to recognize this simple truth: the situation of being an immigrant sometimes feels like a very heavy weight on my shoulders. I often tend to ignore it and do things in my limits. But at the end of the day, whatever I do, the situation is unpleasant: To learn Dutch is costly in time. It frustrates me to feel like wasting my time to improve my skills when I have so many other projects. But not being able to understand or speak it fluently is also extremely frustrating and embarrassing.

What does this have to do with cancer? In one question, "what do you feel?" Elizabeth reminded me a great rule of Eastern wisdom: to become aware of my deepest emotions, and then to accept them as they are. It is not about wanting to be happier, but it is about simply being able to observe myself as I am. We suffer in certain situations, and perhaps even in many situations. And instead of deny the reality of this uncomfortable or painful feeling, let's just face it up. And that is why stopping moving, to listen to one's own breathing and to listen to our body signals become very important. We must develop knowledge of self and develop concentration, to be able to listen to the subtle messages our body is sending. This reflects our emotional reactions, many of them carefully hidden from our awareness.
What difference does it make? Does it reduces the pain? This reduces somewhat the intensity of emotions indeed.

But there is even more important, I think. This helps to make better choices. After realizing that I did not like any of the situations (neither "wasting time" to learn Dutch, neither ending up in social situations where I felt embarrassed not to be more fluent), I am now more free to make a decision. Which one is worse? Is it worth spending several hours a week working intensely to pass the Dutch intermediate level? Why do I get the feeling of wasting time when I learn Dutch and how to avoid it? ...

Awareness helped me to have a clearer mind and my feelings became milder. It was a surprise: I expected to learn from my issues with the cancer and suddenly I realized that I was learning a lot from a situation that was a problem in my everyday life! Cancer has a way of disturbing many things in our lives that at first seem completely independent of the disease. Hey, but it looks like cancer has taught me a lesson... once again!
February 17, 2012



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2 commentaires:

Guillaume Rodolphe a dit…

Bonjour
Vous faites un très beau témoignage sur la méditation de pleine conscience.
essayez une fois que vous avez ressenti des émotions dans votre corps de vous en approcher doucement, avec tendresse, avec gentillesse
comme une maman dont l'enfant pleure
et qui se précipite dans sa chambre
et le prend dans ses bras avant même de savoir ce qu'il a
essayez de cultiver cette même attitude avec vous-même
Embrassez votre tristesse, votre peur ou toute autre émotion à connotation négative

avec bienveillance
Guillaume Rodolphe

Catherine T. a dit…

Merci beaucoup,

c'est une très belle image! J'ai parfois en tête une image similaire et qui m'aide: celle de moi adulte, prenant par la main le moi-même qui est resté enfant. Il faut prendre soin de l'enfant qui est en nous...

J'ai regardé votre site web avec beaucoup d'intérêt, et je vais continuer à vous lire de temps en temps.

J'ai beaucoup appris lors de ma formation aux méthodes de Kabat-Zinn et en particulier, arrêter de me juger durement dès que je fais la moindre erreur ou dès que des émotions " négatives" arrivent à ma conscience. Je le recommande vraiment à tous les patients et surtout après la fin des traitements. J'ai préparé deux articles sur certaines de mes découvertes intérieures que je partagerai dans les jours qui viennent (sur la peur justement; et sur le "pilote automatique" et gestion du stress au quotidien).

Amicalement,
Catherine