mardi 6 décembre 2011

Deux pas en avant, un pas en arrière: à l'aide! (Two Steps Forward, One Step Backward: Help!)

(English translation below)

La pluie battante m’a réveillée une fois de plus à 4h du matin. Il pleut depuis des jours, et le ciel nous offre rarement des éclaircies. L’hiver du Nord est sombre et humide. Déprimant.

J’ai des douleurs plein le ventre. C’est pénible, mais maintenant j'ai l'habitude. Je reste allongée dans mon lit en attendant que le temps passe. Puis je me lère péniblement et prends un thé pour m’hydrater. J’avale deux paracétamols, rien de trop fort pour éviter les effets à long terme des anti-douleurs plus puissants. Je me verse un second thé, puis un autre. Je me sens encore très vaguement nauséeuse mais cela commence à passer. Evelyne continue de veiller sur moi au quotidien.  

Cette dernière semaine a été une des plus longues et des plus difficiles. Depuis l’opération, je me remettais très doucement. Puis il a fallu reprendre le traitement de chimiothérapie lundi dernier, trois semaines après l’opération de réduction tumorale. A nouveau, j’ai eu de grandes difficultés à marcher car la chimio me délabre les intestins et me coupe l’appétit pendant plusieurs jours. Comme j’ai eu  du mal à manger et à bouger, je me suis affaiblie, j’ai perdu du poids, j’avais beaucoup de vertiges. Je pensais que le plus difficile commençait à être derrière moi mais cette semaine a été vraiment difficile et déprimante. Comme un grand pas en arrière.

Je me suis dit qu’il fallait remonter la pente et éviter la spirale vers le bas. Pas facile. La douleur physique et la fatigue morale avancent main dans la main. Le système immunitaire et le système nerveux central sont bien règlés et s’influencent l’un et l’autre. La douleur chronique et les infections activent des centres nerveux qui signalent à notre cerveau de ralentir nos activités pour préserver notre énergie, pour récupérer physiquement et cicatriser. Par exemple on se sent toujours légèrement déprimé et ralenti pendant une simple grippe. Alors après une opération et une série de chimios qui endommagent notre système immunitaire, être à plat moralement n’a rien d’exceptionnel.

Cette semaine je n’avais envie de rien. La plupart des aliments me dégoutaient. Les livres m’ennuyaient. M’assoir à l’ordinateur pour répondre aux emails demandait un effort surhumain. Même m’asseoir à mon piano ne m’amusait pas et me demandait trop d’effort.

Au moment où j’écris cela, mon moral remonte. Qu’est-ce qui a aidé ? D’une part la douleur a commencé à diminuer. Mais pour tenir le cap pendant ces jours difficiles, je crois que ce qui m’a le plus aidé a été de me plaindre !

J’ai dit et écrit à quelques proches que je ne me sentais pas bien, que j’étais impatiente, que rien de me faisait plus plaisir en ce moment, que j’avais mal depuis des mois maintenant, et que j'étais épuisée mentalement d’avoir mal jour et nuit depuis si longtemps... Certaines amies ont cherché des solutions (est-ce qu’un séjour dans le sud de la France au soleil pourrait m’aider ?). Toutes m’ont aidée à sortir du creux de la vague et à ne pas me noyer dans la dépression et l’anxiété. Elles m’ont rappelé que mon fils est un petit garçon brillant et stable, et que je dois arrêter de me faire du souci pour lui. Elles m’ont cité des tas d’exemples de gens qui se sont sortis du cancer et vivent maintenant très heureux. Elles m’ont raconté des guérisons extraordinaires. Elles m’ont  rappelé qu’il y a un soleil au-dessus des nuages les plus épais, et de la lumière au bout des tunnels. Elles m’ont m’encouragé à tenir bon « encore quelques temps ». Elles m’ont rappelé que mes douleurs vont s’atténuer et que c’est normal que tout cela prenne du temps.  

Mon esprit était aussi sombre que le ciel vu au travers de mes carreaux qui dégoulinaient. J’imaginais que j’allais mourir bientôt dans des souffrances atroces, et je n’arrivais plus à percevoir la beauté autour de moi ou à apprécier l’amour dont je suis entourée. Mais au bout du compte, se plaindre et parler de ses idées noires m’a aidé. A mesure que mes proches ont défilé à ma porte ou envoyé des emails, j’ai petit à petit repris courage et repris des forces. Je me suis sentie comprise.

Après quelques jours de blues, la véritable éclaircie est arrivée lorsque mon fils est entré dans la maison pour y passer la semaine. Il est arrivé avec ses histoires d’école, ses soucis de petit garçon. Il a voulu me montrer des videos sur Youtube qui m'ont fait bien rire. Il a reçu ses cadeaux de la Saint Nicolas. J’étais suffisamment en forme pour jouer à des jeux de société avec lui. Nous avons même fait quelques courses de ski de descente sur la Wii (de ma banquette, j'ai perdu evidemment!). Nous avons parlé des prochaines vacances au ski – déjà planifiées pour l’année prochaine. Nous nous sommes vraiment sentis très heureux et décontractés. Maintenant, il me demande avec insistance quel jour nous pourrons mettre les décorations de Noël. Je me mets à penser aux décorations, aux cadeaux, à l’endroit où nous passerons la nuit de la St Sylvestre pour regarder les feux d’artifice… Et me voici à nouveau très occupée, me sentant enfin utile, ayant moins de temps pour ne penser qu’à mon nombril, et toute remplie d’amour. Le bonheur revient !

Je l’avais déjà mentionné dans un article précédent, me référant à des études scientifiques sur le sujet : l’amour est vraiment un des meilleurs anti-douleurs. Se sentir compris, se sentir aimé, se sentir utile, se sentir apprécié, tout cela nous soigne et aide à éloigner la douleur, ne serait-ce qu’en détournant notre attention, mais aussi en jouant sur le système immunitaire. On se sent petit à petit plus léger, on sourit.

Alors que parfois l’envie est grande de s’isoler, il faut faire exactement le contraire, appeler, demander de la présence, s’entourer d’affection. Il faut accepter l’aide. Ce n’est pas toujours facile pour notre amour propre. Notre éducation nous demande de devenir indépendant et de ne pas trop demander des autres. Mais désormais j’accepte l’aide car je me dis que lorsque j’irai mieux ce sera à mon tour d’aider les autres. Ce n’est pas égoïste. On m’aide maintenant, j’ai aidé moi-même dans le passé et j’aiderai dans le futur. C’est simple finalement.  Je ne dis pas que c'est facile, c'est frustrant et un peu humiliant, mais le principal objectif pour le moment est de puiser des forces.

Je compte maintenant les semaines qui me restent avant la fin du traitement. Trois, deux, une chimio : début Février 2012, je devrais être sortie d’affaire et entendre que le cancer est parti pour de bon. Après ces jours sombres, je vois effectivement la lumière au bout du tunnel.  

***
English Translation: Two steps forward, one step backward: Help!

The rain woke me up again at 4am. It has rained for days, and the sky rarely gives us any bright light. Winter in Northern Europe is dark and humid. Depressing.

My entire belly and my back are very painful when I wake up, but it has now become a habit. I usually lie down in my bed waiting for some time to pass. Then, still in much pain, I drink my first tea to get hydrated. I swallow two pills of paracetamol (nothing too hard to avoid long-term effects of powerful painkillers). I drink a second tea, and a third. I still feel vaguely nauseous, but it's started to go away. Evelyne has continued to watch over me every day.

This last week has been one of the longest and most difficult. Since the operation, I was recovering very slowly. Then we had to resume chemotherapy treatment last Monday, three weeks after the debulking surgery. I had great difficulty walking because my chemo hurts my intestines and makes me feel easily out of breath. I had trouble eating, and so I became weaker, lost weight again, felt dizzy... I thought the hardest part was starting to be behind me, but this week has been really difficult and depressing. It felt like a big step backwards.

I was telling myself that I should back up the hill and avoid the downward spiral. Not easy. Physical pain and mental fatigue go hand in hand. The immune system and central nervous system influence each other in many ways. Chronic pain and infections signal to our brain that we have to slow down our activities to preserve our energy to recover physically and heal. For example you always feel slightly depressed and idle during a simple flu. So after an operation and a series of chemos that damage our immune system, lying flat morally has nothing exceptional.

This week I wanted nothing. Most foods looked and smelled revolting. Books were boring. Sitting down at the computer to reply to emails demanded a superhuman effort. Even sitting down at my piano did not amuse me and asked me too much effort.

As I write this, my spirits went back up. What helped? On the one hand, the pain began to decrease. But to keep my head up during these difficult days, I think what helped me most was… to complain!

I told some friends and my family that I was not feeling well, that I was anxious, that nothing made me happy right now, that I had now been in pain for months, days and nights, and that I felt mentally exhausted... Some friends were looking for solutions (Could a stay in the south of France in the sunshine help me?). All of them helped me go out of the hollow of the wave and not to get drown by depression and pain.

They reminded me that my son is a bright and stable boy, and I have to stop worrying about him. They gave me a lot of examples of people who have gone through cancer and now live happy. They told me about some miracle cures to remind me to never loose hope. They told me that there is a bright and warm sun above the thickest clouds, and that there is always a light at the end of the tunnel. They encouraged me to hold on "for some time." They reminded me that my pain will drop and it is normal that all this takes time.

My mind was as dark as the sky seen through my dripping windows. I imagined that I would soon die in agony, and I could not see the beauty around me and appreciate the love I was surrounded with. But in the end, complaining and talking about some of my darkest thoughts helped me. My family and close friends came to visit or sent emails to cheer me up. I gradually found more courage and regained strength. I felt understood.

After a few days brooding, true brightness came when my son entered the house to start his week with us. He arrived with his school stories and his little boy concerns. He showed me Youtube videos that made me laugh. We celebrated Saint Nicolas. I was fit enough to play board games with him and we even played a skiing race on the Wii game (from my sofa… I lost of course!). We talked about out next skiing holidays, already all booked for next year. We had a good time. And now, he is looking forward to set up the Christmas decorations, keeping me busy with thinking about the Christmas gifts, decorations, and where we should be to watch the fire works of the new year’s celebrations... And here I am, busy, finally feeling good, having less time to think only of my navel, making small plans, and full of love. Happiness is back!

I had mentioned in a previous article, with reference to scientific studies on the subject: love is truly one of the best painkillers. To feel understood, to feel loved, to feel useful, to feel appreciated, heal and help take out some physical and mental pain, not least by diverting our attention, but also by playing on our immune system. You feel lighter gradually, you smile...

While sometimes the urge is great to be alone and isolate myself, I must do the exact opposite: call, ask for a presence, and surround myself with affection. You have to accept help. It's not always easy for the self-esteem. Our education requires us to become independent and to strictly limit how much we ask from others. But now I accept help, because I tell myself that when I will feel better, it is my turn to help others. It is not selfish. One helps me now; I’ve helped others in the past; and I will help others in the future. It's simple after all. I am not saying this is easy. This is actually frustrating and a little bit humiliating still, but the main objective now is to get more strengths.

I can now count down the weeks left before the end of treatment. Three, two, one chemo: early February 2012, I should be done with the treatment and hopefully hear the good news that cancer is all gone. After these last dark days, I do see light at the end of the tunnel.

***

Aucun commentaire: