samedi 26 novembre 2011

Fous rires (Bursts of Laughter)

(English translation below) 



La récupération après l’opération de debulking est longue et douloureuse. Ces derniers jours, je souffrais beaucoup et passais mes journées sur le canapé, me forçant péniblement à marcher d’une pièce à une autre de temps en temps, pour suivre les conseils de la physiothérapeute. Elle m’avait aussi dit d’écouter mon corps. J’ai tendu l’oreille et mon pauvre corps ne me criait qu’une chose simple : « Par pitié, reste allongée ». Les changements de position, allongée-assise ou assise-debout, étaient une immense épreuve pour mes intestins, mon abdomen et mon dos.

Hier je me suis réveillée en me sentant bien mieux. La marche était devenue légèrement moins douloureuse et j’ai pu me rendre seule à plusieurs rendez-vous situés dans différents services à l’hôpital, sans être contrainte de demander à être poussée en fauteuil roulant. Je me suis demandée si j’avais fait quelque chose la veille qui aurait pu expliquer un tel progrès.

J’ai peut-être une explication. Quelque chose de nouveau s’était effectivement produit la veille. Mon fils et Evelyne étaient avec moi à la maison et deux amies étaient venues nous rendre visite, l’une le midi, l’autre le soir. Or à trois moment différents dans la journée, j’ai piqué des fous rires extraordinaires et je me suis mise à pleurer de rire et supplier mes copines et mon fils d’arrêter de me faire rire.

J’ai souvent ces fous rires incontrôlables qui tombent au mauvais moment et dont le souvenir me fait rire des années plus tard. J’ai eu des fous rires aux larmes lors de conférences par exemple ; et le pire a été un jour sur mon lieu de travail lors d’une réunion de cadres, et même une fois au volant de ma voiture sur l’autoroute. Eh bien, une fois de plus j’ai choisi plus le mauvais moment : quelle mauvaise idée de rire quand on vient de se faire couper le ventre en deux ! Quelle douleur ! Mais qu’est-ce que ça faisait du bien pourtant !  

Les effets bénéfiques du rire ou du sens de l’humour sont psychologiques et physiques. Vingt secondes de rire sont équivalentes à 3 minutes passées à ramer pour notre système cardio-vasculaire – donc j’ai du faire mes quelques minutes d’aviron sans m’en rendre compte. L’humour a un impact positif sur le système immunitaire, beaucoup d’études le montrent, que ce soit sur les marqueurs sanguins ou plus directement sur la santé. Par exemple, il semblerait que les gens qui ont un bon sens de l’humour soient moins souvent malades et souffrent moins souvent de grippes et rhumes que ceux ayant moins de sens de l’humour. Des mamans qui allaitent et utilisent l’humour pour réduire leur stress, ont moins d’infections respiratoires ; leur lait contient plus d’immunoglobuline A, et leur enfant présente moins d’infections.

Le rire est justement un excellent remède contre les effets toxiques du stress ; chez des personnes stressées, une heure de vidéo humoristique diminue les hormones de stress (cortisol, adrénaline). Et sur le plan psychologique, le rire réduit les sentiments de dépression et augmente l’estime de soi. Il augmente aussi la créativité et l’équilibre psychologique, ce qui aide à la résolution des problèmes de la vie en général. Et il nous aide à mettre les choses en perspective : en riant de nous-mêmes, nous prenons de la distance par rapport à nos problèmes.

Le rire est aussi un excellent remède contre la douleur physique : il distrait l’attention ; il relaxe les muscles ; il stimule la production d’endorphines dans le cerveau, les mêmes substances qui sont produites chez les coureurs de fond et leur procurent des sensations de bien-être pendant la course.

Alors le rire doit être au programme, au même titre qu’une bonne nutrition ou la marche à pieds. Je l’avais temporairement oublié, mais mon corps me l’a rappelé. Avant mon opération, j’avais organisé quelques soirées avec des amies pour regarder des DVD de films comiques. Cela m’avait fait beaucoup de bien et les copines étaient contentes de passer un moment avec moi sans que le cancer soit l’invité principal de soirée. D’ailleurs le rire étant très contagieux, et regarder une comédie en groupe rendait le film encore plus drôle. Il faudra que je relance des invitations.  

Au quotidien, j’ai remarqué qu’il faut souvent être la personne qui initie les blagues. Beaucoup de personnes n’osent pas commencer à faire de l’humour étant donné notre condition, se sentent mal à l’aise et ne savent pas quoi dire. Elles pensent que l’humour serait inapproprié à notre humeur et que le cancer est triste, et effectivement c’est bien souvent le cas. A nous de leur montrer que nous voulons aussi rire et avoir des moments de légèreté où le cancer est oublié pour un moment et où la vie normale continue.  

J’ai trouvé aussi très facile et naturel de me mettre à rire avec d’autres femmes qui souffrent du cancer et que j’ai rencontrées à un atelier de beauté organisé par l’hôpital. Alors que je restais perplexe devant un tube de mascara avec un mécanisme vibrateur et demandait à ma voisine pourquoi le vibrateur, elle me regarde d’un air complice et répond par une blague salée, et on éclate de rire toutes les deux. Il y a un humour du cancer particulier, parfois caustique, qui prend place assez spontanément dans les groupes de parole réunissant les patients.

J’ai aussi entendu de nombreuses histoires de personnes (souvent des hommes) qui malgré le cancer passent encore beaucoup de leur temps à rire. On me parle de ces hommes qui regardent religieusement leurs programmes télé comiques tous les jours et se ressourcent dans l’humour. Un ami me raconte que son père a survécu de manière exceptionnelle à un cancer qui n’avait pas de cure : il a survécu 12 ans et son fils jure que c’est parce qu’il a toujours su garder son sens de l’humour.  Sur le coup je n’ai pas pris son histoire très au sérieux (passez moi l’expression), mais j’ai lu quelques revues scientifique sur le sujet depuis lors, et j’ai réalisé que le pouvoir du rire était tout à fait réel.

Pour continuer à rire malgré un diagnostique de cancer, je pense qu’on doit parfois se forcer. Mettre en route une vidéo d’un film drôle n’est pas évident quand on a l’impression que ça ne rime à rien et qu’on a plutôt envie de pleurer et gémir. C’est un peu comme lorsqu’on est fatigué et qu’on nous dit que pour se sentir moins fatigué il faut faire du sport : ça paraît bien contre intuitif. Ca prend du courage, ni plus ni moins.

Je ne suis pas une mère-télé comme on dit chez nous, mais je crois que je vais changer mes petites habitudes et aller voir régulièrement des programmes drôles, pour nourrir mon esprit d’idées plus drôles et chasser un peu le stress et les idées noires.


English translation

Recovery after debulking operation is long and painful. These past days, I’ve suffered a lot and spent my days on the couch, painfully forcing me to walk from one room to another from time to time, to follow the advice of the physiotherapist. She also told me to listen to my body. I’ve listened to it carefully, and my poor body seemed to be shouting only one simple thing: "Keep on lying down." Changes in position, from lying to sitting and from sitting to standing, were a huge ordeal for my intestines, my abdomen and my back.

Yesterday I woke up feeling much better (relatively speaking, of course). Walking have become slightly less painful and I have been able to go by my own in several different departments for my medical check-ups, without having to ask to be pushed in a wheelchair. I wondered if I had done something the day before that could explain such progress.

I may have an explanation. Something new had occurred the previous day. Evelyne and my son were with me at home and two friends had come to visit us, one for lunch, the other in the evening. And, at three different times during the day, I've burst into laughter, crying with laughter and begging my friends and my son to stop making me laugh.

I often have one of this uncontrollable laughter at the wrong time, the memory of which makes me laugh still many years later. I had tears of laughter in a couple of conferences for example; the worst was once in a day-long managers’ meeting, or perhaps it was the day it happened while riding my car on the highway. Well, once again I chose the wrong time: What a bad idea to laugh when one has just been cut in half! What a pain! But it felt so good though to just let it go!

The beneficial effects of laughter and humor are psychological and physical. For our cardiovascular system, 20 seconds of laughter is equivalent to 3 minutes spent rowing - so I’ve done my few minutes of rowing without realizing it. The humor has a positive impact on the immune system, many studies show, both on blood markers and on health. For example, it looks as if people who have a good sense of humor are less often sick and less likely to suffer from flu and colds than those with less sense of humor. Mothers who breastfeed and use humor therapy to reduce stress have less respiratory infections, their milk contains more immunoglobulin A, and their children has fewer infections.

Laughter is just an excellent remedy against the toxic effects of stress in people under stress: one hour of video humor reduces stress hormones (cortisol, adrenaline). And at a psychological level, laughter reduces feelings of depression and increases self-esteem. It also increases creativity and psychological balance, which helps in solving problems of life in general. And it helps us put things in perspective: by laughing at ourselves, we take the distance to our problems.

Laughter is also an excellent remedy against physical pain: it distracts the attention, it relaxes muscles, and stimulates the production of endorphins in the brain, the same substances that are produced in distance runners and makes them feel « high » during the race.

This means that our cancer fighting program must including laughing, just like we need to have a good nutrition or go walking to remain fit whenever possible. I had temporarily forgotten, but my body reminded me of this importance of the laughter. Actually I knew it, and before my surgery, I organized a few evenings with friends to watch DVD movies funny. This made me much good and the girls were happy to spend time with me without cancer is the main guest of the evening. Besides laughter is very contagious, and watching a comedy with a small group made the film even funnier. I'll have to send some invitations soon.

On a daily basis, I noticed that it is up to us to initiates the jokes. Many people are afraid to start using humor, given our poor condition; they feel uncomfortable and do not know what to say. They think that humor would be inappropriate to our mood and that cancer is sad _ and indeed, of course, it is often the case. So it’s up to us, the cancer patients, to show them that we want to laugh as well and have our lights moments where cancer is forgotten and normal life just goes on.

I also found very easy and natural to laugh with other cancer patients. I met women suffering from cancer in a beauty workshop organized by the nurses at the hospital. While I was puzzled by a tube of mascara with a vibrating mechanism and asked my neighbor why the vibrator, she looked at me with a conspiratorial and amused air... We laughed like kids. There is a particular cancer humor, sometimes caustic, which takes place quite naturally in discussion groups involving patients.

I also heard many stories of people (usually male) who despite cancer spend still a lot of time laughing. For example they watch their daily TV shows religiously and get their mind replenished with humor and joy. Someone even told me that his father has survived for an exceptionally long time (12 years) to a cancer that had then no cure. His son is definitive: he survived for so long because he had the strongest sense of humor ever. At the time, I did not take him seriously (pass me the expression), but I’ve read since then some scientific reviews on the subject, and I’ve come to realize that the power of laughter is real.

To continue to laugh in spite of a diagnosis of cancer, I think we must sometimes force ourselves. Starting to watch a fun movie is not obvious when you feel it is pointless and all you feel like doing is to cry and moan. It's like when you're tired and you are told that to feel less tired, you have to exercise: it sounds very counter-intuitive. It takes courage.

I'm not a coach potato and hate the idea that cancer would transform me into one… but I think I'll need to change my habits and get to watch more of these funny TV programs, to feed my mind with humor and chase away stress and blues.
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