jeudi 10 décembre 2015

Quelques nouvelles: Avastin va reprendre; le médecin du travail est cool ; et je m'amuse comme je peux


Je vais de mieux en mieux, et le moral remonte, un moral qui était assez bas depuis l’annonce de la récurrence puis les chimios qui ont suivi. Je sens que je vais mieux à nouveau, et que l’anxiété, les moments de gros blues, et l’immense colère intérieure, sont partis en arrière plan. Pas disparus. Mais je leur ai un peu botté le cul pour qu’ils aillent s’asseoir au fond de la classe.
Les moments où je profite simplement du présent sont de nouveau revenus, tout doucement, au fil des jours et des semaines, et désormais ils sont bien plus nombreux que les moments tristes. Je ris et je chante à nouveau dans la maison, le sapin est monté, les bougies brillent le soir… Quel bonheur !
On n’a qu’un mot pour le bonheur, mais on devrait en avoir au moins deux, un pour le bonheur-tranquillité et un pour le bonheur-excitation. En ce moment, je savoure des semaines très tranquilles, simples, lentes, apaisantes. La vie est plein de paradoxes - je suis très (tranquillement) heureuse. Apaisée. 

Bref, me revoici au clavier, et voici quelques nouvelles : mes prochains traitements ; la question de la reprise du travail ; et comment je passe mes journées (utilement et agréablement de préférence). 

Sur le plan des traitements. Enfin, la cicatrice de l’ancien PAC s’est refermée. Je reprendrai dans trois semaines le traitement Avastin (Bévacizumab), un anti-angiogénique (inhibiteur du VEGF). Ce médicament sera administré par infusions, toutes les trois semaines. C’est désormais un traitement à vie pour moi, m’a dit l’oncologue. L’Avastin ne devrait pas entraîner trop d’effets secondaires – peut-être de la fatigue supplémentaire, peut-être des maux de tête (plusieurs copines du forum en ont parlé). Le principal risque sont les accidents et blessures, car l’Avastin retarde la formation des vaisseaux sanguins. Il faut donc éviter les chutes de vélo (pour le moment, j’évite d’en faire !) et éviter d’avoir à se faire opérer (mais c’est un peu plus difficile à éviter).  
Pour le moment, rien d’autre. Je dois juste aller une fois par semaine à l’hôpital pour faire nettoyer le cathéter, le PICC (peripherally inserted central catheter) installé sur mon bras. Le PICC ne me pose pas de problèmes, c’est juste ennuyeux de prendre sa douche avec un bandage plastique sur le bras ; je ne peux plus prendre un bain entier ou aller à la piscine, mais il y a eu pire, n’est-ce pas.

Avant-hier, le médecin du travail m’a autorisée à continuer de rester chez moi pour me reposer et récupérer à mon rythme. J'étais incroyablement stressée avant notre entretien. Mais il s'est montré très empathique, m’a dit que lorsque je me sentirai prête, je pourrai y retourner quelques heures, et on arrangera un mi-temps en fonction de ce que je peux faire.En attendant, je dois continuer à me reposer et à me remettre en forme, physiquement et mentalement. 
Il m'a dit qu'étant donné la récurrence, mon statut avait changé et personne ne pouvait me forcer à reprendre le travail. Je peux, soit tenter de reprendre à mi-temps, soit terminer mon congé maladie et demander une pension invalidité. 
C’est un énorme poids qui est tombé de mes épaules, car j’avais très peur de me sentir poussée à reprendre le travail alors que je ne m'y sentais pas prête du tout. Je n'aurais pas la force en ce moment d'y retourner, me mettre à jour, reprendre le rythme, me forcer à sourire et à dire que tout va très bien, me concentrer sur des chiffres... tout en pensant à ce fichu cancer qui continue sa progression en silence. Le médecin m'a vraiment bien conseillée. Je ne sais pas encore si je reprendrai le travail ou non, cela dépendra de ma fatigue et de la progression de la maladie bien sûr. Ma maladie est devenue chronique, certes, mais n'est pas au stade terminal. Mais bon, un jour à la fois: pour le moment, rien n'est certain, mais le soulagement est immense de savoir qu'un bon système social est déjà en place pour me soutenir financièrement dans cette transition si difficile.  

Je suis donc à la maison, et je me remets en forme doucement. J’en profite pour souffler, me relaxer, lire, prendre le temps. Du temps, il en faut, pour absorber le choc encore difficile à digérer de l'annonce de la récurrence, et pour récupérer physiquement de l'épreuve des dernières chimios.
Je profite un maximum de cette nouvelle vie. J’ai terminé d’écrire mon autobiographie illustrée (le concept de life book en anglais). J’y ai copié et commenté de nombreuses photos de famille.
Et je me suis investie dans un nouveau projet qui me fait passer de belles heures très intéressantes et pleines de créativité : j’ai commencé à écrire un « roman scientifique » (si, si, ça existe). Je ne sais pas ce que cela donnera mais cela m’amuse beaucoup. Mes personnages vont parler de neurosciences et de psychologie ; donc un livre de vulgarisation scientifique (en l'occurrence, la psychologie) à travers une fiction.
Je dois faire beaucoup de recherches, à commencer par la relecture minutieuse d’ouvrages qui prenaient justement la poussière sur mes étagères. Et pendant quelques minutes ou quelques heures parfois, j’oublie où je suis, qui je suis, je me perds dans mes créations, je réfléchis aux personnages, aux endroits où les scènes se déroulent (au soleil de préférence !). Je m’amuse !

Il n’y a pas beaucoup d’avantages à avoir le cancer, alors lorsqu'il y en a, profitons-en. 

lundi 9 novembre 2015

Préparer sa fin de vie

Pendant la chimio, j’ai eu tout le temps de penser à la mort. Je me sentais déprimée. J’ai commencé à me renseigner sur la fin de vie. Qu’est-ce qui m’attend ? 

J’ai trouvé des brochures à l’association d’aide aux patients du Vruchtenburg (l'équivalent de la Ligue contre le Cancer en France), brochures qui contenaient toutes les infos pratiques et des questions auxquelles je n'aurais jamais pensé. Et beaucoup d'adresses très précieuses. 

Première étape, lire les brochures, faire une liste des questions. Difficile. Tellement concret. Brrr...

Deuxième étape, en parler à quelqu’un qui a l’expérience : une bénévole de l’association Olijf m'a appelée pendant une semaine de chimio et je lui alors parlé de mes angoisses. Elle m’a invitée chez elle. Son café cappuccino était excellent. Elle m’a écoutée respectueusement, et m’a parlé des femmes en fin de vie dans notre association. Une série de films sur plusieurs femmes a été faite récemment par une cinéaste, et on peut voir ces films sur internet (en néerlandais et pas traduits malheureusement). Ces documentaires sont de longues interviews de ces femmes qui ont accepté de parler de leur cancer gynécologique en phase terminale. Leurs choix, leur perspectives, leurs priorités…
L’une d’elle aime faire la fête, et elle a préparé ses funérailles dans tous les détails, pour en faire une grande fête. Elle a fait un livre de l’amitié, de type scrapebook, où tous ses amis ont contribué par des lettres et des photos pour que ses enfants et son époux gardent des souvenirs d’elle plus tard, vue à travers les yeux de ses amis, et grâce aux anecdotes qui illustrent qui elle était et pourquoi on l'aimait. Une autre ne fait rien de tout cela, mais profite de ses derniers mois et fait un voyage en Italie au soleil avec son amie.
Moi, j’écris mon autobiographie et j'y ajoute beaucoup de photos à mesure que je progresse : c’est un life book. Je faisais un life book sans le savoir, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. 

Étape suivante, discussion avec ma médecin généraliste. Très utile ! Elle m’a expliqué qu’ici aux Pays-Bas, la plupart des personnes en fin de vie choisissent de passer leurs derniers jours dans leur maison. Mais comment on fait quand on est seule et on habite à l’étage sans ascenseur et la famille est loin ? On peut vous aménager un lit spécial ; on peut aussi aménager temporairement un fauteuil électrique pour monter et descendre les escaliers. Des infirmiers et des aides-soignants se relaient plusieurs heures par jour pour assurer les soins médicaux nécessaire et on a une pompe de morphine: On peut doser sa morphine soi-même. Le médecin généraliste passe à la maison, et aide à combattre la douleur, avec la morphine ou d’autres médicaments. Des associations de bénévoles peuvent être contactées si nécessaire, formés pour venir aider, faire les courses par exemple, aider à la toilette si nécessaire, et tenir compagnie quelques heures.  
Et si je souffre trop ? Quid de l’euthanasie ? Elle me dit que ce n’est pas illégal, ici aux Pays-Bas, mais que cela est rarement demandé par les patients. Parce que tant que la douleur est maîtrisée, les patients de la demandent pas. Dans la plupart des cas, la douleur est maîtrisée, et on laisse le patient mourir naturellement, en induisant un sommeil si nécessaire, mais sans induire la mort. Elle me parle des options médicales ; il n'y a pas que la morphine.
Mais qui s'occupera de moi alors? Elle, bien sûr. On en reparlera en détails lorsque mon état sera plus sérieux, dit-elle.    
Ouf ! Je suis soulagée. Ma grande angoisse était la douleur, les hallucinations et les cauchemars provoqués par la morphine. Mais si je souffre, mon médecin de famille n’est pas opposée à l’euthanasie, connaîtra mes plus grandes craintes, et respectera mes souhaits. Elle n'a pas l'air affolée du tout, me dit qu'en général la douleur est maintenue sous contrôle, que c'est leur priorité absolue en fin de vie. Tout cela me rassure.   

Etape inattendue, une amie qui vient de perdre sa mère se met à me parler de ses funérailles et de son organisation. Si ça ne l'embête pas, je voudrais lui poser des questions. Ça ne l'embête pas du tout, me dit-elle, au contraire. Ça lui fait du bien d’en parler, et moi aussi. C’est rare de trouver quelqu'un pour parler de ces questions concrètes sur ses propres funérailles.
Je lui pose des questions : vaut-il mieux laisser des détails sur ce qu’on souhaite ? N’est-ce pas égoïste ? Elle m’explique ses difficultés à prendre des décisions pour la funérailles de sa propre mère qui n’avait pas communiqué ses souhaits. Il vaut vraiment mieux écrire tout ce qu’on veut pour soulager la famille, dit-elle.

Étape suivante, visite de l’hospice. Lorsque j’ai dit aux soignantes que je voulais visiter l’hospice, elles étaient choquées : « Comment mais vous n’êtes pas du tout en fin de vie, vous avez encore des années devant vous ! » (Héhé, ça me fait vachement plaisir ce que vous me dites là. Mais tout de même.) J’étais angoissée. « Que se passera-t-il quand je serai en fin de vie ? Ma famille est loin. Mes amies ont la trentaine ou la quarantaine, elles travaillent toutes, ont des enfants à la maison, elles ne vont pas pouvoir se relayer toute la journée ou la nuit pour venir me voir. Alors, zut (non je leur ai pas dit zut, je l’ai juste pensé), oui je veux visiter l’hospice. Ce sera mieux pour mes proches, ça leur fera moins de travail. Je veux voir à quoi ça ressemble »
Rendez-vous pris, et mon amie Ans m’accompagne. On visite une jolie maison du centre ville, avec un jardin absolument mignon, des salles confortables, simples et chaleureuses, et plusieurs bénévoles sympathiques à l’étage. Très peu de chambres, une atmosphère familiale. La visite est très chaleureuse et respectueuse.
En sortant, Ans et moi discutons des différences entre l’hospice et la maison. En fait,… je commence à changer d’avis. L’hospice, c’est peut-être bien tranquille, mais bien ennuyeux. Peut-être quand je serai à moitié dans le coma, mais tant que je peux bouger, non merci. Je préfère mon appart, mes petites affaires, mes livres, mon Netflix et mes musiques… 
Mais ce qui me fait surtout changer d’attitude, ce sont les visites ! Ma famille, mes copines,… mon fils ! Je n’imagine pas mon fils, ni mes copines, ni ma famille, prendre plaisir à venir me voir à l’hospice. Ils n'y resteraient pas longtemps. Par contre à la maison, oui, on peut loger les visiteurs, on peut avoir Evelyne qui fait un gâteau pendant que Florence passe prendre des nouvelles cinq minutes en sortant du travail et William qui arrive à l’improviste car il vient chercher un livre qu’il a oublié… C’est décidé, la maison, ce sera quand même drôlement mieux que l’hospice.
Et le jardin alors, à l'hospice, les chambres étaient au rez-de-chaussée et l'une d'elle avait une baie vitrée ouvrait sur le jardin... Ans me dit que si je veux un jardin, elles iront m’acheter plein de fleurs et qu’on en mettra partout, tout autour de mon lit et par terre; ça me fera un jardin intérieur. Elle fait de grands gestes en me disant "partout!". Et un peu de sable pour faire la plage. On éclate de rire.

En discutant, je réalise que ma chambre à l'étage et un peu isolée du reste de la maison serait bien mieux en bas, à coté des toilettes et du living. Alors depuis une semaine, je fais les cartons, un copain est venu démonter les meubles des chambres et les remonter : Ma chambre déménage. Je m'installe en bas et William prendra ma grande chambre du haut - il y sera au contraire plus tranquille pour y inviter ses copains. Et pourquoi ne pas en profiter pour repeindre et redécorer ?

Ça prend du temps. Je fais tout au ralenti. Le déménagement prendra sans doute deux semaines au lieu de deux jours. Mais j’ai le temps…

Je suis soulagée et je me sens moins angoissée par cette période inconnue et mystérieuse, ce grand départ qui arrivera un jour. Je visualise mieux ce qui m’attend et cela me fait moins peur.

Et tant mieux si c’était trop tôt.


Allez, pour sourire :
https://www.youtube.com/watch?v=Vv_b8s1PG8E

dimanche 8 novembre 2015

En rémission partielle


Une rémission totale du cancer est déclarée lorsque le cancer semble avoir disparu : il n'est plus visible sur les images ni dans les résultats des analyses sanguines. 
On ne parle de guérison que lorsque le cancer n’est pas réapparu pendant plusieurs années (cinq ans, dans la plupart des cancers). 
J’ai terminé mes chimiothérapies au taxol et carboplatine, les six cycles, et le CT-scan montre des résultats positifs dans l’ensemble. Je suis en rémission partielle. Traduisez : Ça reviendra, mais pour le moment, on contrôle la bête.
Le cancer ne s’est pas étendu, et mon corps a bien réagi : certaines masses dans  mon abdomen montrent des "calcifications", m’a dit mon oncologue. Tout n’est pas parti. Il reste un petit mais méchant nodule quelque part dans mon ventre. Il n’y a pas de métastases aux organes vitaux. 
Mon oncologue en est très content, et mon médecin de famille aussi. Tout est relatif, n’est-ce pas. 
Rémission partielle. Ils sont satisfaits de la rémission ; je fais la gueule à l’adjectif partiel.

J’ai été plus malheureuse que satisfaite en entendant les résultats. J’espérais que tous les nodules auraient disparu. Je connais l’évolution fatale de cette maladie, mais j’espérais encore avoir une chance, même si c'est une chance sur un million, de voir le cancer disparaître complètement. Désormais, j'espère survivre assez longtemps pour que de nouveaux traitements soient trouvés qui continueront de prolonger ma vie. Mais je vais vivre tout le restant de mes jours avec, c'est vraiment certain maintenant. C'est vraiment maintenant que je réalise.  
Non je ne suis pas très enchantée par cette nouvelle, je suis même très triste, docteur. 

Mais je fais la brave. Si je n'ai plus beaucoup de temps à passer sur la planète, je peux le passer sous ma couette à pleurer ou je peux profiter de tout pour que mes dernières années soient une grande fête, n’est-ce pas ?
Je vis lentement, au rythme que mon corps tolère, doucement, et la vie est douce amère. Je laisse passer la tristesse, je la note, je lui dit « Oui, je sais que tu es là ». Et puis, je respire doucement, et je pense à la vie… et je vais vers la vie. Je reprends les activités qui j’aime et qui comptent pour moi. Je reprends contact avec les amies, nous sortons prendre un thé, et je peux les écouter sans que 'mon' cancer soit le principal sujet de conversation. Je ne veux plus trop en parler d'ailleurs. Je me remets à lire et à écrire. Je m'occupe de mon chez moi. Je pense même à redécorer ma chambre et celle de mon fils.
Je ne vais pas vivre comme si j'allais mourir demain, ce serait trop triste, et ce serait inexact. J'ai encore quelques beaux mois, et sans doute encore quelques belles années, puisque mon corps réagit encore bien à la chimio. Je fais partie de celles qui ont de la chance, parmi les combattantes du cancer de l'ovaire. 
Il y aura d'autres chimios. Et d'autres traitements lourds. Mais plus tard. 
Je continue d'attendre que la plaie provoquée par le Port-a-cath infecté soit complètement cicatrisée pour que le protocole Avastin puisse reprendre. Je recevrai alors l'Avastin perpétuellement, "jusqu'à ce que les tumeurs regrossissent" m'a dit l'oncologue. 
Les grosses chimios reviendront lorsque le cancer regrossira. Il faudra les considérer comme de longues parenthèses, et entre les chimios, la vraie vie. 
La vie est belle, elle est dure, mais elle vaut la peine de s'y accrocher encore. 

lundi 5 octobre 2015

Le grand mal de mer


Terminé mon dernier traitement Carboplatine et Taxol. Ouf! Pas hourra, mais ouf ! 
Ce traitement a été plus difficile que celui de 2011. J’avais moins le moral ; je pensais beaucoup à la mort. Les nausées qui n’étaient pas trop méchantes au début sont devenues insupportables, entraînant beaucoup de vomissements durant le dernier cycle, accompagnées d’un dégoût alimentaire pour tout ce qui n’était pas très salé ou amer. L’eau plate me paraîssait excessivement sucrée et gluante. Je ne pouvais plus avaler un morceau de pain le matin, l’idée même m’écœurait. Seul le thé au gingembre frais ou au citron frais, et l’eau pétillante, ne me dégoûtaient pas et semblaient temporairement débarrasser ma gorge de ce truc gluant qui y coulait en permanence.
Je me demandais si mon moral plutôt déprimé à la fin accentuait les nausées, ou s’il était une réaction normale à ce traitement difficile. 
Une amie m’a alors raconté une histoire: des marins racontent que des personnes sur un bateau avec le mal de mer intense pendant plusieurs jours finissent par tenter de se jeter par-dessus bord, pour faire stopper leur souffrance, et que les membres de l’équipage doivent les retenir. Si c’est vrai, cela me rassure – car au bout de plusieurs jours de nausées, et à chaque cycle difficile, je me suis dit que je n’allais peut-être pas accepter de refaire un cycle la prochaine fois que le cancer reviendrait… Je me sentais très coupable. Quoi, est-ce que j’allais déjà baisser les bras alors que j’avais seulement eu deux traitements espacé de quatre années ? Mais si les nausées rendent fou, alors je ne suis que normale, et seulement temporairement découragée, il faut s’accrocher.
La prochaine fois cependant, si je dois reprendre le traitement carbo-taxol (certainement, puisque c’est celui qui continue d’avoir les meilleurs résultats d’après toutes les études), je ferai beaucoup plus attention à discuter de toutes les méthodes pour prévenir les nausées, avec mon oncologue. Dès le moindre vomissement, j’appellerai. J’irai voir aussi du coté des médecines alternatives, sans doute du coté de l’homéopathie, pour tenter tout ce qui possible pour stopper les nausées et les vomissements dès leurs premières apparitions, avant qu'elles ne s'installent de manière chronique. 


Ce samedi, les dernière nausées ont commencé à s’estomper pour de bon. J’ai recommencé à boire régulièrement pour me réhydrater, et à manger par petites quantités, beaucoup d’aliments pleins de protéines. Le moral a remonté très vite en flèche, c’est assez spectaculaire. Je suis sortie avec William, le beau temps doux d’automne aidant. Nous nous sommes installés au cinéma car je n’avais pas encore la force de faire beaucoup. Nous avons adoré le film, The Martian. J’ai avalé quelques sushis le soir – mon estomac fonctionnait à nouveau. Bon sang, ça fait du bien de vivre normalement!!! 
Je continue à ne pas avoir un goût normal, et beaucoup d’aliments me répugnent, en particulier tout aliment un tant soit peu sucré (je n’ai pas avalé un fruit depuis huit jours !). Ces effets devraient avoir presque complètement disparu d’ici deux semaines. En attendant, je grignote des olives le matin en me demandant pourquoi d’habitude je craque devant un pain au raisin… La vie est si pleine de questions intéressantes et le soleil brille le matin comme il n’a pas brillé depuis des mois… Au fait : Bon appétit !

samedi 25 juillet 2015

A mi-chemin



Les quatre jours de vacance à Malaga et Grenade ont énormément aidé ! Au départ prévues pour deux semaines, avec deux tickets d’avion non remboursables, j’ai changé la date de ces vacances en changeant nos billets de retour, retenu deux hôtels en ville, pour transformer nos deux semaines en un court séjour urbain de quatre jours et quatre nuits.
Jusqu’à la dernière minute, je me suis demandé si j’avais fait le bon choix et si je n’aurais pas dû rester à la maison. Le matin du départ, j’avais mal partout et j’étais encore faible. J’avais peur que trop d’effort et trop de chaleur me fassent encore une fois m’évanouir. J’ai quand même décidé de prendre l’avion, pour William je dois dire. Au pire, on ferait les déplacements en taxi et en bus ; et pire du pire, on irait pas visiter l’Alhambra, on resterait manger des tapas près de l’hôtel…
Une fois sur place, nous avons fait au jour le jour, et même d’heure en heure. Nous sommes partis sans faire de grands projets, le matin, et nous avons été d’un endroit à un autre, à notre rythme. Tout s’est merveilleusement bien passé. C’était super de réaliser que j’apporte encore beaucoup à mon fils, malgré la fatigue, et que je peux encore beaucoup apprendre et profiter de la vie. J’ai pu oublié le cancer pendant plusieurs heures d’affilée, ce qui n’arrivait plus depuis la rechute.
Au retour, dès le vendredi, bilan sanguin de routine et visite de routine chez l’oncologue. Mes globules blancs sont encore très bas mais cela ne stoppe pas la troisième chimio. J’ai donc reçu ma troisième chimio ce lundi. Pas de grand drame cette fois-ci, ouf ! Un groupe d’amies s’est relayé pour ne pas me laisser seule, j’avais donc de la visite le matin et l’après-midi tous les jours pendant les trois jours suivant la chimio. Hier, je sortais de la maison pour la première fois, encore bien faible et nauséeuse, mais j’ai pu faire une petite course au magasin asiatique du coin, puis aller au jardin deux heures plus tard, puis dans la soirée aller encore faire une autre course avec William qui portait le panier. L’appétit commence à revenir, même si je reste un peu nauséeuse pendant environ une semaine après la chimio. Certaines personnes restent malades pendant deux semaines – mon gynécologue me parlait d’une patiente qui devait être hospitalisée après chaque chimio pendant deux semaines et qui a refusé de reprendre la chimio lorsque son cancer est revenu. Je dois m’estimer chanceuse sur ce plan.
Décidément, le moral joue un grand rôle dans la lutte. Le moral permet de tenir malgré la fatigue, le dégoût, les pensées pessimistes. J’ai aussi remarqué que j’ai beaucoup de cauchemars après les journées vides : lorsque je passe mon temps à me reposer, sans avoir la force d’allumer la télévision et sans visites. Mais lorsque les amies passent me voir, cela me donne de l’énergie, et je fais de petites choses ; mes nuits sont plus calmes et je dors plus longtemps, et je fais des rêves plus normaux, remplis de tas d’histoires et d’images. Les journées sans visite et sans stimulation sont absolument à éviter si je veux éviter des nuits longues pendant lesquelles je cauchemarde et je me réveille souvent. C’est difficile parce que lorsque je suis fatiguée, je n’ai même pas la force d’allumer la télévision et de choisir un programme ; mes yeux ne suivent pas toujours ce qu’il y a sur l’écran. Ce sont les visites qui permettent de me stimuler, me forcent à prendre une douche le matin, à garder une maison propre, et me forcent à essayer de penser à autre chose qu’à ma maladie, et m’incitent à boire et à manger par petites quantités.
Je ne sais pas comment remercie les amies qui font tant d’efforts pour moi. J’espère une longue rémission de nouveau, et de beaux moments de rigolade à nouveau dans le futur…


samedi 4 juillet 2015

Seconde chimio - Trente dedans et une dehors


Je suis bien fatiguée. J’ai eu la chimio numéro 2 lundi. Les nausées n’étaient pas trop fortes cette fois-ci, donc le nouveau médicament a bien marché. Malheureusement, le mercredi soir, j’ai commencé à vomir. Il faisait très chaud. Record historique de chaleur durant la nuit. Je vais m’en souvenir du record historique. Me suis levée plusieurs fois la nuit pour aller aux toilettes, et ai vomi encore le matin. Suis allée vers 6 h ouvrir le frigo pour chercher quelque chose à boire. Écœurement car je n’avais que du lait et pas du tout envie de boire du lait…  J’ai pris un yaourt, en ai avalé deux cuillerées, et le reste est assez flou.
J’ai senti une immense faiblesse, me suis levée pour aller vers la banquette m’allonger… me suis réveillée par terre avec un immense mal de crâne, la bouche en sang, j’avais cassé ma dent de devant. Ai tenté de marcher à nouveau à ma banquette, patatras ! Me suis réveillée a côté de la banquette, par terre à nouveau. Me suis reposée puis ai du remonter à l’étage pour appeler les copines, au secours !!! Florence a appelé l’hôpital pour savoir quoi faire, et j’ai été acceptée aux urgences. Florence y a passé la matinée avec moi (et en plus je me sens coupable, marre de solliciter tout le monde pour m’aider).
Bilan : déshydratation, restée la nuit à l’hôpital pour me réhydrater, dent cassée, points de suture sur la lèvre. Bref, super.
Décidément cette chimio se passe beaucoup moins bien que la première. J’ai plus de fatigue, plus de nausées, je suis découragée et en colère. Pourquoi, pourquoi, pourquoi… Je n’arrive pas à me relaxer, je n’arrive pas à prendre un bain, ou à faire 2 minutes de yoga, à faire 3 minutes de méditation. Mon corps me dégoûte, j’essaie de l’oublier plutôt que d’en prendre soin. C’est pas bien, Catherinette, tss tss tss….
Ce matin, samedi, journée très chaude annoncée. J’ai beaaauuuucoup bu et mangé plusieurs tartines. Je suis sortie vers 7.00 à la fraîche pour aller regarder le jardin, j’allais touuuuuut doucement. J’ai arrosé quelques plantes du jardin, lennnnnntement. Les navets sont presque à point; les framboises superbes; les plans de maïs ont dépassé le stade de l’enfance; les haricots encore timides mais ils aiment ce soleil; mes pommes de terre noires très faibles mais les rouges semblent bien tenir; les courgettes et potirons sont bien en route malgré les ravages de Nono la souris qui laboure la terre régulièrement sans me demander mon avis... Le cycle de la vie qui continue, les bourdons qui venaient butiner très tôt le matin, c’est simple et joli. J’oublie ma maladie lorsque je suis au jardin, tout occupée à comprendre et prendre soin de mes petites plantes.  


Et maintenant je reste à la maison trannnnnnquillement, au frais. Cet après-midi, j’irai prendre le métro et faire les magasins, une stratégie très efficace pour rester au frais: le magasin de livres, s’asseoir avec un bouquin, et boire des smoothies pour reprendre des vitamines. Ou bien, s’il ne fait pas trop chaud, je resterai à la maison à l’ombre, sur le balcon, pour lire et écrire... on verra. Ça devrait commencer à aller mieux. 

mardi 16 juin 2015

Chimio numéro Un (ou numéro 10 selon les points de vue)


La pose du port-a-cath (ou du PAC, en abrégé) n’était pas vraiment la petite opération à laquelle je m’attendais. Avec trois heures de retard, on m’a mise sous anesthésie générale, et je me suis réveillée vers 15.30 l’après-midi du vendredi. Lorsque Ans est venue me chercher, elle m’a ramenée dans sa voiture en poucette.  J’ai ensuite passé un week-end tranquille, sans trop bouger. Les recommandations étaient de ne pas porter de charges lourdes pendant deux semaines. Je me sentais fatiguée et je ne suis pas allée marcher.

Le lundi, toute optimiste, je suis allée à l’hôpital pour ma première chimio (je remets les compteurs à zéro; si je comptais celles de 2011 et 2012, ce serait ma numéro 10). Elle durait 6 heures. Je suis arrivée une heure avant pour faire les analyses de sang qui permettent de donner le feu vert en vérifiant que les reins tiennent et que les globules blancs sont assez élevés. Je recevrai le même cocktail que la dernière fois : Paclitaxel (Taxol), Carboplatine et Bévacizumab (Avastin), six fois au total avec des intervalle de 3 semaines. L’avastin se poursuivra pendant une année à intervalles de trois semaines.

Pour la première fois, les infirmières ont donc utilisé mon port-a-cath pour m’administrer les perfusions qui se succèdent pendant ces six heures. C’est vrai que c’est beaucoup plus pratique et moins douloureux que la perfusion dans les veines de la main. C’est la seule chose qui ait été mieux que les dernières fois, en 2011 et 2012.

Pour le reste, tout a été de travers. J’ai été épuisée et ai dormi pendant l’administration des perfusions jusqu’à ce que Laure me réveille. Elle m’avait dit qu’elle passerait en fin de journée me rendre visite et me ramener à la maison en voiture. J’étais dans le coton.

Le lendemain, la fatigue était à nouveau forte et je commençais à ressentir quelques nausées et des douleurs dans tout le corps. Le surlendemain, j’ai eu des hauts le cœur lorsqu’il m’a fallu avaler les médicaments antiémétiques (contre les nausées). Ils sont repartis aussitôt dans l’autre sens. Le soir, même scénario : vomissements dès que j’ai essayé d’avaler les pilules. La suite, vomissements et nausées pendant 3 jours, épuisement, tournis, cauchemars lorsque j’essayais de dormir ou de faire une sieste.

Le vendredi, j’ai commencé à remanger petit à petit. La soupe de miso de Véronique a aidé. Je m’en suis préparée pour le jour suivant (pas aussi bonne que celle de Véronique, mais bon, il y avait du miso dedans). Pendant 48h, c’est la seule nourriture que j'ai trouvée acceptable : un bon bouillon où baignaient de petits morceaux de légumes clairsemés.

La prochaine fois, j’espère que les choses iront mieux. L’opération appartiendra au passé et je serai donc peut-être moins épuisée. Nous ferons un planning de visite pour que des amies passent et puissent appeler l’hôpital s’il y a un problème : j’ai mis le numéro de mes infirmières et leurs noms sur la porte du frigo. Je préparerai des soupes à l’avance pour ne pas avoir à cuisiner et pouvoir m’hydrater agréablement (le thé ne passait plus non plus).

Et surtout, je demanderai au médecin une alternative à ces pilules qui me soulèvent le cœur dès que je les vois. Je sais que c’est simplement un conditionnement: j’ai toujours vu et avalé ces pilules lorsque j’étais nauséeuse, c’est pour cette raison que mon corps réagit par des écoeurements intenses. Même en allant les chercher à la pharmacie je sentais la salive monter et les sensations de nausées arriver. Malheureusement, même en comprenant la cause, il faudrait un long travail de rééducation pour m’habituer à les accepter sans éprouver de nausée, et je ne suis pas prête à faire ce travail. Un autre format de médicament sera plus facile.

Voilà les nouvelles ! Heureusement, depuis ce week-end, je vais beaucoup mieux. J’ai repris du poids, puisque je mange à nouveau normalement. J’ai toujours plus de fatigue et je ne suis pas encore repartie faire de la marche. J’ai pu profiter quand même du beau temps en allant au jardin et en allant boire un verre et dîner en terrasse au café Eetcafe Leuk du coin, avec une amie. Hier soir, mes collègues sont arrivés avec un gros sac de commissions et ont cuisiné pour moi, un superbe curry – et en dessert, fraises du jardin au chocolat avec ma petite fondue chocolat qui n’avait encore jamais servi. Je n’ai pas réussi à avaler du café ou du vin rouge ; beaucoup de goûts m’écœurent encore. Et je ne suis pas prête à refaire un grand tour du parc Zestienhaven comme je l’aime. Mais bon, la situation est quand même mille fois meilleure qu’il y a une semaine !

Allez, je suis prête pour la prochaine tournée, le deuxième chimio : le 29 juin.


Merci à tous de m’avoir beaucoup soutenue !!! Merci Ans, Florence, Véronique, Rolanda, Laure, Ursula, Karin, Rob, Wilma d’avoir été là pour m’aider !  Merci à ceux qui me soutiennent à distance J Et mon petit bonhomme qui ne lit pas encore ce blog, et qui a appris à faire cuire des nouilles cette semaine J

mardi 2 juin 2015

Le plan d'attaque

“In preparing for battle I have always found that plans are useless, but planning is indispensable.”

― Dwight D. Eisenhower

 
Et voici le grand plan de bataille. On sait que l’imprévu s’y invitera sans aucune gêne, mais je préfère l'improvisation sur le chemin bien tracé plutôt que la marche à l'aveuglette. 

Vendredi : opération pour poser le PAC. PAC pour Port-a-Cath - c'est pas une blague, c'est le vrai nom même si c'est Cath qui va le porter et pas le contraire. Pacman. Bref. Environ une heure d’opération, 45 minutes, STVB (si-tout-va-bien), sous anesthésie générale. Suivie de 2 h de récupération. Une copine viendra me chercher car je dois pas rentrer seule. Ne plus rien porter pendant deux semaines, même pas mes courses (ca, et bien, ca m'énerve!). Je vais acheter par petites doses, une tablette de chocolat à la fois.  

Lundi : Première chimio – taxol, carboplatine et Avastin. Arrivée à l’hôpital à 9h et 6h de chimio, STVB. Une autre copine doit aussi passer me voir, yes! Six heures assise seule sans bouger, c'est quand même drôôôôlement long. En 2011, je n'avais pas de smart phone, ca fera sûrement une différence cette fois d'avoir le smart phone, facebook,  les emails, les news, la radio... mais quand même, tout ca ne remplace pas un vrai sourire et les derniers pottins :-)  

Ensuite, deux autres cycles de chimios, toutes les trois semaines.

Un bilan intermédiaire, CT scan et marqueurs, décidera de la suite.

STVB, trois derniers cycles de chimio. Dernière chimio fin Septembre.

Puis Avastin pendant une année sous forme de perfusion toutes les trois semaines à l’hôpital.

En si vraiment tout va très très bien, une belle longue nouvelle rémission...
 
Voilà et maintenant les dieux de l’Olympe doivent rigoler de voir cette petite mortelle qui essaie de tordre le cou au destin – vont-ils me lancer encore quelques défis ou me laisser tranquille quelques mois, voire, quelques années!?!? 

jeudi 28 mai 2015

Essai clinique? La décision


C’est une décision importante et une question ouverte à laquelle il faut répondre alors même que le diagnostic de récurrence vient de tomber. Bien sûr, j’ai quelques jours pour réfléchir. Vais-je participer à l’essai clinique qui est ouvert dans notre pays et pour lequel je remplis la plupart des critères ? L’essai propose de tester si la chirurgie de debulking lors d’une récurrence peut permettre de faire gagner un peu d’espérance de vie aux patientes, sans trop altérer leur qualité de vie. Je peux choisir de ne pas entrer dans l’essai, et reprendre la chimiothérapie seule (carboplatine, taxol et Avastin). Ou bien je peux aussi joindre l’essai dont une branche comporte de la chirurgie: opération de debulking pratiquée avant de recevoir la chimiothérapie. L'autre branche de l'essai clinique serait le traitement classique, sans chirurgie et avec le cocktail de chimiothérapies. Donc. Essai clinique ou non ? Chirurgie ou non ? Comment prendre une telle décision ?

J’aurais du mieux écouter mon oncologue, mais aussi le décoder. Me voyant enthousiaste à l’idée d’un protocole, il n’a pas dit que c’était une mauvaise idée. Il n’a pas été en faveur non plus. Il m’énumérait les pour et les contre. Je ne savais plus. J'aurais aimé qu'il soit moins neutre. Je trouve cette décision extrêmement difficile à prendre.

Au départ, complètement va-t-en-guerre, à 100% en faveur pour essayer tout ce qui pouvait améliorer mon espérance de vie, j’ai demandé à mon oncologue si je pouvais avoir une chirurgie. J'étais prête à le supplier. Mais durant notre entretien, j’ai commencé à douter. Un essai clinique avec un groupe contrôle tiré au sort signifie que les chercheurs ne savent pas encore si le nouveau traitement marche vraiment mieux, sinon, il ne serait plus à l’essai, me rappelle-t-il. Le groupe contrôle, de mon point de vue, n’est pas intéressant, ajoutera uniquement des examens dans un hôpital universitaire; cela alourdira mon suivi tandis que je serai fatiguée par la chimio. Le groupe expérimental présente l'option attrayante d'une intervention chirurgicale qui m'enlèrerait les tumeurs naissantes dans mon abdomen... mais l'intervention est extrèmement lourde. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Une chirurgie lourde va m’invalider pendant plusieurs semaines, voir quelques mois, d’autant qu’il pourrait y avoir des séquelles telles qu’un muscle abdominal abîmé qui pourrait rendre la marche difficile et douloureuse pendant longtemps. Combien de temps cette chirurgie m’offrira-t-elle, comparé à l’absence de chirurgie (la chimio seule) ? Personne ne le sait.
 
Puisque j’ai bien réagi à la chimio la première fois, je devrais à nouveau bien réagir et le traitement chimiothérapeutique pourrait suffir pour tenir le cancer à distance pendant encore quelques années. Or, le protocole expérimental qui est publié sur internet présente des chiffres qui font frissonner. Pour calculer le nombre de patients nécessaires pour détecter les effets, les chercheurs font l’hypothèse que la chirurgie pourrait ajouter cinq mois de survie en plus. Cinq mois en plus – mais combien de mois à souffrir des séquelles ? Ajouter à cela les risques inhérents à cette chirurgie très lourde. Et le fait que la famille et les proches vont morfler de me voir souffrir, vont devoir aider un maximum… Mmm. Scrrscr... [grattage de tête]

L’argument final qui fait pencher la balance en défaveur de cet essai : si on ouvre à nouveau mon ventre, ce sera à nouveau sur la même cicatrice. Les tissus seront de plus en plus difficiles à cicatriser. Est-ce que cela ne diminue pas mes chances d’avoir d’autres chirurgies dans le futur ?
Ma décision est prise : je ne m’inscrit pas à cet essai clinique. Je vais suivre un protocole normal. Je garde mon ventre intègre pour les jours où je deviendrai résistante à la chimio et où on me proposera un essai clinique plus nouveau _ par exemple, la chimio intra-péritonéale qui est à l’essai dans d’autres pays, ou d'autres techniques ou traitements qui n'existent peut-être même pas encore.

Une fois la décision prise et annoncée à mon équipe, l'équipe met en route ma prise en charge très rapidement. Hier, ai passé presque 6 heures à l'hôpital - oncologue, infirmière, pharmacie, prise de sang, et enfin rendez-vous chez la coiffeuse de l'hôpital qui va me faire une perruque. Je n'en voulais pas la première fois, mais la situation a bien changé. J'aimerais pouvoir sortir discrètement, sans forcément que les personnes sachent que je suis sous traitement. Beaucoup de choses ont changé depuis le premier diagnostic, en 2011. Je suis plus calme, j'ai envie de profiter de ma petite vie tranquille et ne pas voir les visages attristés et peinés à la vue de ma casquette qui couvrira mal mon crâne chauve. Je ne veux pas qu'on me rappelle à chaque sortie que je suis malade. Avant, je ne voulais rien cacher: voyez Messieurs-dame, je me bats contre le cancer. Maintenant je suis une malade chronique. C'est bien différent. J'ai besoin de plus d'intimité.
 
Voici des nouvelles de ma situation médicale pour le moment. J’attends une opération mineure pour placer un cathéter -  finies les douleurs pour trouver mes veines pour les infusions de chimio. Ouf !
Une fois la date de cette opération connue, on enchaînera tout de suite avec la chimiothérapie : Carboplatine, Taxol et Avastin. Ce sera la semaine prochaine mais je n'ai pas encore les dates précises.

En tout, j’aurai trois cycles chimio de 3 semaines, un bilan intermédiaire, puis probablement à nouveau trois cycles de 3 semaines. Ca nous mène à mi-octobre ou fin-octobre.

L’Avastin continuera ensuite pendant un an. Je serai ensuite suivie régulièrement par bilans sanguins et CT-scans.
 
Et le spectacle continue, zimbadaboumdoumdoum... :-) Bon. Vraiment? Non. Je commence à me sentir déprimée pour tout vous dire. Mais je vais me battre, tranquillement, en marchant 5km par jour tant que je le peux, en mangeant bien, en rigolant, et en aimant la vie et en la croquant à pleine dents, même les jours de pluie. :-)
 
Gros bisous à tous qui me soutenez tellement en ce moment! MERCI!!!
 
-=-=-=-

dimanche 24 mai 2015

L’annonce aux proches


 

Que c’est difficile d’annoncer à ses proches que la maladie est de retour. C’est tout aussi difficile que l’annoncer la première fois. Pour ma part, le cancer n’a jamais quitté mes pensées puisque la récurrence du cancer de l’ovaire est extrêmement fréquente. En fait, l’annonce du retour des masses de cellules folles m’a moins choquée que l’annonce du diagnostic initial.

Pourtant, mes amies et proches l’ont peut-être sous-estimée, et l’annonce d’une rechute est forcément plus grave. Les amies et collègues proches se mettent à pleurer. La famille est loin, et je n’ai pas assisté à leurs pleurs, ce dont je suis heureuse. Voir les personnes pleurer est très difficile. Tout mon courage me quitte alors et j’ai envie de me mettre à pleurer moi aussi. Leurs pleurs et leur compassion rendent la maladie encore plus présente, encore plus vraie, encore plus grave.

Or pour le moment, je ne veux pas pleurer. Je vais bien, je n’ai aucun symptôme, juste une légère gêne en bas du ventre. Je veux profiter des belles journées de printemps et de ma bonne santé avant que les automnes arrivent ! Je tente par tous les moyens de continuer à vivre les bons moments le mieux possible, et ne pas trop penser à moi-même. Les moments de deuil, la tristesse, et surtout les douleurs vont arriver, je le sais. Mais pas maintenant. Je profite. Je n’ai pas envie de donner à la Dame à la grande Faux la joie de me voir attristée. Quelque chose me pousse à ne pas pleurer. Fuck you, cancer, je continue à bien vivre. Ma colère me pousse à profiter des bons moments en snobant la maladie tant que je peux encore me le permettre.

Pour rendre ce passage moins difficile, j’ai demandé aux proches de se charger de l’annoncer. Mon chef l’annoncera la semaine prochaine en réunion d’équipe – où je ne serai pas présente.

Mon amie et collègue Ans l’annonce aux anciens collègues qui ne font pas directement partie de mon équipe. Elle me racontait hier soir: « Je peux annoncer à deux ou trois personnes par jour, mais je ne peux pas plus, c’est trop dur. Je continuerai la semaine prochaine. »

Oui, l’annonce est un vrai job. Et en bon manager de ma maladie, cette tâche là est une de celle qu’il vaut mieux déléguer si on le peut.

jeudi 21 mai 2015

Récurrence confirmée


Chers proches, famille amis, voici où nous en sommes. Pour le moment, une chose est certaine, les cellules cancéreuses sont de retour. Le traitement envisagé est la même chimiothérapie que la première fois (taxol, carboplatine), avec en plus Avastin qui est désormais intégré aux protocoles (je l'avais recu à titre expérimental en 2012).

La question est de savoir si je suis opérable, et si une opération est souhaitable. Si les deux conditions sont réunies, je pourrai considérer participer à un essai clinique. Les spécialistes de l’hôpital Erasmus ont recu mon dossier et doivent se consulter. On me recevra le lundi 1r Juin pour m’expliquer la situation et les détails du protocole. Participer à un essai clinique ou non? Cela me semble être une décision très importante, trop importante même, et pour le moment, je n’ai aucune idée de la décision à prendre. Hier matin, j’étais à 100% en faveur d’une opération... puis après la discussion avec le spécialiste, où il présentait un tableau nuancé avec beaucou d'inconnu, discutant longuement les avantages et les risques, je ne savais plus où j'en étais. Fort heureusement, il a trouvé les mots rassurants, et m'a indiqué comment procéder: d'abord savoir si je remplissais les critères, puis continuer de me renseigner et prendre plusieurs jours pour y réfléchir. Surtout ne jamais prendre une décision rapide face au cancer. 

Florence s’est bien occupée de moi et m’a bichonnée tout l’après-midi, avec beaucoup de conversations qui m’ont fait beaucoup de bien, de la marche dans les magasins de fringue (sans acheter, juste repérage! ;-) et un bon petit resto minuscule que je ne connaissais pas et que j’ai adoré.

Merci beaucoup de votre soutien, vous tous les amies et amis qui me lisez! J’ai passé la fin d’après-midi et la soirée entière au téléphone ou sur skype hier soir, et je ne peux pas répondre à tout le monde. J’étais épuisée d’avoir tant parlé et je suis allée me coucher de bonne heure.
 
Levée tôt ce matin, anxieuse mais heureuse de voir une belle journée commencer. J'irai marcher, comme je me le suis promis: je marche en ce moment 5 km par jour, une heure, dans le parc voisin. Je m'y ressource. La vie continue, belle, simple, tendre, remplie de beaux moments, et je fais un effort pour ouvrir les yeux et la regarder, et me décentrer de mes propres angoisses pour mieux profiter de chaque moment.
 

vendredi 15 mai 2015

Très, très, mais alors très probablement


A nouveau levée très tôt. Anxieuse. Mercredi, Véronique m’a accompagnée au rendez-vous à l’hôpital. En l’attendant, je suis allée essayer des perruques au coiffeur de l’hôpital et j’ai discuté des styles et des prix. J’étais calme.

Tout est allé très vite ce jour-là. C’est drôle comme la vie bascule en quelques heures. Le Dr H. a été super comme d’habitude, m’accueillant avec un chaleureux sourire puis en prenant une grande inspiration avant de m’annoncer que mes craintes étaient justifiées : C’est très très, mais alors très probablement, une récurrence.
 
Il nous explique les détails, me demande si je veux voir les résultats du scan. Il sait bien que je vais dire oui. Il me montre plusieurs nodules. Je reste calme et dit que je m’y attendais. Après quelques minutes, il me prends les mains et alors que je continue de rester stoïque, il me dit quelque chose, je ne sais plus quoi, pour montrer sa compassion. Je me mets à pleurer et il garde ses mains dans les miennes tandis que Véronique m’entoure de ses bras.

À travers mes larmes, je lui ai dit que ce qui est important pour moi c’est mon fils. Je voudrais au moins le voir passer son baccalauréat (savoir surtout qu’il peut quitter la maison et aller vivre avec des copains vers son université comme il en parle parfois avec plaisir). Je veux cinq ans et demie, lui dis-je. Il sourit chaleureusement et me dit que c’est bien d’avoir un objectif, et que ce n’est pas impossible car j’ai bien répondu au premier traitement.

Alors nous parlons technique : les options. Pour le moment, il faut que je fasse une biopsie, et il m’a réservé une place l’après-midi même pour l’examen. Nous discutons de l’option chirurgie ou chimio seule. L’option chirurgie se ferait uniquement dans un cadre d’essai clinique… Etc. Je commence à ne plus pouvoir tout écouter. Je commence à faire mes plans, mais combien d’années me reste-t-il ?

Nous sortons ensuite pour aller dans un autre département pour la biopsie. Véronique doit alors me quitter, mais je ne m’ennuie pas en restant seule. Je commence à écrire des emails. La salle est pleine d’autres patients. Les infirmières s’occupent bien de moi et l’une d’elles reste une minute pour me parler. La procédure de biopsie est simple, pas douloureuse du tout - juste une anesthésie locale, une aiguille très fine que je ne sens pas, une incision de moins d'un centimètre, et deux 'clicks' qui font plus de peur que de mal.
 
Dans le couloir où on doit venir me rechercher alors que j'attends dans le lit, je me mets à pleurer à nouveau... Mais une fois rentrée dans la chambre en attendant la cicatrisation, je suis heureuse à nouveau. Je veux profiter de la vie. Je ne vais pas me gâcher la vie en commençant à m’apitoyer ou à me regarder moi-même comme une malade et en commençant à penser et agir comme une grande malade. Je veux que la vie soit aussi normale que possible, et qu’il reste beaucoup de beaux moments, de l’affection, la beauté des petites choses… Je n’y pense pas vraiment comme ca, mais je le ressens. Je regarde les nuages de ma fenêtre et je les trouve beaux ; je trouve beaucoup de choses belles autour de moi. Tout est plus beau. Je suis triste et anxieuse, mais je suis plus prête que la dernière fois. Je connais cette chimiothérapie, et si je n’ai pas d’opération alors je ne serai pas invalide pendant plusieurs semaines.

Je mange le repas de l’hôpital et j’attends qu’on me donne le feu vert pour ma sortie. J’écris à mon chef, qui me rappelle rapidement pour me dire qu’il fera tout pour m’aider. Il est chouette. Ca va aider d’avoir un chef qui est un homme très humain. Le travail va me distraire et surtout me permettre de pas rester seule à la maison pendant de longues journées. Je pense essayer de continuer à travailler… les plans commencent à se former de plus en plus précisément sur ce que je voudrais faire pendant les mois de chimio qui vont arriver. Mi-temps thérapeutique. Si je peux.   

Il fait très beau et je décide de rentrer à la maison à pied, sans taxi. Le soir, William rentre de l’école. Heureusement le lendemain sera férié, ca nous laisse du temps pour parler et être ensemble. Je décide donc de lui annoncer la récurrence dès ce soir. Je veux aller dehors marcher, au Vroesenpark, car je ne veux pas lui annoncer à la maison. Nous avons une longue conversation au cours de laquelle William me pose beaucoup de questions sur le cancer et sur la récurrence. J’insiste sur le fait que la vie continue, malgré la maladie. La vie n’est jamais parfaite, et il ne faudra pas attendre après le cancer pour profiter d’être ensemble et de faire de belles choses. La vie est maintenant.

Le soir, nous regardons des films, puis pendant que William regarde South Park, je prends mon ordinateur sur mes genoux et m’assois à ses côtés pour regarder les modèles et les prix pour une banquette-lit. Puisque je vais être fatiguée, ce dont j’aurai le plus besoin, c’est d’une banquette supplémentaire dans la salle à manger. Ca avait bien manqué la dernière fois, les invités étaient sur mes chaises de bistrot en bois pendant que moi j’étais allongée et je prenais toute la banquette. Allez je vais m’acheter une belle grande banquette-lit.  

Le lendemain, la journée est à nouveau très belle. Je me prends en mains et je commence mon grand programme de mise en forme, pour garder la forme durant la maladie. Je vais faire une grande ballade à pieds vers 7.30. Je prends quelques photos avec mon portable. J’ai marché 5 kilomètres ! Je veux marcher chaque jour au moins une heure, et faire 15 minutes de yoga pour ne pas trop perdre mes muscles et ma flexibilité. De toutes les méthodes qui sont censées retarder la progression du cancer, je pense que le sport est de loin ce qui marche le mieux. Car l’important est que les endroits du corps qui marchent encore bien continuent de marcher le plus longtemps possible!

Je suis heureuse. Je n’ai pas encore mal. Je vais même très bien pour le moment. J’aime ma vie. J’aime mon appartement, notre ville, mes amies et ma famille bien sûr, ma vie en général, mes petits clubs d’écriture et mes petites activités pour l’association Olijf… Tout quoi. Je suis heureuse de ma vie !

Le cancer semble une abstraction pour le moment. Je réfléchis à ce que je veux vraiment faire. Je risque de ne pas avoir cinq ans et demie devant moi, même si c’est mon objectif officiel. S’il ne me reste qu’une année par exemple, alors qu’est-ce que je veux faire ? Faire mes albums photo en retard bien sûr. C’est à peu près tout. Pour le reste, juste être avec William et avec mes proches, aider en faisant du volontariat pour le cancer tant qu’il me reste des forces – aller au travail pour me distraire et éviter de passer trop de temps à la maison, rester dans une vie normale mais adaptée, tant que je le pourrai. Mes plans commencent à s’organiser, mais ils sont beaucoup plus modestes et flexible qu’autrefois, avant la maladie. On verra.

L après midi, pendant que William joue au foot avec des copains, Florence et moi allons dans le parc – j’ai prévu la thermos de thé vert parfum rose et litchi, et les noix aux raisins ; elle attrape une nappe pour que nous puissions nous asseoir par terre. Nous discutons de la situation, et puis sans nous apitoyer, nous discutons aussi d’autres choses. Je n’ai pas envie de trop parler de ma situation, je risque de pleurer, et je veux juste profiter de tout. Je suis en colère contre cette maladie, et je ne vais pas lui donner mon précieux temps. Je sais que les larmes viendront plus tard. Pour le moment, profiter. Je peux m’asseoir au soleil, ce petit plaisir me sera retiré lorsque je serai en chimio ou opérée.

La soirée est tranquille et sympa. On commande des sushis, et nous regardons ensemble un film comique. J’ai écrit des emails. Petit à petit, les plus proches sont mis au courant. Il reste encore plusieurs personnes à informer mais je ne veux pas passer mes soirées au téléphone ou sur email, et je préfère remettre au lendemain et passer du temps près de William. Une chose à la fois. Il reste le week-end entier pour terminer mes emails.

Vendredi soir : Le shopping a été un grand succès. Je vais taper dans mes économies. Nous avons trouvé une belle grande banquette-lit en L. Livraison dans 10 semaines. On fêtera ca dignement en invitant les copains et copines J Le week-end s’annonce radieux.

mercredi 13 mai 2015

The Big One

13 Mai 2015.

J’ai bien profité. J’ai complètement récupéré de mes traitements et je vais bientôt fêter les quatre années de rémission: trois ans, neuf mois exactement après la date du diagnostic. Quatre ans exactement depuis mes premiers symptômes.

Il est 4.00 du matin. Je n’arrive pas à dormir. Dans quelques heures je vais avoir les résultats de mon scan et de mes bilans sanguin. Le fameux marqueur CA125. J’ai senti un nodule dans le bas de mon ventre depuis plusieurs jours. J’ai appelé Joyce avant-hier, lundi matin. Joyce a réussi l'exploit de me faire avoir un rendez-vous l’après-midi même.
 
Mon ventre a un peu gonflé: j’ai décidé la semaine dernière d’entamer un grand régime. Comme en Mai 2011! Le premier symptôme a été de penser que je devrais perdre du poids car mon ventre gonflé était inconfortable. Comme en Mai 2011, je sens une grosseur dure dans le bas de mon ventre, qui ne part pas avec la digestion.
 
Pourvu que je survive encore 5 ans et demie. Dans 5 ans et demie, William aura son baccalauréat. Je ne veux pas mourir avant. Je vais faire tout ce que je peux pour tenir jusqu’à là.

Mon gynécologue n’a pas changé. Il est chaleureux et nous plaisantons. Joyce assiste à l’examen, comme d’habitude. Elle va bientôt partir en congés maternité. Dr H. pratique une écographie.
 
Bingo, il voit aussitôt une grosseur suspecte. Après m’avoir rassurée en disant qu’on ne savait pas encore ce que c’était, il m’envoie illico faire le bilan sanguin et un CT-scan. Je retrouve les couloirs et les procédures familières.

Je suis restée assise pendant une heure dans la salle d’attente en attendant l’examen du scanner, calme, et pensant: “c’est le Big One. Je me doutais que ca risquait de revenir. Nous y voici. C’est mon Big One.” J’ai envie de m’amuser. Je n’ai pas envie de vivre en attendant la mort. Je vais m’amuser, quel que soit le temps qu’il me reste. Je vais m’amuser, et bien m’occuper de William, passer le plus de temps possible avec lui. Pas question de déprimer et de se regarder le nombril en gémissant. Je me répétais: je vais m’amuser. Je vais vivre normalement. J’irai m’acheter une perruque cette fois-ci. Je ne veux pas qu’on me traite comme une malade. Je veux vivre le plus normalement possible jusqu’à la fin. Est-ce que je veux continuer à travailler ? Plutôt faire du volontariat et écrire. Vivre comme si j’étais en retraite, en profiter. C’est ma retraite, voilà. Je vais me dire que je suis en retraite anticipée et en profiter. M’a-mu-ser.

 

Je suis allée au travail normalement le lendemain. La journée m’a paru très longue. Je me suis confiée à Ans qui s’est libéré aussitôt pour prendre son déjeuner avec moi. Nous avons bien ri : elle m’a raconté en détail une émission dans laquelle un journaliste atteint de cancer de la prostate faisait tous les essais possibles des trucs anti-cancer et filmait ses tentatives avec humour.

J’ai quitté le travail une heure plus tôt. Impossible de me concentrer. J’ai pris ce que je pouvais emporter: mon portable, un livre entamé, mes chaussures de rechange (j’en garde toujours une paire dans le placard en cas d’ampoules), ma tasse souvenir d’Écosse. Chargée de deux sacs, je suis rentrée en train puis en métro. Je suis ressortie faire des courses. J’ai acheté un gros bidon de lessive en plus – il faut que j’achète les grosses choses avant d’être opérée. Si je suis opérable. Le vent soufflait très fort, et je me suis dit : voilà c’est bon pour moi, c’est comme ca que je vais vivre maintenant, je vais faire des efforts et garder tous mes muscles. Je ne vais pas baisser les bras, je vais rester en super forme jusqu’au bout.


William est rentré et je lui ai parlé deux fois de ma visite à l’hôpital et deux fois il a changé de sujet pour me raconter une blague. Il me rappelle un de mes frangins. Ces bonhommes. Je tente de lui demander s’il a des souvenirs de ma maladie… il réponds mais change rapidement de sujet. Il n’a que 13 ans. Il vient de perdre sa grand-mère adorée il y a moins d’un mois. Evidemment, il a son père, mais une maman ce n’est pas pareil… Pourvu que je tienne…

Dans quelques heures, à 10.15, nous irons entendre les résultats et les premières indications. Je ne pense pas qu’on va m’apprendre que ce n’est rien. Je suis sûre que c’est le Big One. Je n’ai jamais eu une telle certitude durant ces dernières années. Je suis prête. Je fais des plans – je dois acheter un bon canapé lit car Evelyne reviendra sûrement pour m’aider. Il faudrait que je finisse de repeindre les fenêtres de la chambre avant d’être opérée... Je dois finir mes albums photos. Je dois finir d’écrire ma biographie pour William. Je dois, je dois,… Je souris. Je dois surtout retourner tenter de dormir un peu.