vendredi 7 octobre 2011

Que dire à un enfant? (what to tell to a child?)

(English translation below)


Joyeux anniversaire mon grand !

Aujourd’hui mon grand garçon a 10 ans ! Il n’a pas trop le cœur à célébrer, et lorsque nous fêterons ses 10 ans ce week-end avec ses amis, j’espère qu’il sera content. Mais à l’évidence il a moins d’enthousiasme que d’habitude. A mesure que la fête approche, il a de moins en moins envie qu’elle prenne place.

Je me sens très coupable car je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est de ma faute : ma maladie et mon histoire qui me poursuivent. Lorsque j’avais l’âge de William, à 9 ans, ma mère est morte elle aussi d’un cancer gynécologique. Je n’ai aucun souvenir du jour de mes 10 ans mais je ne peux pas imaginer que la journée ait été très joyeuse. William sait que j’ai perdu ma mère à son âge et je lui ai expliqué que les circonstances sont différentes et que mon cancer n’est pas le même, que la médecine a fait beaucoup de progrès depuis mon enfance, et que les médecins pensent qu’ils peuvent le soigner. Il avait eu l'air rassuré et beaucoup plus heureux après mon petit speech.

Mais qu’est-ce qu’un enfant comprend du cancer ? Mes souvenirs remontent à 30 ans et la plupart sont effacés. Je me souviens seulement que lorsque mon père m’a annoncé la mort de ma mère, j’ai su ce qu’il allait me dire avant même qu’il me le dise. J’avais vu ma mère souffrante à la maison pendant plusieurs mois et elle ne pouvait plus se lever durant les derniers jours, ou peut-être les dernières semaines. Mais je ne pense pas que j’avais pensé qu’elle allait mourir ; je n’y étais pas préparée et malgré tout l’annonce a été le plus grand choc de ma vie. C'est comme si les deux pensées, ignorance et savoir, co-existaient en moi sans se confronter.

Je pense que j’aurais voulu qu’on m’en parle avant. J’aurais voulu entendre ses derniers conseils, qu’elle a dû pourtant me donner mais peut-être de manière indirecte. J'ai toujours été très fière de ma mère et ai toujours pensé qu'elle était une mère parfaite, et qu’elle m'a appris à vivre et comment mourir du mieux possible.

Mais je ne vais pas rester silencieuse comme elle l’a fait. Elle était d’une autre génération et les gens ne parlaient pas aux enfants comme on le fait maintenant. Je n'ai pas pu apprendre d’elle ni de personne comment parler à mon fils aujourd’hui. Du coup je ne sais pas quoi dire à mon fils, et mes connaissances en psychologie de l'enfant ne m'empêchent pas de me poser beaucoup de questions sans réponse claire.

D’un coté, je sais que les enfants n’ont pas les mêmes notions du temps et de la mort que les adultes. D’un autre coté je ne veux pas le rendre plus anxieux et plus triste ; alors quelle vérité lui dire alors qu’en fait rien n’est certain... Je ne suis pas entrain de mourir, mais je ne suis pas encore soignée et je sais que les risques de rechute sont très élevés.

Je suis à peu près certaine de vivre encore quelques années et je suis certaine que je vais les vivre pleinement et d’être heureuse parce que je me sens de plus en plus en paix avec cette nouvelle réalité. Mais je pense aussi que j’ai au maximum 10 ans devant moi ; lorsque je me projette dans le futur, je me dis que j’ai certainement entre 5 et 10 ans… et à vrai dire je commence même à être capable de ne plus trop y penser.   

Mais faut-il lui dire à lui aussi que nous devons pleinement profiter du présent ensemble maintenant parce que je vais peut-être partir dans quelques années (ou peut-être pas!) ?  Pour nous adultes, 5 années à vivre peuvent sembler relativement court ; mais pour un enfant c’est énorme et il aura du mal à s’imaginer en adolescent de 15 ans ! Et puis comment est-ce qu'un enfant gère le peut-être-que-oui-mais-peut-être-que-non.

D’un autre coté si je ne lui dis rien sur les risques que j’ai, j’ai l’impression de lui mentir, de le prendre pour un idiot, et de ne pas lui donner l’opportunité de faire son maximum aussi durant nos moments passés ensemble. C’est aussi risquer qu’il soit très angoissé car il capte dans mon environnement et dans certaines conversations que je cours un risque. Ne pas savoir et laisser libre cours à son imagination pourrait être encore plus angoissant que connaître la réalité.

Je sais que je dois vraiment lui donner des explications et il est hors de question de ne rien dire et faire comme si la vie continuait normalement. Il est temps de parler de la mort et d’apprendre à ne pas la craindre. Mais quand et comment ?

Pour faire le point sur toutes ces questions, et pour reparler de mes propres sentiments et mes propres souvenirs sans les projeter sur notre nouvelle situation, j’ai pris rendez-vous avec un centre spécialisé dans le soutien aux patients souffrant du cancer et leur famille. On verra…

Pour le moment, je pense que le mieux est de rester proche de William en parlant de temps en temps de nos sentiments ; mais sans brusquer et sans entrer dans de longues discussions qu’il déteste. J’ai aussi demandé à une amie ses conseils et nous avons pris un rendez-vous pour en discuter bientôt car elle a comme moi vécu le cancer de sa mère lorsqu’elle était enfant (adolescente dans son cas).

Cela aide toujours de parler, même si aucune d’entre nous n’a vraiment une réponse ; parler aide à toucher du doigt nos peurs. Et puis parler de ma culpabilité et quoi faire… Je me sens très coupable du fait que William va souffrir à cause de moi. S’il n’y avait que moi, ce serait très différent, et je n’ai pas de culpabilité. Je peux me regarder dans les yeux dans le miroir. Je ne regrette rien. J’ai fait de mon mieux. J’ai fait du sport, j’avais une bonne alimentation, j’avais une vie équilibrée, un peu de stress mais pas trop et j’avais eu des moments difficiles dans le passé mais je les avais surmontés… Et franchement j'ai beaucoup bossé mais aussi bien profité de la vie. Je ne pouvais pas éviter un cancer qui est probablement dû à des facteurs génétiques plutôt qu’environnementaux. Mais lorsqu’il s’agit de mon fils, je me sens très coupable du mal qu’il va subir, et je veux au moins le protéger et le préparer du mieux que je peux.  

Lorsque je commencerai à avoir des réponses je les partagerai sur ce blog.

Pour le moment… assez pensé et il est temps de passer à l’action. Au programme, faire un gros gâteau au chocolat à deux étages, génoise et Nutella, et envelopper les paquets J


***
English translation.
What to tell to a child?

Happy Birthday big boy!

Today my big boy is 10 years old! He has not really the heart to celebrate, and when we will celebrate its 10th anniversary this weekend with his friends, I hope he will be happy. But clearly there is less of enthusiasm than usual. As the party approaches, he is less and less eager to go and at some point wanted to cancel it altogether.

I feel very guilty because I cannot help but think that it is my fault: my illness and my story. When I was William’s age, at 9, my mother died also of a gynaecologic cancer. I have no recollection of my 10th birthday, but I can not imagine that the day was very happy. William knows I lost my mother at this age and I told him that the circumstances are different and that my cancer is not the same, that medicine has come a long way since my childhood, and that doctors believe they can treat me. He seemed reassured and much happier after my little speech.

But what can the child be told about cancer? My memories go 30 years back and most have been erased by time. I only remember that when my father announced the death of my mother, I knew what he was going to say before he even told me. I saw my mother at home for several months and she was confined in bed in her bedroom, during her last days, or maybe her last weeks. But there is a part of me that did not know that she was dying. I was not prepared and the announcement was the biggest shock of my life. It is as if the two thoughts, ignorance and knowledge, co-existed without confronting each other, inside me.

I regret she did not talked to me about this before. I wish I had been able to hear her last advices. She probably gave a lot to me, but certainly always indirectly. I was very proud of her and have always thought she was a perfect mother and she taught me how to live and how to die in dignity.

But I will not remain silent the way she did. It was another generation and people were not talking much or listening to children anyway. So I did not learn from her nor from anybody what I could say to my son. On the one hand, I know that children have different notions of time and death than adults. On the other hand I do not want to make him more anxious and sad by saying something too strong when in fact nothing is certain…

I am not dying, but I am only at the beginning of the treatment, so I am not yet in remission, and I know that the risk of relapse are very high. I am almost certain to live a few years and I'm sure I'll live fully and be happy because I feel more at peace with this new reality. But I also think I have more than 10 years before me when I step into the future, I think I probably between 5 and 10 years ... and indeed I am even beginning to be able to do more think about it.

But should we tell him that we must all take full advantage of this now because I might leave in a few years (or maybe not!)? For us adults, 5 years to live may seem relatively short, but for a child it is an enormous time, and it will be hard for him to imagine himself at 15 or 20 years old! And how can a child understand and manage mentally the maybe-yes-maybe-not statements?

On the other hand if I said nothing about the risks I have, I feel like I am lying to him, treating him like an idiot, and not giving him the opportunity to enjoy life to its maximum or doing his best during our time together. He could also be very anxious because he can hear conversations around us and understand something very serious is going on even though nobody discusses the issue of death in front of him. No knowing gives room for his imagination, and this could be even more frightening than knowing the truth.

So I know I really need to give him some explanations and it is out of the question to say nothing and pretend that life goes on normally. It's time to talk about death and learn not to fear it. But when and how?

To sort out all these questions turning in my mind, and to talk about my own feelings and my own memories without projecting too much to our new situation, I made an appointment with a specialised center supporting cancer patients and their families (de Vruchtenburg, Rotterdam). We'll see ...

For now, I think it's best to stay close to William, speaking from time to time about some simple feelings, but without rushing and without going into lengthy discussions he hates. I also asked a friend's advice and we made an appointment to discuss it soon, because like me she lived her mother's cancer as a child (teenager in his case), and I have always admired the way she can talk to her children about feelings with simple words.

It always helps to talk, even though none of us really has an answer. It will help me to express my fears and see what fears are justified and which one are unrealistic. And also I need to talk about my guilt and what I should do to get rid of it... I feel very guilty that William is going to suffer because of me. If there was only me in this story it would be much simpler. I have no guilt vis-à-vis myself. I can look into my eyes in the mirror. I have no regrets. I did my best. I played sports, I had a good diet, I had a balanced life, a little but not too much stress and I had difficult times in the past but I had overcome them... And frankly I worked hard but I also enjoyed life. I could not prevent a cancer that is probably due to genetic factors more than environmental factors. But when it comes to my son, I feel very guilty of the harm he will suffer, and I want to at least protect him and, if possible, prepare him the best I can.

When I begin to get answers I will share on this blog.

Enough for now ... It's time for action. The program today is: go and buy the ingredients and decorations to make a big chocolate cake with two floors, sponge cake and Nutella, and wrap the gifts… Time to enjoy life and celebrate that we are still breathing and laughing!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

gefeliciteerd met je zoontje. Il va bien s'amuser dimanche avec ses copains et il sera content avec son gros gateau au chocolat..... Et il aura sa maman et son papa à ses côtés.
Bisous, Flo