mercredi 11 juillet 2018

Sur la route des soins palliatifs



Depuis fin mai, je suis hospitalisée car j’ai développé une occlusion intestinale totale, un ‘iléus’ en langage médical. Le cancer a envahi mes intestins et bloque leur fonctionnement. L’hospitalisation a été vraiment difficile, en particulier à cause d’un tube gastrique reliant mon nez et mon estomac, qui a été maintenu environ trois ou quatre semaines. Il m’empêchait d’avaler ma salive normalement, de dormir, de parler normalement...

Là-dessus redémarrage d’une chimiothérapie, carboplatine et Caelyx. Malheureusement, au bout de deux chimiothérapies espacées d’un mois, aucun résultat n’a été observé, mes intestins continuant à ne pas bouger et à ne pas faire leur travail. Me voici donc désormais au bout du chemin… Je suis très triste de vous l’annoncer.

Les premières semaines ont été vraiment difficiles. Je pensais, puisque j’avais bien réagi aux deux premières chimiothérapies en 2011 puis en 2015, que je faisais partie des personnes qui pourraient bénéficier de plusieurs longues rémissions… or le cancer comme d’habitude est imprévisible, et une troisième rémission n’est pas au rendez-vous. Et je ne savais pas comment on meurt du cancer de l’ovaire, je ne connaissais pas cet iléus, il m’était donc difficile de comprendre ce qui m’arrivait, pourquoi, comment.

Peu de temps après la seconde chimiothérapie, j’ai demandé l’arrêt de tous mes traitements, tant la douleur du tube gastrique et les nausées devenaient insupportables. Après discussion avec mon oncologue, et la découverte qu’il n’y aurait pas d’autre traitement possible, mon oncologue m’a donc laissée partir de l’hôpital pour rejoindre un service de soins et rééducation, une situation temporaire en attendant une place dans une structure plus spécialisée en soins palliatifs. À partir de maintenant, on traite seulement mes symptômes et on tente de faire en sorte que je souffre le moins possible. Je n’aime pas ce service qui me semble trop grand et impersonnel et j’attends avec impatience de pouvoir entrer dans la petite structure que j’avais visitée et choisie il y a trois ans lorsque je me préparais pour le pire. Je suis heureuse de l’avoir fait lorsque j’allais bien !

Pour le moment, je souffre peu, quelques crampes dans le ventre, pas (pas encore) de nausées, mais je ne peux pas manger quoi que ce soit de solide. Mon régime se compose de bouillons, jus de fruits, et yaourths à boire (pas trop car ce n’est pas quelque chose que l’estomac malmené apprécie). Ne plus manger est difficile, je rêve de bonnes choses à grignoter… mais il y a pire. Le pire est de se dire que c’est vraiment fini, basta, alors que le cerveau continue de marcher relativement bien. Cela paraît irréel au début… La solitude est immense et la tristesse se déverse dans mon cœur comme les chutes du Niagara…

Avec le temps, j’ai commencé à endurer cette nouvelle épreuve avec un peu plus de courage. Au départ, je souhaitais mourir vite, sans souffrir, ni physiquement, ni émotionnellement (embarras de voir tout le monde aux petits soins et impression de ne plus servir à rien, à-quoi-bonisme sévère). Je voulais juste partir, puisque c’est fini, rideau, qu’on en finisse, que l’agonie soit brève merci.

Avec les visites et tout l’amour dont j’ai été entourée, depuis quelques jours, je suis plus à même de continuer à profiter de chaque moment présent. Chaque heure passée avec mon fils est un grand cadeau, même si nous jouons seulement au rumikub. Nous avons encore des conversations intéressantes, sur son avenir, ses amis, ses envies, ses petits soucis de cœur. Je reste la maman, même s’il me voit ici toute affaiblie. Il vient me voir tous les jours. Ma famille et mes amies m’apprécient toujours autant. Puisque je ne peux rien faire, il faut simplement être. Les aimer, écouter attentivement, être une présence douce et aimante, même si je suis fatiguée… chaque jour est encore un cadeau. Pas la peine de se presser de mourir…

J’ai peur de souffrir… mais à chaque jour suffit sa peine. Rien ne sert de trop y penser puisque je ne peux pas y faire grand-chose à l'avance. Je profite de tout l’amour dont je suis entourée, et je trouve que la vie est belle. C’est une grande tristesse de la quitter trop tôt, mais je regarde ce que j’ai accompli et qui je suis devenue, et j’ai le bonheur de me dire que j’ai fait de mon mieux. Pas de regrets. J'imagine et je remercie intérieurement tous les gens qui ont aidé et contribué à mon bien être, les personnes qui ont cueilli le thé que je vois, ceux qui ont construit l'hôpital, qui ont transporté tout ce qu'il contient, les soignants bien sûr, les personnes qui ont construit les routes qui nous permettent de véhiculer la nourriture qui nous permet de vivre, etc.etc.etc... La liste des remerciements intérieurs est infinie.

Encore quelques jours ou quelques semaines encore à profiter de l’amour qui va m’entourer… Non vraiment, pour le moment, pas la peine d'être pressé de mourir. Vivons jusqu'à la fin ! 

Je vous embrasse tous, mes chers lecteurs et lectrices ! Merci des gentils mots et commentaires qui ont accompagné mon écriture et m'ont encouragée à continuer le blog. Je vous souhaite beaucoup d’amour et de paix intérieure malgré la maladie.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Chère Madame,

Je voulais vous remercier, tout simplement.

L'amour est et restera toujours le plus fort.

Marie-Ange

Unknown a dit…

merci Catherine,tu as été le plus beau exemple de toutes ces femmes qui se battent contre cette maladie ,tes mots si gentils, ton soutien ,ton réconfort, tu nous a appris comment faire face et pouvoir affronter ce cancer, oui on y croit,on veut y croire et souhaitons que la médecine progresse encore et encore pour pouvoir sauvé des vies ,tant de gachis sur la terre,que faire vers une decision qui est la tienne,respect et de te donner encore et encore l'espoir ,tu est extraordinaire,si courageuse, et a la fois dicrète, je ne pourrais que me reposer sur toi pour continuer à avancer sans crainte , ce n'est pas un adieu mais juste un au revoir ,toutes mes pensées vont vers toi et je ne t'oublierais pas,encore une fois MERCI

anonyme a dit…

Bonjour Catherine
Nos parcours sont similaires
(cancer ovaires ( fin de vie ) et différents (découverte fin 20!4).

J'ai conu 5 opérations - dont une chip- essayé regime cetogene et huiles essentielles (certainement bien au debut). J'ai récidivé au bout d'un an, puis 6 mois puis illico ou presque.


Mon moral a tenu étonnant.

Mon fils a 8 ans. C'est ma seule vraie plaie, ma tristesse. Même si je sais qu'il tracera à sa route. Mais que dire de plus, si ce n'est un roman et des larmes en pagaille.

Ma famille bien sûr. Mon conjoint. mes amis.
Après le colon (qu'il semble
laisser en paix ???), le cancer touche le poumon sous forme lymphangite, c'est à dire qu'il se diffuse par les voies lymphatiques partout ds le poumon et m'asphyxie.
Hospitalisée puis recherche aussi de surinfection puis hospitalisation à domicile puis hospitalisation en uegence puis hospitalisée soins paliatifs en attendant la maison de repos que je ne connais pas mais à l'air bien.

Voilà où j'en suis.Je ne souffre plus, me sens calme et pense (parfois) à vous. :-)
Je vous souhaite courage et paix.
je vous embrasse.


Frédérique

Patricia P. a dit…

Bonjour et merci,
Vous avez écrit " la vie est belle" et c'est ce que j'ai envie de garder. Vous êtes une belle personne et j'ai beaucoup appris en vous lisant. Je souhaite que vos prochains jours se passent comme vous le souhaitez. Adieu.

Anonyme a dit…

Merci pour ce témoignage Catherine, cette nouvelle leçon de courage, d'amour et de patience.
Nous t'aimons et t'aimerons toujours.
Ton petit frère Nicolas

Anonyme a dit…

Ma chère Catherine,
J'ai eu connaissance de ton blog, de ton ouvrage merveilleux et de notre groupe il y a 4 ans, et tes mots ont éclairé ce sombre tunnel dans lequel nous a tous plongés l'annonce du cancer de ma Maman.
Aujourd'hui ma Maman est en rémission et profite de la vie comme jamais grâce notamment à la force de combattre que j'ai pu, avec ma famille, lui apporter.
Cette force, je l'ai puisée dans les mots et les histoires de toutes les filles, mais en particulier dans tes témoignages, Catherine, car ils ont résonné en moi comme un appel à la vie, à l'espoir et à la joie d'apprécier les choses les plus simples comme des dons précieux que nous fait l'existence.
Chacun de tes mots sont empreints d'altruisme, de simplicité et de tolérance. Tu as tellement oeuvré pour construire et souder ce groupe qui nous lie et nous soutient parfois mieux que notre propre entourage.
Un immense MERCI Catherine, ce mot est si faible au regard de ce que l'on te doit. Ta décision t'appartient et nous la respectons. Nous pensons très fort à toi, à ta famille.
Je t'embrasse bien affectueusement,
Marie Noceli

Anonyme a dit…

Votre message me rempli de tristesse Catherine.

Kiki a dit…

Très attristée de lire ces nouvelles, j'espérais encore et encore une rémission, une guérison, de nouveaux traitements ....
Je pense à vous et vous embrasse.
Une inconnue de passage.

Anonyme a dit…

Merci à vous , à votre don de soi sur ce blog et votre livre
.beaucoup de pensées et je vous embrasse
marion

Catherine T. a dit…

Merci beaucoup pour vos commentaires, qui me touchent beaucoup, et me motivent à continuer à écrire. Grosses bises à vous, mes amies souvent anonymes ou simplement discrètes mais toujours si chaleureuses.
Catherine