Une de mes plus grandes angoisses actuelles est liée à la
nourriture. Cela tourne à l’obsession en ce moment.
Pour résumer ma situation clinique, mes intestins ont
souffert de blocages totaux en mai puis fin août. Un blocage, c'est d'abord une constipation totale, puis au bout de quelques jours seulement des crampes abdominales douloureuses durant plusieurs jours et s’aggravant (j’ai dû prendre de la morphine) suivi de vomissements très fréquents et de l’impossibilité de s’alimenter et de s’hydrater.
A chaque fois, j'ai dû être d’hospitalisée en urgence, passer des semaines à l'hôpital sans alimentation et avec des traitements douloureux. Résultat : une perte de poids
importante, arrêt de la chimiothérapie que mon corps n'était plus assez fort pour endurer et qui de toute évidence ne faisait pas son travail, et entrée en « fin de vie » en
hospice. Choc.
En ce moment, la nourriture « passe » à nouveau. Grâce aux
traitements (dexaméthazone, lavements), mes intestins font
passer la nourriture même si cela reste très passif et lent. Quand l’intestin
remarche, l’appétit est de retour ! Je reprends des forces. En fait je
peux et de devrais manger un peu plus et varier un peu mon régime. Mais
l’angoisse elle, n’a pas diminué.
Ainsi, j’ai une peur terrible de manger un aliment qui bloquerait mon système et entraînerait à nouveau toute cette chaîne de réaction. À quand le troisième blocage et sera-t-il fatal ? À long terme, dans quelques jours ou quelques semaines, le blocage reviendra, et que c’est sans doute comme cela que le cancer m’emportera. En attendant, j’essaie de manger correctement pour retarder au maximum ce moment. Profiter de mon fils dont les visites sont si douces, de ma famille, de mes amies… de l’amour. Profiter encore quelques semaines… Je ne suis pas du tout pressée de partir.
Ainsi, j’ai une peur terrible de manger un aliment qui bloquerait mon système et entraînerait à nouveau toute cette chaîne de réaction. À quand le troisième blocage et sera-t-il fatal ? À long terme, dans quelques jours ou quelques semaines, le blocage reviendra, et que c’est sans doute comme cela que le cancer m’emportera. En attendant, j’essaie de manger correctement pour retarder au maximum ce moment. Profiter de mon fils dont les visites sont si douces, de ma famille, de mes amies… de l’amour. Profiter encore quelques semaines… Je ne suis pas du tout pressée de partir.
Je mange pour le moment un ensemble d’aliments très
restreints. Il s’agit d’un régime appelé sans fibres ou sans résidu. Sa
définition est assez floue mais consiste à éliminer tous les aliments fibreux,
donc essentiellement les fruits, légumes et grains complets, éviter aussi les
trucs trop gras comme les charcuteries. Restent les sucres, les farines
blanches, les protéines maigres.
C’est le monde à l’envers, il faut oublier toutes les
recommandations diététiques habituelles, manger et boire des calories vides, comme des biscuits Tuc salés ou des jus de fruits clairs. Par conséquent, je mange surtout des soupes contenant des
protéines ou des légumes très peu fibreux (tomates ou courgettes, rien d'autre), des compotes de pomme, des yaourts et crèmes au soja, des crackers à la farine blanche, du spread à étaler sur les crackers (thon ou œufs dur écrasés dans une sauce mayonnaise, fromage fondu de type Gouda, ce sont des trucs bien néerlandais), et quelques biscuits également à la farine
blanche genre Petit Beurre. Ah ! et j’ai eu de la glace au chocolat qui est bien passée. Par
contre, une soupe de poulet et glace à la pistache m’ont fait vomir mes
tripes et m’ont affaiblie pendant deux jours. J’ai cru que ma dernière heure
arrivait ! Forcément. On m’a dit ensuite que les vomissements pouvaient aussi résulter plutôt de mon épuisement
physique car j’avais fait deux sorties d’affilée en deux jours. Allez savoir...
Dois-je me dire, merde alors, je n’ai plus beaucoup de temps
à vivre alors mange ! Mais la peur de vomir est bien trop forte. Tandis que j’ai vraiment,
vraiment, vraiment très envie de manger quelque chose de goûteux, je suis bloquée : manger, mais quoi ??? Je suis absolument tiraillée entre mes angoisses et mon désir
d’introduire de saveurs, du goût, du plaisir bordel !
Bon, solutions !? En voici quelques unes.
Jeudi, je dois rencontrer une diététicienne et je prie pour qu’elle soit vraiment bien spécialisée sur les problèmes de cancer et de iléus. Je lui ai fait une liste de tous les aliments que je consomme sans problème en ce moment, et j’ai décidé d’y ajouter une liste de questions précises, avec des exemples d’aliments que j’aimerais manger (rien de bien extravagant…) : puis-je avoir de la compote d’abricots ou de pêche pour changer de la comporte de pommes insipide du supermarché ? D’autres légumes en purée, en soupe ? Puis-je manger un croissant, un bout de gâteau, lequel ? Du pâté sur mes crackers ? Des fromages frais ? Au bas de la liste, je viens d’ajouter « chocolat noir ». J’aimerais avoir une liste claire, « do and don’ts » de ce que je peux manger ou non.
Jeudi, je dois rencontrer une diététicienne et je prie pour qu’elle soit vraiment bien spécialisée sur les problèmes de cancer et de iléus. Je lui ai fait une liste de tous les aliments que je consomme sans problème en ce moment, et j’ai décidé d’y ajouter une liste de questions précises, avec des exemples d’aliments que j’aimerais manger (rien de bien extravagant…) : puis-je avoir de la compote d’abricots ou de pêche pour changer de la comporte de pommes insipide du supermarché ? D’autres légumes en purée, en soupe ? Puis-je manger un croissant, un bout de gâteau, lequel ? Du pâté sur mes crackers ? Des fromages frais ? Au bas de la liste, je viens d’ajouter « chocolat noir ». J’aimerais avoir une liste claire, « do and don’ts » de ce que je peux manger ou non.
Or il semble que même si certaines aliments sont clairement
interdits, beaucoup sont plus ou moins tolérables selon la gravité de l’iléus
ou selon la bio-chimie des intestins de chacun de nous. Par conséquent,
beaucoup de réponses sont assez individuelles. Les conseils de mes médecins,
des infirmières et de la diététicienne rencontrée à l’hôpital sont consistants :
Il faut essayer d’introduire un nouvel aliment par jour en petite quantité et
« voir ce que ça fait ». Si je le vomis, il ne faudra pas le refaire.
Ils m’assurent que c’est le seul moyen de savoir.
Ben oui c’est simple mes braves messieurs dames. Cela ne me
rassure pas du tout. Mon angoisse ne marche pas comme ça. J’ai peur que le coup
du vomissement ne marche pas et que des blocs de nourritures se coincent dans
mon intestin, fassent un gros bouchon fatal. Et pouf, en trois jours je
mourrai. C’est comme cela que mon imagination marche et que je ressens mon
corps et ses limites, quoi que disent les professionnels.
La solution de la psy. Hier après-midi, ma psychologue
spécialiste du cancer m’a donné des conseils concrets
très utiles.
Tout d’abord, essayer de toutes petites quantités de nourriture.
Le faire sur le modèle de ce qui j’ai appris lors de ma formation en
mindfulness (pleine conscience): déguster extrêmement doucement. Sentir l’aliment, le
regarder, le mettre dans la bouche sans le mâcher, puis le mâcher doucement, se
retenir d’avaler et garder l’aliment en bouche longtemps pour en apprécier
toutes les saveurs… avant d’avaler finalement. Cela paraît frustrant mais
permet d’introduire de toutes petites quantités d’aliments qui seraient risqués
si je les avalais en quantité normale.
Mais où trouver ces aliments ? Si j’ai envie d’un morceau
de Roquefort, je ne peux pas aller m’acheter un Roquerfort entier et une baguette.
Je vais me goinfrer et tomber malade. Je veux juste un petit morceau de pain
avec quelques grammes de Roquefort dessus.
De même, si j’ai envie d’un morceau de poulet cuisiné dans
un curry indien, je ne vais pas demander à un bénévole ici de me cuisiner un curry
indien entier. Ce genre d’aliment aussi fait partie de la liste interdite, beaucoup
trop agressif pour les intestins dans mon état. Cependant, je pourrais tout de
même en avoir une ou deux bouchées sans que cela ne provoque une forte réaction.
Simplement, il faut en déguster un tout petit morceau, pas une assiette.
Elle me propose donc l’idée de solliciter mes amies. Quand
elles me rendent visite, je peux leur dire de m’amener un petit morceau de quelque
chose, un morceau de fromage, un petit morceau de
viande cuisiné, du pâté, un bout de gâteau, une crêpe… « Qu’elles vous surprennent » me
dit-elle.
J’ai envoyé un petit message à mes proches amies, celles qui
viennent me voir une ou deux fois par semaines, et elles ont été très heureuses
de l’idée. Elles m’ont si souvent demandé comment elles pouvaient m’aider et je
n’en avais aucune idée… Cette idée me paraît simple, elles n’ont pas besoin d’acheter
quelque chose mais juste de partager ce qu’elles sont déjà cuisiné ou déjà
entamé.
J’attends avec impatience mon premier petit morceau de
fromage, est-ce que ce sera du bleu d’Auverge, du Conté, du Roquefort, du Camembert ?
Tout me fera plaisir. Et la première Madeleine que mon frère me rapportera de France,
miaaaaaam….
Vous qui pouvez manger de tout, pro-ti-tez de chaque bouchée !!! 😊
Vous qui pouvez manger de tout, pro-ti-tez de chaque bouchée !!! 😊
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