Est-ce que je ne suis pas victime parfois d’un effet nocebo ?
A force de penser que je meurs parce qu’on me l’a annoncé, est-ce que je ne baisse
pas les bras et est-ce que je pourrais aller mieux, encore mieux, et survivre
plus longtemps ?
Comme si on ne m’avait rien dit !?… Est-ce que ma vie
serait différente aujourd’hui si je pensais que je prends un traitement qui
stoppe la progression du cancer ? Que ferais-je de ma journée, et que je
ne vais pas faire ou ressentir aujourd’hui ?
Le nocebo, c’est l’inverse du placebo. L’effet placebo est l’effet
positif sur la santé physique et mentale qui est provoqué lorsque le patient
croit (à raison ou à tort) que le traitement qu’il prend a un effet positif. Il
est dû aux attentes et à un apprentissage par conditionnement. Plus on pense qu’un
traitement est positif pour nous, mieux on se sent physiquement et mentalement :
ce phénomène entraîne des effets d’apprentissage non conscient qui s’additionnent
et se renforcent.
L’effet nocebo, c’est la version négative du placebo,
observée lorsque le patient s’attend (à tort ou à raison) à faire l’expérience d’effets
négatifs du traitement ou de la maladie. Par exemple, dans une expérience, des
médecins informent des patients qu’un traitement risque de provoquer des
troubles de la sexualité. Un tiers des patients informés de ce risque se plaignent
alors de cet effet secondaire, tandis qu’un très faible pourcentage de patients
s’en plaint dans le groupe qui n’est pas mis en garde contre ce même effet. Un effet nocebo va provoquer par exemple des maux de tête, de la confusion, de l'anxiété, et d'autres symptômes annoncés, redoutés et attendus par les patients.
D’après certaines revues de question, ces effets influenceraient
peu l’évolution de la maladie, et n’influenceraient que la perception et le
vécu des symptômes qui seraient aggravés, en particulier la douleur. Cependant
les études systématiques sur le sujet sont peu nombreuses et les conclusions
des revues de questions sont donc sujettes à discussion.
Au contraire, certaines observations faites en dehors d’essais
cliniques contrôlés, rapportent des effets nocebo influençant directement la santé.
Non seulement la perception des symptômes serait grandement influencée, mais des
marqueurs biologiques liés à ces symptômes indiqueraient que l’état de santé du
patient se dégrade (http://www.bbc.com/future/story/20150210-can-you-think-yourself-to-death).
Des anecdotes rapportent même des cas de personnes mortes sous
l’effet d’avoir anticipé qu’elles allaient mourir. Le fait d’être persuadé d’avoir
un médicament nocif peut provoquer des symptômes met en danger la vie du
patient chez un patient persuadé d'avoir pris des médicaments actifs et qui en fait avait pris des gélules inoffensives (https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0163834307000114).
Ainsi, je me suis parfois demandé si le fait que je sois à l’hospice
et qu’on m’ait annoncé qu’il n’y avait plus de traitement possible pour moi, n’allait
pas m’amener moi aussi à baisser les bras plus vite, à croire à des symptômes
imaginaires, ou encore, à ressentir une fatigue et des douleurs issues en
partie de mon imagination.
Parfois, assise dans ma chambre et découragée, j’ai l’impression
que je ne peux plus me lever et je ne veux plus rien faire de la journée sauf
rester assise à regarder dans le vide. Arrive une amie et nous allons marcher
dans le quartier, je me découvre une force que je n’imaginais pas quelques
minutes plus tôt !
Et donc, certainement, j’ai parfois été la victime d’un effet
nocebo. Est-ce que j’accepte l’inéluctable et me laisse aller doucement en
faisant de moins en moins d’efforts ? Est-ce que je me rebelle encore un
peu, décide de faire un peu de yoga et de marche à pieds tous les jours pour
tenter jusqu’au bout de prolonger encore ma santé, mes forces, mes muscles, mes
os et toute la machine biologique qui marche encore à l’intérieur de mon ventre,
mon cœur, mes poumons, mes pauvres intestins… ?
Est-ce que je suis une battante ? Et faut-il encore être
une battante à ce stade ou faut-il accepter la fatalité ?
La vérité est en milieu, car j’ai accepté de regarder la
mort en face et je me sens sereine face à l’arrivée de l’échéance. Je n’ai pas
le choix, disent les médecins. J’ai accepté et je ne cherche pas de nouveaux
traitements. Je n’ai pas trop de douleur, je veux partir tranquillement
désormais et sans toute une batterie de traitements douloureux. Je ne veux plus
souffrir.
Mais pour le moment, je fais partie des personnes chanceuses
dont la santé s’est améliorée depuis mon arrivée à l’hospice. On me dit que
cela arrive relativement souvent. Un petit nombre d’entre nous survivent
quelques semaines ou quelques mois, de manière tout à fait imprévisible… Et presque
impossible à prédire. Est-ce que je serai encore là la semaine prochaine,
personne ne le sait.
Alors je me bats encore un peu, doucement, pour vivre plus
longtemps, si me battre signifie que je peux gagner quelques jours ou quelques
semaines de survie en plus, avec une bonne qualité de vie c’est-à-dire sans
douleur et entourée d’affection.
Se battre, à mon stade, c’est me forcer à monter les marches
de l’escalier tous les matins à 10 heures lorsque je vais rejoindre les bénévoles
à leur pause café. Très doucement.
Se battre, c’est aller marcher lorsqu’une amie vient me rendre
visite, bras dessus bras dessous.
C’est dire « oui » à une visite lorsque mon
premier instinct est de rester cachée au fond de mon lit.
Se battre, c’est mentalement aussi, ne pas céder au
désespoir et à la tristesse. Laisser passer la tristesse et diriger ses pensées
sur des points positifs : toute l’affection et l’aide dont je suis entourée,
les beaux moments de la vie que j’ai eu la chance de vivre... faire mentalement
la liste des choses que j’ai accomplies (malgré les échecs et les toutes les
choses que j’aurais voulu accomplir et dont la liste pourrait être infinie et complètement
déprimante !)… faire mentalement la liste des gens qui m’aident… me
comparer aux personnes qui ont moins de chance que moi et apprécier ce que j’ai
et que j’ai eu dans la vie plutôt que céder à l’égoïsme facile (ne plus penser
qu’à sa propre tristesse et à ses propres problèmes comme au centre du monde…).
Tout n’est pas dans la tête bien sûr. Le fait que je sois
encore en vie ? C’est la chance d’avoir bien réagit aux chimios, et
peut-être ai-je un cancer moins virulent que d’autres ?
Mais en partie, et même si c’est seulement en toute petite
partie, je pense que conserver un bon moral et faire quelques efforts
physiques, manger, bouger, interagir avec les gens qui nous entourent, etc.
tout cela contribue un peu à prolonger la vie.
Alors sus à l’effet nocebo 😊
Il faut tenter d’oublier un peu ( !!!!) que les médecins m’ont dit que je
n’ai plus beaucoup de temps à survivre. Ne pas rester sur mon fauteuil sans
bouger en attendant la dame à la grande faux… continuer à croire que je peux
encore bouger, vivre, sortir.
Mes douleurs et ma fatigue ne sont pas imaginaires, comment
les respecter et comment savoir si et quand je les exagère ?
C’est difficile. Il faut essayer et constater qu’on peut
encore faire, et il faut aussi vaincre des peurs légitimes. Il faut faire ou
refaire confiance en son corps qui pourtant n’arrête pas de me trahir.
Marcher dehors ?
J’ai peur de tomber ; j’ai peur d’attraper un rhum.
Aller au cinéma ou au
concert ? J’ai peur de tomber, de devoir quitter la salle, d’attraper une
grippe ou une autre infection à cause du public, j’ai peur d’avoir des crampes
dans le ventre en étant mal assise…
Il faut encore faire confiance à son corps malgré les peurs.
Se pousser et se forcer un peu. Mais en
douceur aussi, et en respectant ses limites.
Une bénévole me demandait si je me battais. La question m’a étonnée.
Non, je ne me bats plus lui ai-je répondu. J’ai dépassé le stade où je cherche
de nouveaux traitements et où j’espère entrer dans un essai clinique qui
allongerait ma vie…
Et pourtant, si je me bats encore un peu. Je ne me laisse
pas enterrer par des mots et des attentes. Je cherche encore à vivre un tout
petit peu plus longtemps, et à profiter des moments qui me restent.
Parfois je me dis que si ça se trouve, j’ai encore quelques
mois à vivre ! C’est sans doute le moment où l’effet nocebo est celui qui
est mort et que j’ai réussi à le terrasser pour quelques minutes !?
Bon courage à tous ceux et celles qui se battent aussi. 😊
La vie est belle 😊
***
Quelques références.
Un article de presse général en français :
L’article renvoit sur cet article plus développé, en anglais :
http://www.bbc.com/future/story/20150210-can-you-think-yourself-to-death
qui cite une revue de question publiée dans un journal scientifique : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0091743597902280
Trouvé en cherchant sur Pubmed les articles de revue de
question, une revue récente et disponible gratuitement en ligne (anglais):
***
4 commentaires:
bonjour
vous êtes à la juste place
vous n'êtes pas dans le déni de l'évolution et vous avez posé vos limites pour garder une qualité de vie acceptable
l'effet nocebo et placebo existe dans la thérapeutique ou la relation thérapeutique mais ne font pas tout
pleins de pensées
marion
Je pense que tu es ...juste ...une très grande dame qui réfléchit beaucoup
Tu continues de m aider dans ce combat
Biz pour ta belle journée
Daniele ou danoumonsieurbobo
Je veux juste te faire une grosse bise, juste me sentir près de toi par la pensée.
Merci Marion, Danou et Pâquerette.
Hier je suis allée avec mon frère et ma belle-soeur faire une petite promenade au bord du lac de Kralingen, un petit lac situé à l'est de Rotterdam. Il faisait assez doux pour la saison, et des milliers d'oiseaux d'étaient posés sur l'eau. On voyait les gratte-ciels de la ville au loin, ce qui donnait l'impression d'être dans un petit havre de paix loin de l'agitation de la ville. C'était très agréable.
On a fini la ballade par un verre de vin (les dames) et monsieur a pris un chocolat.
Tandis que mon corps très doucement me laisse tomber et que de plus en plus de symptômes m'incommodent (souvent les effets secondaires du traitement au déxamétazone), en fait, mentalement, et émotionnellement, les visites de la famille et des amies m'aident beaucoup à tenir. L' "effet nocébo" ne gagne pas du terrain sur mon mental!
Merci énormément pour vos messages d'encouragement et vos messages d'amitié ! Ils m'aident à continuer à écrire !
Je vous embrasse,
Catherine
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