mercredi 26 décembre 2012

Rassembler les morceaux (Picking Up the Pieces)

(English version below)

Etre une "survivante du cancer" est beaucoup plus difficile que je ne l'imaginais. La moindre douleur, un petit truc, le ventre qui gargouille un peu plus que d'habitude, un ongle qui casse... tout dans mon corps semble me rappeller que j'ai eu le cancer, et qu'il pourrait revenir, et que la maladie est peut-être même déjà de retour.

Mes humeurs sont imprévisibles -- même si j'ai la force et la civilité de me cacher lorsque les larmes me montent aux yeux. Je ne sais même par pourquoi je suis triste au moment où je le suis. La pensée de ma mort s'impose et je visualise: qui sera à mon chevet, qui videra mon appartement.. et puis je chasse toutes ces pensées morbides qui n'avancent à rien... je commence à me sentir mieux... et les pensées tristes reviennent... puis repartent...

Après avoir remis mon corps à peu près en marche, ce sont les pensées, les humeurs, les émotions, les douleurs toutes chamboulées qui demandent mon attention. C'est comme si des morceaux de pensées et d'émotions voletaient dans mon esprit, en désordre, comme des papillons fous dans mon cerveau.

Prendre des décisions est pénible et fatigant. Je prends parfois une décision, très sûre de moi, et puis non, je change d'avis, également très sure de moi. Ou bien au contraire j'hésite pendant des heures sur une décision mineure: aller au supermarché maintenant ou demain? Quel menu pour Noël?... Mes resources mentales sont ailleurs. Les émotions arrivent de partout et les pensées semblent inachevées et sans rapport les unes avec les autres. Coqs à l'ânes. Tout et son contraire.

Pourtant au quotidien, je "fonctionne". La machine s'est lentement remise en route. Mais la machine n'est pas encore bien huilée: bien souvent, je m'arrête, le regard perdu, et je pense... quand je sors de ma rêverie, une heure entière s'est écoulée et je ne sais plus à quoi je l'ai passée. Cette rêverie éveillée me permets peut-être de remettre mes idées en place. Il faut laisser du temps aux pensées pour se poser et se réorganiser.

Mon impression est celle d'un miroir brisé dont il faut recoller les morceaux. Les morceaux de moi, un morceau de rire, un morceau de tristesse, de la colère, de la peur, la peur pour moi, pour mon enfant; défilent des bouts de films imaginaires comme l'image de mon fils orphelin à mon enterrement, alternant avec des scènes de vie bien réelle et belle, celle de mon fils rentrant de l'école avec des notes excellentes en mathématiques, et puis l'amour de mes proches qui rend ma vie plus douce et me soutient, les petits moments qui rendent la vie si agréable comme le plaisir redécouvert de cuisiner ou de se plonger dans un bon livre...

J'ai trouvé un petit truc qui a marché pour moi: adopter une certaine attitude quant au futur, qui permet de prendre des décisions dans la vie quotidienne, et aide à concilier certaines pensées et émotions contradictoires. Cette idée m'est venue quelques minutes après une séance de yoga.

La prof de yoga nous avait demandé à la fin de l'entraînement de pratiquer une méditation où nous allions prendre conscience de nos différents "moi": le moi des émotions, le "moi" des pensées, et celui des sensations corporelles. Nous devions nous concentrer sur ces "moi" et les amener à la conscience un par un, puis penser à tous ces perceptions ensemble, à un moment donné. L'objectif était de parvenir à penser à toutes ces choses ensemble en les intégrant au même moment, pour se sentir entier et harmonieux.

Sur le coup, j'ai éccarcillé les yeux et ai pensé: "Qu'est-ce que c'est que cette connerie?" Ah pardonnez-moi, mais depuis que j'ai appris à mieux prendre conscience de ma colère, je me parle à moi-même en termes crus parfois! Je me suis vite ressaisie: "pourquoi pas, après tout, je suis là pour apprendre". Rien de bien miraculeux ne s'est produit. Mais l'idée a du faire son cheminement par d'invisibles méandres car c'est en rentrant à la maison que j'ai eu une impression d'avoir franchi un pas dans la résolution du puzzle.

J'étais bien consciente d'avoir des émotions opposées à quelques minutes d'intervalle. Parfois je pleurais en pensant à la mort très proche, et parfois je savais tout à fait profiter du moment présent, en pleine conscience et je pensais soudainement à la possibilité que je pourrais peut-être vivre encore 30 ans! Les pensées sautaient d'une hypothèse à une autre à vive allure, à gauche, à droite. Je n'arrivais plus à stabiliser l'idée d'un futur, ni me plaire à l'imaginer en souriant: parfois le futur faisait partie de mes pensées, et parfois il disparaissait, hapé par un retour probable du cancer.

L'étude la psychologie nous apprends que nous nous forgeons une histoire de notre vie en rassemblant et en interprètant nos souvenirs, et que cette l'histoire de notre vie n'est qu'une grande illusion, mais une illusion nécessaire. Notre vie est faite de moments pour la plupart oubliés, mais nous la réorganison en mémoire pour la transformer en une narration logique où les idées sont congruentes entre elles. Nous sélectionnons et modifions sans cesse nos souvenirs à mesure que notre vie se déroule (en général en faisant en sorte que notre égo n'en souffre pas trop). Cette illusion est la base de notre identité présente et de notre bonheur... ou au contraire de notre malheur pour certains (à lire: Et si le Bonheur vous Tombait Dessus, de Daniel Gilbert; en anglais: Stumbling on Happiness).

De manière similaire, nous inventons un avenir de rêve et imaginons que notre avenir sera plus heureux que le présent. C'est également une grande illusion car le plus fort prédicteur de notre niveau de bonheur futur est en fait notre niveau de bonheur actuel - plus d'une étude l'a montré. C'est que le bonheur dépend de nous et de notre état d'esprit, de nos habitudes de pensée, plutôt que de notre situation ou de nos événements de vie. Et pourtant, nous vivons dans l'illusion d'un avenir fait de belles choses que nous voulons "faire" et "avoir" plutôt que de nous foculiser sur notre manière d' "être"...

L'histoire de vie est chahutée et détruite pendant l'épreuve du cancer. De plus, le futur n'y a plus place. Lorsque le moment arrive de quitter l'hôpital, en rémission, nous sommes confrontés à l'histoire de notre vie en morceaux et un grand vide dans l'histoire à écrire de notre bonheur futur imaginaire. Comment continuer à vivre puisque toutes cette histoire a été interrompue et que nous ne savons plus quoi faire?

Il faut réinventer la grande illusion de notre futur. Imaginer notre futur, de nouveaux rêves, oser à nouveau mais en étant maintenant conscient que la perte de l'illusion est immensément douloureuse. Il faut pourtant y réussir pour reprendre les décisions de la vie quotidienne en fonction de nos nouvelles priorités, sans se poser mille questions à chaque minute.

Ainsi, autrefois ("autrefois"... je parle comme une grand-mère, je veux simplement dire: avant le diagnostique de cancer!), je me disais que j'avais encore 50 ans à vivre si je pratiquais régulièrement un sport. C'était une théorie assez simple. C'était mon illusion, mon hypothèse. J'avais devant moi beaucoup de belles choses qui m'attendaient.

L'idée m'est donc venue de me demander : qu'est-ce que je veux vraiment, est-ce que je veux encore vivre 30 ans ou bien être morte dans 6 mois? Je sais que je n'ai que peu d'influence sur ce cancer, mais si je pouvais choisir? Réponse immédiate: Je veux encore vivre longtemps, et non seulement vivre mais surtout bien vivre, m'amuser, apprendre, et aimer et partager le plus longtemps possible.

Solution, Catherinette? Au lieu de changer de perspective, virevolter à gauche puis à droite comme une feuille morte, futur-no-futur, donne toi une ligne droite à suivre - une ligne de pensée qui te permet d'avancer droit devant, un compromis entre les deux options. Entre 6 mois et deux ou trois décennies? Résultat: "Je veux vraiment vivre au moins encore 7 ans pour voir William entrer à l'université ".

C'est drôle mais soudain l'idée était limpide: "Je vais essayer de vivre encore 7 ans!" En une phrase, il y a l'histoire de ma vie comme je l'imagine dans les prochaines années. Dans l'expression "je vais essayer", le doute mais aussi l'espoir; et dans l'objectif de "7 ans", il y le réalisme mais aussi l'espoir que de nouveaux traitement seront disponibles si je tiens assez longtemps.

Je ne pense pas pouvoir à ce stade influencer le retour ou non du cancer - soit les traitements ont eu raison des cellules, soit elles sont encore vivantes et vont reprendre leur multiplication et leur attaque à un moment donné. Cependant, je crois qu'il est possible d'influencer un peu la rapidité de la progression du cancer, s'il est encore là, par l'activité physique, une bonne nutrition et une bonne hygiène de vie en général y compris sur le plan psychologique.

C'est pourquoi je rassemble ma peur et mon espoir, sentiments et pensées contradictoires et difficile à concilier, en une seule phrase, une attitude, modeste mais ferme: Je vais essayer. Voilà, une solution momentanée. Quelques pensées opposées à l'extrème peuvent désormais coexister en même temps dans mes pensées, aider mes prises de décision, me laissant en paix pour le moment, m'aidant à regarder droit devant moi et à avancer sans tituber à chaque pas.

***

Being a "cancer survivor" is much more difficult than I imagined. Any pain, a little something, stomach rumbling a little more than usual, a broken nail ... everything in my body seems to remind me that I had cancer, that it could come back, or that the disease may be back already.

My moods are quite unpredictable - even if I have the strength and civility to go hide when tears come up to my eyes. I do not even know why I'm sad when I am sad. The thought of my death imposes itself and I visualize it too often: who will be at my bedside, who will empty my apartment .. and then I push away all morbid thoughts that keep me from going forward... When I'm starting to feel better, sad thoughts return... and then they leave me alone... and come back... and again.
After taking so much care of my body, now my mind, my thoughts, moods, emotions, pains are playing trick on me and require my attention. It is as if pieces of thoughts and emotions fluttered in my mind, messy, crazy like scared butterflies flying in panick inside my brain.

Making decisions is hard and tiring. I sometimes take a decision _ very assertive... only to change my mind _ also feeling very assertive. Or on the contrary, I hesitate for hours on a minot decision, like wether I should go to the supermarket now or tomorrow; or what I will cook for Christmas diner. My mental resources are elsewhere. Emotions come from everywhere and thoughts seem incomplete and unconnected with each other. Everything and its opposite seems to co-exist and seems to fight to get my attention.

Yet, in every day life generally speaking, my body and mind seem to "work". The machine is slowly restarting. But the machine is not yet well oiled. Too often, I stop in what I am doing, staring at nothing, and lost in thoughts... when I go out of my reverie, a whole hour has passed and I do not know on what I spent it. This daydreaming allows me perhaps to put my ideas into place. I must allow time for thoughts to arise and reorganize.

My impression is that of a broken mirror from which I have to pick up the pieces to reassemble it. Pieces of me, a piece of laughter, a bit of sadness, anger, fear, fear for myself, my child. There are imaginary movies playing up there, a picture of my son an orphan at my funeral alternating; there are also beautiful scenes of real life like that of my son coming back from school with excellent marks in mathematics. There is the love of my family which makes my life sweeter and supports me, the little moments that make life so pleasant as rediscovered the pleasure of cooking or diving into a good book ...

I found a little trick that worked for me: adopt a certain attitude about the future seems to help me make decisions in daily life, and help to reconcile some conflicting thoughts and emotions. This idea came to me a few minutes after a yoga session.

The yoga teacher had asked us at the end of a training to practice a meditation during which we would try to become aware of our different "I": the ego, the emotional "I", the thinking "I", and the body "I"... We should focus on the "Is" and bring them to consciousness one by one, then think about all these perceptions together at one time. The goal was to think of all these things together by integrating at the same time, to feel whole and harmonious.

At the time, I opened my eyes wide and thought: "What is this bullshit?" Ah, forgive me, but since I learned to become more aware of my anger, I'm talking to myself in rough terms sometimes! I quickly corrected myself and thought "Why not, after all, I'm here to learn." Nothing really miraculous happened afterwards. But the idea must have made its path in invisible meanders because, during my ride back, on my way home, I had an impression that I could make one more step in solving the puzzle- the broken mirror I mean.

I was well aware that my moods were changing every few minutes. Sometimes I cried thinking about my death coming too soon, and sometimes I was able to enjoy the present moment, in mindfulness and being aware there was also a good possibility that I might live another 30 years! Thoughts jumped from one event to another at high speed, left, right. I could not stabilize the idea of a future: sometimes the future was in my thoughts, and sometimes it disappeared, grabbed by a probable return of the cancer.

The psychology study teaches us that we tell ourselves a story of our lives by collecting and interpreting our memories, and that the story of our life is one big illusion, but a necessary illusion. Our life is made of moments mostly forgotten, but we reorganise memory to transform it into a narrative logic where ideas are congruent with each other. We select and modify our memories constantly as our life unfolds (usually by ensuring that our ego doesn't suffer). This illusion is the basis of our present identity and our happiness ... or on the contrary, the basis of unhappiness for some others (cf. by Daniel Gilbert: Stumbling on Happiness).

Similarly, we invent a future, and we dream and imagine that our future will be happier than our now. This is also a great illusion as the strongest predictor of our future happiness level is in fact our current level of happiness - more than one study has shown this. Happiness depends on us and our state of mind, habits of thought, rather than our situation or our life events. And yet, we live in the illusion of a future good things that we "do" and "have" rather than to focus us on our way to "be" ...
The history of our life suddendly interrupted, abused and destroyed during the trial of cancer. In addition, the future is no more in place. When the time comes to leave the hospital, in remission, we are confronted with the story of our lives torn apart; there is a large gap in our story, between the new now and happiness as we had imagined it in our future. How can we continue to live as one person, in our entirety, with our new identity, now that our story has been discontinued and that we don't know what to do?

We need to reinvent our future _ the great delusion. We need to imagine our future, new dreams, dare again to imagine and to hope. Of course, we are more aware that the loss of this illusion is immensely painful. But we must succeed to take decisions everyday based on our new priorities without procrastinating and asking ourselves a thousand questions every minute for the tiniest decisions.
Once ("once" ... I speak as a grandmother, I just want to say before the diagnosis of cancer), I thought I had another 50 years to live if I practiced sport regularly. It was a fairly simple theory. It was my illusion, my hypothesis. I had the illusion of many beautiful things waiting for me in the future. So now what?

The idea that came to me to put these pieces together is to reconstruct this illusion of a future, even for a short period of time. Do I really want to live for 30 years or be dead in six months? I know that I have little influence on the cancer, but if I could choose? Without a doubt: I still want to live long, and not only live but also live well, have fun, learn and love and share, for as long as possible.

"Solution, Catherinette?" I said to myself on my bike ride home. Instead of changing perspective, twirl left and right like a leaf, instead of these crazy future-no-future thoughts that drive me nuts, I can just decide (and I know it's an illusion but it's ok), just decide to have one straight line to follow in the future - a line of thought that allows me to move ahead, a compromise between the countraries, between the "I will be dead in 6 months anyway" and "Perhaps I will be alive in 30 years". Result: "I really want to live at least another seven years to see William go to university."

It's funny but suddenly the idea was clear: "I will try to live another 7 years!" In one sentence, I drew the new story of my life for the coming 7 years. In the expression "I'll try," there is doubt but also hope, and in the goal of "7 years", there is realism and hope that new treatments are available if I live long enough.

I do not think at this stage that I can do much to influence the return of cancer or it's cure. Either the treatments had removed all cells, or they are still alive and will resume their multiplication and attack at any given time. However, I believe it is possible to influence a little the speed of progression of cancer, if it is still there, through physical activity, good nutrition and a healthy lifestyle in general, including the psychologically.

That's why I gather my fear and hope, contradictory feelings and thoughts in a single sentence, an attitude, modest but firm: I will try. This is a temporary solution. Some thoughts on the extreme opposite can now coexist simultaneously in my thoughts, help my decision making, leaving me in peace for the moment, helping me to look straight ahead and move without stumbling at every step.

***

vendredi 23 novembre 2012

Indécrottable athée cherche et trouve la spiritualité (Atheisme and spirituality, reflections from a cancer survivor)

(English version below)

"Maman, ça veut dire quoi 'spirituel'?" me demandait William, hier soir. Je lui ai donné une définition, puis une autre et je m'emmèlais dans les concepts pour tenter de lui expliquer que la spiritualité a un lien avec la religion mais qu'on peut être aussi très spirituel sans religion... Je voulais sans doute lui démontrer que JE suis spirituelle malgré mon athéisme indécrottable. J'aurai mieux fait de lui demander d'abord dans quel contexte il avait entendu ce mot au lieu de penser à mon égo. Je crois qu'il est parti avant la fin de mon explication,  mais je n'en suis plus certaine car je me suis retrouvée perdue dans mes pensées...

Je me pose beaucoup de questions sur la spiritualité en ce moment. Je lis "Le livre Tibétain de la Vie et de la Mort" écrit par Sogyal Rinpoché, et je m'interroge sur mes croyances et mes allergies aux croyances. J'aimerais tellement croire! Ca doit être merveilleux de penser qu'après notre mort quelque chose de nous reste en vie, va au ciel, ou bien est réincarné et retourne sur terre, et de préférence pour une vie encore meilleure...

Hélas, je ne crois rien de tout cela. Lorsqu'on ne croit ni à Dieu, ni aux esprits, ni à la réincarnation, ni à la vie au-delà du tunnel, ni au fait que nos morts sont toujours vivants dans un au-delà, la mort n'est-elle pas extrêmement plus cruelle? Deviendrai-je plus croyante à mesure que la dame avec sa grande faux s'approchera de moi? Peut-être, car effectivement la pensée de rejoindre un autre monde ou la croyance que j'aurai un futur dans une autre vie, et que je reviendrai près des miens sous une autre forme, est très apaisante. Alors peut-être changerais-je d'avis? 

Pour le moment, je crois seulement que je resterai vivante grâce à l'influence que j'ai pu avoir sur mes proches durant ma vie. J'espère qu'ils garderont de moi de bons souvenirs, des fous rires surtout! Certains se souviendront de quelques uns de mes moments de courage et s'en inspireront. Certains se souviendront de certaines de mes idées et elles feront leur cheminement dans leur esprit. Peut-être certaines de mes recettes de cuisine me survivront-elles aussi. Certains boiront un bon verre de vin rouge et lèveront leur verre au ciel de me disant "à ta santé Catherinette, où que tu sois j'espère que tu t'amuses encore" et ils souriront.

Un esprit rationnel qui ne croit à rien après la mort pourrait se ficher de tout - puisqu'il a la conviction qu'il n'existera plus du tout! Heureusement, nous ne sommes pas du tout des être rationnels. Notre esprit est construit pour permettre la survie de l'espèce. On sait, rationnellement, que lorsqu'on sera mort, notre réputation n'aura plus d'importance, et que le monde continuera à vivre (même très bien) sans nous (comment osent-ils!?). Et pourtant on veut laisser une bonne image, et on veut même, plus que jamais, incarner la bonté même pour qu'on nous aime encore plus qu'avant!

Pourquoi est-ce que je ne passe pas mes soirées à boire une bonne bouteille de rouge pour moi toute seule pour combattre ma tristesse  et pourquoi est-ce qu'au lieu de cela je continue à prendre soin de ma santé et à lutter pour survivre? Pourquoi est-ce que je continue à économiser mon argent pour ceux qui me suivront alors que je pourrais tout craquer pour faire un beau voyage autour du monde? Ce n'est pas seulement pour moi, c'est aussi une sorte de cadeau à l'après-moi.

Je crois qu'au fond, nous sommes tous des êtres spirituels et altruistes. C'est ce qui a permis à notre espèce de ne pas disparaître. Notre solidarité a permis l'organisation de sociétés extrêmement complexes, d'où sont nés des métiers hyper spécialisés qui ont permis aux groupes les mieux structurés et stables de développer des technologies et d'augmenter l'espérance de vie de manière spectaculaire (savez-vous que l'espérance de vie continue à augmenter et ne semble pas prêt de s'arrêter de grimper? 50% des enfants nés à ce jour dans les pays riches vivront jusqu'à 100 ans! Et les courbes ne semblent pas fléchir, leurs enfants auront peut-être des espérances de vie encore plus longues!). Non seulement nous vivons plus longtemps mais nous vivons de plus en plus confortablement. Notre solidarité permet de créer des logements agréables, des vêtements doux, des nourritures exotiques délicieuses venant de pays lointains. Nous avons alors le loisir, confortablement installés dans nos bureaux, ateliers ou laboratoires, de développer des philosophies, des arts, de nouvelles connaissances sur l'infiniment petit ou sur l'univers...

Alors je ne sais pas comment, mais je sais pourquoi, nous avons évolué pour être solidaires jusqu'au bout. Et j'appelle cela ma vie spirituelle, même si elle est sans religion. C'est la conviction que l'altruisme, au sens large c'est-à-dire un profond sens de responsabilité envers notre communauté humaine mais aussi la nature qui nous a crée et qui nous nourrit, sont des valeurs à défendre pendant notre vie et au-delà de notre mort.

Peut-être un jour pourront nous visiter d'autres planètes mais cela, ni moi, ni mon enfant, ni même ses arrières petits-enfants ne le verront. Et pourtant, je continue de vivre pour aider ceux qui resteront après moi, et pour que certains rêves se réalisent - en enseignant à mon fils à croire en ses rêves par exemple. Alors je sais que bientôt, dans quelques années, ou même dans 40 ans si un miracle se produit, plus rien ne restera de moi, je continue à penser que ce que je fais maintenant continue d'être important. Pour ceux qui vont me survivre. Qu'ils construisent un monde plus pacifique sur une planète plus propre. C'est peut-être pour cela qu'hier je n'ai pas réussi à dire en une seule phrase tout ce que représentait pour moi la notion de spiritualité à mon grand garçon de 11 ans.

***


"Mom, what does it mean: spiritual?" asked William last night. I gave a definition, then another and I started to tangle concepts in an attempt to explain that spirituality has to do with religion, but not necessarily because one can be spiritual without being religious... I probably wanted to show him that I'm spiritual despite being hopelessly an atheist. I should have asked first in what context he had heard this word, instead of letting my ego reply. I think that he actually left before the end of my explanation, and I can't even be certain because I was so lost in my thoughts ...

I often think about spiritual matters these days. I'm reading "The Tibetan Book of Living and Dying" by Sogyal Rinpoché, and I reflect upon my beliefs and my allergies to some beliefs. I would love to be a believer! It must be wonderful to believe that after we die life goes on in some ways, one's soul goes somewhere with other friendly souls, meeting our beloved again, or that one is reincarnated and returns to earth, preferably for an even better life, and perhaps again with the people we loved the most...

Alas, I do not believe any of this. When one doesn't believe in God or spirits, or reincarnation, or life after the tunnel, or the fact that our deads are still alive somewhere in some afterlife, isn't death extremely more cruel? Will I turn into a believer soon, as the black lady with her big scythe approaches me? Maybe yes, because the thought of actually joining another world or the belief that I have a future in another life, and that I would remain close to the people I loved, is very soothing. So perhaps I'll change my mind?

For the moment, I can only believe that I will stay alive thanks to the influence I have had on my environment during my life. I hope people keep good memories of me, especially our bursts of laughter! Some will remember some of my moments of courage and get inspired. Some will remember some of my ideas and these thoughts will make their own journey in their minds. Perhaps some of my food recipes will survive me. Some people will drink a glass of a really good red wine, look up at the sky and say loudly "Hey, Catherinje, wherever you are I hope you are still having fun " and they will smile.

A rational mind who believes in nothing after death could file everything - because she believes that nothing of her will remain anyway! Fortunately, we are not at all rational animals. Our mind is built to ensure the survival of the species. We know, rationally, that after our death, having a good or bad reputation will not affect us in any way, and that actually the entire world will live, very well thank you, without us (how dare they!?). And yet we want to leave a good image, and we want even more than ever, to embody goodness and been perhaps loved even more than before!

Why is it, that I do not spend my evenings drinking a good bottle of red wine for myself to drown my sadness? And why is it that instead I continue to take care of my health and keep on struggling to find ways to survive longer? Why do I continue to save my money for those who will follow me? Why not spending it all to have a great trip around the world? This is not only for me, this is also a kind of gift to the 'after me'.

I believe that deep down, we are all spiritual and altruistic beings . This is what has allowed our species to survive. Our solidarity has allowed the organization of highly complex societies, which have given birth to hyper specialized activities that allowed the well structured and stable groups to develop technologies and increase their life expectancy dramatically (life expectancy continues to increase and does not seem ready to stop climbing: 50% of children born today in rich countries will live up to 100 years! And the curves do not seem to flex: their children may have even longer life expectancies!). We not only live longer but we live more comfortably. Solidarity has created nice and warm accommodations, smooth and delicate clothing, delicious exotic foods travelling to us from distant countries. Then we have the leisure, comfortably settled in our offices, studios or laboratories, to develop philosophies, arts, new knowledge about the infinitely small or the universe ...

So I do not know how, but I know why we evolved to stand together until the end. And I call it my spiritual life, even if it is not religion. It is the belief that altruism, in the broad sense, that is to say, a profound sense of responsibility to our community, but also natural world in general, the nature that created us and sustains us with food, beauty and air, are values to defend during our lives and beyond our death.

Maybe one day we can visit other planets but neither I, nor my children, nor his great-grandchildren will ever see this happening. And yet, I still live to help those who will survive me, so that some dreams come true - teaching my son to believe in his dreams, for example. So I know that soon, in a few years or even in 40 years if a miracle happens, nothing will be left of me, and however I know why I still believe that what I'm doing now continues to be important. For those who will survive me. They have to continue to build a more peaceful world on a cleaner planet. This may be why yesterday I have not been able to answer to my big boy in one sentence, and to let him know all the richness of what the word spirituality meant to me.
***


mardi 20 novembre 2012

La peur d'une rechute et retour au travail (Fear of Recurrence, Back at Work)

English version below (in preparation, be patient...)

(ATTENTION: Ne lisez pas cet article si vous ne souhaitez pas connaître les chiffres des risques de rechute et de survie liés au cancer des ovaires)


Nous avons fait une petite fête entre amis pour célébrer ma rémission, mais mon cancer est loin d'être terminé. Lorsque les traitements s'arrêtent, nous ne sommes pas guéries, nous sommes simplement en rémission. Les risques que le cancer des ovaires revienne, même après une rémission complète comme la mienne, sont toujours très élevés lorsque le cancer a été détecté tardivement.

Voici ce que j'ai lu sur le site Doctissimo.fr, des chiffres qui me donnent la chair de poule.
(
http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/cancer_ovaire/13117-vaccin-recidives-cancer-ovaire.htm)
Les femmes qui souffrent d'un cancer [des ovaires] au stade tardif sont mises en rémission complète dans 80 % des cas mais 75 % d'entre elles rechutent en moyenne au bout de 16 à 18 mois. "Le traitement de la rechute a beaucoup progressé" précise le Pr. Pujade-Lauraine, chef du service d'oncologie médicale de l'Hôtel-Dieu. "Néanmoins, la médiane de survie ne dépasse pas les 3 à 4 ans, ce qui est particulièrement décevant, notamment en comparaison avec le pourcentage de patientes en rémission initialement" ajoute t-il.


Les première années seront déterminantes sur les chances de survie. Plus on survit, plus les risques de rechute sont faibles.

Mais je dois désormais reprendre la vie normale, avec ces chiffres terrifiants en tête. Je fais de mon mieux, et je profite de ma vie, mais la mort me tient compagnie. J'y pense souvent et je m'y prépare, tout en reprenant le rythme d'une vie normale faite de sorties, shopping, yoga, cuisine, ballades...

La rechute, la peur, l'angoisse, l'envie de continuer à être soutenue. J'ai discuté de ces sujets avec le médecin du travail. Je lui ai dit que cela allait être lourd de porter cette information alors que tout le monde au travail va me voire arriver et s'attendre peut-être à ce que je reprenne le rythme normalement. Je ne me sens plus la même personne. Emotionellement, j'ai beaucoup changé et je ne me vois pas faire comme si de rien n'était. Je sens que j'ai très envie d'en parler et de me sentir comprise et soutenue, y compris sur mon lieu de travail. En même temps, je ne veux pas, ni ennuyer les gens, ni devenir émotionnelle et perdre un certain respect. Je suis cadre et je suis supposée encadrer et soutenir les gens moi aussi, pas l'inverse.

Le médecin a été formidable et m'a donné un bon conseil. S'appuyant sur un exemple qui lui est très personnel et que je ne peux pas répéter ici, il m'a dit sans l'ombre d'un doute que je devais 1) en parler, 2) mais pas à tout le monde. A qui en parler: à mes supérieurs, ceux dont je sais qu'ils me soutiendront inconditionnellement, et à mon chef direct qui doit assumer la situation et dont la responsabilité est de me soutenir. Il doit savoir pourquoi parfois il est possible que j'aie besoin de repos, ou qu'il est possible que certaines situations ou discussions me rendent émotionnelle.

Et puis je peux en parler aux collègues très proches, les collègues que je considère comme des amis, mais il faut mettre des limites et ne pas en parler à tout le monde, même quand parfois on a envie de le crier! Il faut en discuter uniquement avec les personnes qui ont été là pour me soutenir et continueront de le faire. J'aurai besoin de ce soutien et je me sentirai bien mieux sur mon lieu de travail si je sens que quelques personnes sont proches de moi et seront présente si j'ai un coup de cafard.

J'ai trouvé ce conseil très utile. Je dois réintégrer le travail dans deux semaines, et je me sens confiante. Je sais désormais qui je vais informer de mes risques de rechute et leur demander un peu de patience pendant les mois qui viennent. Je sais qui seront les amies qui seront au courant et que je pourrais aller voir en catimini si je me sens mal.
 
Je suis impatiente de reprendre, de revoir du monde, de me montrer utile, d'être un peu distraite et d'arrêter de penser un peu au cancer pendant quelques heures dans la journée! Je reprends le travail sans grande ambition de carrière, mais avec simplement l'ambition de me montrer une bonne collègue et de faire un bon travail au jour le jour. Tant de choses ont changé en moi!

***
 
(WARNING: Do not read this article if you do not want to know the odds related to the risks of relapse and survival associated with ovarian cancer)


We had a small party with my friends and my son to celebrate my remission, but my cancer is far from over. When treatment is stopped, we are not healed, we're just in remission. The risk for ovarian cancer to return, even after a complete remission like mine, are still very high when the cancer was detected late.

Here's what I read on the site Doctissimo.fr, and these numbers gave me goosebumps.
(Http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/cancer_ovaire/13117-vaccin-recidives-cancer-ovaire.htm)
"Women who suffer from late stage [ovarian] cancer are put into complete remission in 80% of cases but 75% of them relapse after; the median cancer free period before relapse is around 16 to 18 months. 'The treatment of relapse has progressed,' says Prof. Pujade-Lauraine, head of medical oncology at the Hotel-Dieu.
'However, the median survival does not exceed 3 to 4 years, which is particularly disappointing, especially in comparison with the percentage of patients in remission initially', he adds.

The first years will be critical to survival. The longer a woman survives, the lower the risks of relapse.
With these terrifying figures in mind, I must now resume normal life. I do my best, and I carry on with my life, but death keeps me company. I often think about death, and I'm getting ready to it, while regaining a normal life rhythm made of outings, shopping, yoga, cooking, long walks... Honestly, my mood goes up and down, and I feel unable to control it.
Relapse, fear, anxiety, and a strong desire to continue to get support from somewhere. It's all there. I discussed these issues with the doctor. What will happen when I get back to work in two weeks?
I told him that it would be cumbersome to share this information when everyone is at work and expects me to progressively resume my activities, get back into a normal pace of working soon. I am no longer the same person. Emotionally, I've changed a lot and I do not see myself doing as if nothing had happened. I feel that I really want to talk and feel understood and supported, including at my workplace. At the same time, I do not want to annoy people, or to become emotional and lose some respect.
I am a manager and I'm supposed to mentor, help, guide and support people too. I can't be the one who desperatly need support.
 
The doctor was great and gave me some very good advice. Based on an example taken from his own life and that I can not repeat here, he said without a doubt that I had to 1) talk about it, 2) but not everyone. Whom to talk to: my managers, those who I know will support me unconditionally, and those whose responsibility is to support me. They need to know why sometimes it is possible that I need to rest, or why certain situations or discussions could make me become emotional. And then I can talk to colleagues, the ones whom I consider as my friends.

I will need to define my limits: I should not talk about this topic with everybody at work, even if sometimes I want to scream! I should be careful to bring up the topic only with the very people who were there to support me and will continue to do so. Not everybody cares or has the maturity to reply in a supportive way.
I found this advice very useful: I must return to work in two weeks, and I feel more confident that I will feel all right there. I now know whom I will inform about my risk of relapse my anxiety, and will ask them a bit of patience and extra support in the coming months. I know who are the friends who will be aware of my condition, and to whom I could go to when I (keep it secret, please) feel bad.

Actually, I can not wait to return to the working world: to feel useful, to get a bit distracted too and to stop thinking a little cancer for a few hours in the day!
I shall return to work with few ambitions for my future career, but with the simple ambition to be a good colleague and do a good job on a daily basis.
So much has changed in me!


***



 
 
 


samedi 6 octobre 2012

Au revoir cancer! (Goodbye Cancer!)

(English version below)

Ce n'est pas peut-être pas un adieu, mais c'est certainement un au revoir: Au revoir Cancer, et bon vent!

La dernière chimio a été plus difficile que les autres mais cette fois sans hospitalisation en urgence. Au programme, grosse fatigue, crampes dans le ventre, douleurs osseuses, nausées sans vomissement, perte du goût en partie... Heureusement, à nouveau, les symptômes s'éloignent petit à petit. Aujourd'hui je vais ressortir et tenter de faire de petites emplettes au supermarché, à pieds tranquillement après trois jours recluse à la maison. Demain c'est l'anniversaire de William. Onze ans mon grand bonhomme!

Le cancer s'éloigne et je rejoins ceux qui décrivent l'après cancer comme une période également difficile, marquée par la peur que la maladie revienne. J'ai envie d'en parler sans cesse, à tout le monde. Je n'ai pas envie de l'oublier du tout!

J'ai peur d'oublier et qu'il revienne me refoutre une grande claque dans la figure une fois encore.  Rester sur ses gardes, c'est la garantie de tomber de moins haut si on doit m'annoncer son retour.

Pourtant il va falloir parquer sa peur, la mettre en veilleuse en quelque sorte. Ne pas l'ignorer mais ne pas la laisser prendre toute la place. J'ai envie de profiter de cette seconde vie qui s'offre. Cette peur est normale et elle est même très saine! Elle va me permettre de rester sur mes gardes, de continuer à faire attention à ma santé, repos, alimentation, sport... Mais elle pourrait aussi me gâcher la vie si elle est trop forte.

Il faut donc lui dire, comme je l'ai appris lors des cours de méditation "Je t'ai vue, je sais que tu es là, la peur, mais je vais regarder d'autres choses, les belles choses de la vie. Et je vais faire de beaux projets à nouveau en toute conscience. Ce n'est pas que je te snobe, ma peur, mais dans ma nouvelle vie, tu seras simplement une ombre qui passe, un souffle de vent, juste une émotion passagère qui va et qui vient".

Entre deux rémissions, au mois de Juin, quelques semaines avant ma troisième et dernière opération et la chimio qui a suivi, j'ai répondu à une annonce qui demandait à des femmes ayant eu le cancer de poser pour un magazine de mode afin de montrer que la beauté était partout, y compris dans les cicatrices du passé. J'ai alors lancé ma candidature et suis allée à Paris pour une journée faire des photos avec une photographe et mannequin, Velvet D'Amour. Velvet n'a pas la taille standard d'un mannequin: elle est très-très ronde. Avec aplomb et sans aucune peur, elle prend des risques, y compris celui de lancer un magazine de mode mettant en scène la beauté de la diversité féminine (magazine Volup2 visible sur internet volup2.com).

Elle m'a inspirée, et m'a fait beaucoup rire et sourire devant son objectif. Imaginez, me voici, au beau milieu du cancer, entrain de poser en plein air dans un parc à Paris! Je m'amuse à jouer la starlette d'un jour, avec mes cheveux courts et raides comme la justice et mon immense cicatrice! Ces photos me font du bien car c'est bien moi là sur la photo, je souris et je passe une superbe journée à découvrir les coulisses de la mode avec Velvet et Mounira la maquilleuse.

Je suis remplie d'une nouvelle sérénité, faut-il appeler cela l'espoir? Je vais faire en sorte que les jours, les semaines, les mois, et les années qui viennent soient pleines de bonheur - avec et sans cancer.

Mon nouveau programme: Ranger sa peur dans un coin. Reprendre des forces. Redécouvrir les petits plaisirs. Revivre. Se souvenir et etre reconnaissante pour les jours supplémentaires qui vont m'etre donnés.    
























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English Version

It is not perhaps not a farewell, but it certainly is a goodbye: Goodbye Cancer and have a good journey!

The last chemo was more difficult than the others, but this time without an emergency hospitalization. On the program, tiredness, stomach cramps, bone pain, nausea but no vomiting, partial loss of taste... Fortunately, again, the symptoms recede gradually. Today I'm going out and trying to make small purchases at the supermarket, walking quietly after three days stuck at home. Tomorrow is William's birthday. Eleven years old, my big guy!

Cancer being away... I agree with those who describe the period after cancer as also a difficult one, marked by the fear that the disease returns. I want to talk constantly to everyone about 'it'. I do not want to forget it at all!

Because I might forget and then it would come back and slap me right in the face again, bang! KO again! Keep an eye out, you are guaranteed to fall from a less high place if it announces its return, aren't you?

But I'll have to park my fear somehow. No to ignore it, but to not let it take up all the space. I want to take this second life that has been offered to me. This fear is normal and it is even very healthy! It will allow me to stay on my guard, to continue to pay attention to my health, to rest, to eat well and remain active ... But it could also ruin my life if it is too strong.

Therefore I tell my fear what I learned in meditation classes "I saw you. I know you're there, the fear. But I will look at other things, the beautiful things in life. And I will do great projects again in all mindfullness. It is not that I'm snobbish, my fear, but in my new life, you will just a passing shadow, a breath of wind, just a fleeting emotion that comes and goes. "

Between two remissions, in June, a few weeks before my third and last operation and the chemo that followed, I answered an ad that asked women who had cancer to pose for a fashion magazine dedicated to diversity. The objective was to show that beauty is everywhere, including in the scars of the past. I then ran my application and went to Paris for a day to get my pictures taken by the photographer and model, Velvet D'Amour. Velvet is not the standard size model: she has lots of curves. With confidence and without fear, she takes risks, including the launch of a fashion magazine featuring the beauty of all females (the magazine is Volup2 visible on the internet at volup2.com).

She inspired me, and made me laugh a lot and smile all day long. And it was not too difficult. Imagine me, I am there in the midst of cancer, posing outdoors in a park in Paris on a sunny day! I really enjoyed playing the starlet for one day with my short straight hair ("your hair is as straight as justice," my mother told me)... and my huge scar! These pictures make me feel well today when I look at them again - because it's really me there on the picture, I smile and I spent a wonderful day exploring the backstage of fashion with Velvet and makeup artist Mounira - f..ck cancer!

I am now full of serenity, call it hope perhaps. I will make sure that the days, weeks, months and years ahead be filled with happiness - with and without cancer.

My new program: Park my fear in a corner. Regain strength. Rediscover the small pleasures. Live again to the fullest. Remembering and being thankful for what I still have.

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jeudi 6 septembre 2012

Pas de perruque (No Wig for Me)

(English version below)
 
 
A 16 jours de la chimio carbo- et taxol, la tête me gratte et je me retiens d'agraver les démangeaisons en évitant de me toucher le crâne. C'est le signe que mes cheveux vont bientôt tomber à nouveau. Arrgh! Quelle horreur! C'est un des pires moments à passer! 
 
Le première fois je n'ai pas pu me regarder dans un miroir pendant plusieurs jours. Puis je m'y suis habituée mais je n'ai jamais aimé ce que j'y voyais. Petit à petit je me suis habituée. On m'a dit cent fois que les cheveux courts me vont vraiment bien. J'ai fini par finalement le croire aussi! Alors va pour les cheveux courts. Et un petit foulard sur la tête pendant les trois prochains mois.
 
J'ai choisi de ne pas porter de perruque. Je n'ai pas envie de faire l'effort d'avoir la tête qui gratte et de me demander toutes les cinq minutes si "ça" se voit. La perruque c'est pour plaire aux autres, mais ce n'est pas confortable. Est-ce que je veux penser à moi ou aux autres? Est-ce que je suis plus laide avec ma casquette qu'avec une perruque? Ce n'est pas une décision rationnelle, ce sont les émotions qui nous guident dans ce choix. Pour moi c'est une décision dictée par des souvenirs.
 
J'ai travaillé comme volontaire autrefois à l'association Aides à Dijon. C'était le début de l'épidémie de Sida. Les séropositifs, souvent des hommes homosexuels, cachaient le plus souvent leur statut. J'en ai connu un qui prétendait avoir le cancer de l'estomac pour ne pas avoir à réléver la honteuse vérité. Je souffrais pour eux de connaître leur secret et de savoir qu'en cachant la vérité ils ne permettaient pas à leurs bons amis de les soutenir. Quel immense isolement ont dû ressentir ceux qui n'ont jamais rien dit!
 
Alors je n'ai pas envie de cacher ma maladie. Je ne veux pas l'étaler non plus. Mais je ne veux pas avoir à la cacher pour éviter le regard des autres. Lorsque j'ai travaillé avec les enfants en fauteuil, tout le monde les regardait partout où ils passaient et ils n'avaient pas le choix. Il fallait quand même bien que leur vie continue et qu'ils s'amusent au parc Nigloland, commes les autres, et malgré les regards! A la société d'évoluer et d'apprendre à mieux accepter ses malades et ses handicapés. Sortons tous et montrons nous!
 
L'an dernier, je portais une casquette en laine en octobre alors qu'il ne faisait pas encore très froid. Mon occuliste chez qui je passait pour acheter mes lentilles jetables m'a lancé "ben vous avez peur d'attraper un rhum!". Plusieurs mois plus tard, je repassais et il se souvenait encore de sa remarque et s'est excusé: "Je suis désolé mais je ne me suis aperçu que lorsque vous être sortie que vous n'aviez plus de cheveux dans la nuque et j'ai compris." Il était absolument désolé de toute évidence, n'avait pas oublié l'incident, et m'a demandé gentiment des nouvelles de ma santé. J'ai répondu que le bon coté de cette histoire est que je ne devais pas avoir l'air malade du tout à part mes cheveux!
 
Alors, je m'expose au risque de recevoir des regards un peu pesants ("elle a plus de cheveux celle-là, pourquoi, ça doit être un cancer, merde elle a l'air jeune pourtant..."), peut-être des regards de pitié. Mais aussi du soutien et de la chaleur humaine! Ce serait dommage de s'en priver. Le cancer m'a habituée à accepter l'aide des autres sans me sentir humiliée, diminuée, et tout en gardant mon respect - et bien sûr aussi sans en abuser. Ne pas recevoir cette chaleur humaine, toute cette humanité, ce serait s'isoler dans la tristesse de la solitude. Alors, je n'ai pas besoin d'une perruque.
 
Florence est entrain de me coudre les "tubes" en tissus qui sont bien pratiques à enfiler et à nouer dans le cou. Prenez un carré de 50 cm sur 50 cm d'un tissu doux et un peu élastique, cousez-le sur un coté - ça fait un "tube". Vous l'enfilez sur votre tête et vous roulez le bout du haut sous la nuque. J'ai acheté plusieurs tissus au marché et j'ai ai de plusieurs couleurs. Un petit coup de rouge à lèvre, le tour est joué. Quand je sors, je peux porter par-dessus une casquette habillée; l'hiver un bonnet ou une casquette en laine.
 
Au Nouvel An, j'aurai à nouveau une coupe courte et on boira alors à notre bonne santé en sachant de quoi on parle.
 
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English version

Sixteen days after the carbo-and taxol chemo, my head feels itchy and I try to control my hands to avoid scratching my head and aggravating the itching. This is a signal that my hair will soon fall again. Arrgh! Horrible! This is one of the worst times to go through!

The first time I could not look at myself in a mirror for several days. Then I got used to it but I never liked what I saw. Gradually I got used to seen myself bold. Then the hair grew back so slowly. A hundred people told me that short hair fit me really well. I ended up to finally believe it as well. Then I'll go for short hair. But for the next three months, it will be a simple head scarf.

I chose not to wear a wig. I did not want to make the effort to have the head scratching and wondering every five minutes if "it" shows. The wig is to please others, but it is not comfortable. Do I want to think about others comfort or mine first? Am I that ugly when I wear a cap compared with a wig?

It is not a rational decision actually. Strong emotions guide our choice. For me it is a decision dictated by memories. I once volunteered to the Aids association in Dijon. It was the beginning of the AIDS epidemic. HIV-positive people, often gay men, most often felt like hiding their status especially at work. I knew one who claimed to have stomach cancer not to have to disclose the shameful truth. I suffered with them, knowing their secret and knowing that by hiding the truth they were also not allowing some good friends to support them. What an immense isolation must have felt those who have never said anything!

So I do not want to hide my illness. I do not want to show off either, there is nothing to be proud of really. But I do not want to hide it by fear of others opinion. When I worked with children in wheelchairs, everyone looked at them with pity or fear, everywhere they went, and they had no choice. Their life had to go on and they had fun in entertainment parks despite the looks! Ultimately, it's up to the society to grow and learn how to accept the sick and disabled. So let's get out without fear.

Last year, I wore a wool cap in October when it was not yet cold. The tenant of an store where I stopped by to get a box of lenses gave me: "well you're afraid of getting a cold!?" Several months later, I was passing by again and he still remembered his remark and apologized: "I'm sorry but I have noticed only when to turned to get out of the store that you had no more hair in the neck only then I understood. I am so sorry for what I said!" He was indeed really embarrassed, had not forgotten the incident, and then asked me gently about my health. I replied that at least, the good side of this story is that I did not look sick at all!

So I expose myself to the risk of receiving some heavy looks ("oh dear she seems to have no hair, probably cancer, shit, she looks so young though..."), and may be the looks full of pity. But also support and warmth! It would be a shame to miss it. Cancer has accustomed me to accept help from others without feeling humiliated or diminished, and while keeping my respect - and of course without abusing from the situation. Why not accepting this warmth, this whole humanity, the best of what human beings have to offer to each other? Why would I rather choose to hide my condition and remain isolated and lonely? So I do not need a wig.

Florence is in the process of sewing me "tubes" in tissues that are handy to put on and tie. Take a square of 50 cm x 50 cm with a soft and slightly elastic fabric. Sew it on one side: it makes a "tube" shape. Put it on your head and tie the end of it on your neck. I bought several fabrics at the market so I can have them is various colors. Lipstick. You're done. When I go out, I can wear it also under a nice cap.

Next New Year, I'll have a short cut again and then we will all drink to our good health,  knowing what we are talking about.




mercredi 15 août 2012

Bonnes nouvelles du front (Good News from the Front)

(English translation below)

Septième semaine après ma splénectomie. Les douleurs physiques ont disparu petit à petit, et mes derniers vomissements sont un lointain souvenir... Je me sens infiniment mieux maintenant! J'ai à nouveau envie de croquer la vie à pleines dents. C'est incroyable comme le moral peut être dépendant de la fatigue et de la douleur physique!

Je me sens à nouveau normale. Je me sens en forme comme je ne l'ai jamais été depuis un an! J'ai encore de légers symptômes mais mineurs par rapport à tout ce que j'ai connu cette dernière année. Ma cicatrice tire encore, lorsque je me tiens bien droite - or il faut se tenir droite et s'étirer sur le conseil des physiothérapeutes, pour que les tissus restent souples. Et j'ai perdu mes muscles donc je suis encore assez faible. J'ai repris le vélo et je peine lorsqu'il sagit de lutter contre le vent ou monter une toute petite pente. Mais l'important est que je peux reprendre le sport à petite dose, quotidiennement et c'est ce que j'ai fait depuis une semaine pour être la plus forte possible avant la prochaine bataille.

L'infection située derrière mon estomac a énormément diminué sur les scans: c'est le signal que mes médecins attendaient pour m'autoriser à reprendre la chimiothérapie. Coup de fil cet après-midi: rendez-vous mardi prochain pour la première séance. En route pour 3 séances espacées de 3 semaines, carboplatine-taxol, comme en Novembre dernier.

Pour le moment, je profite du quotidien. Je profite surtout de William qui passe avec moi sa dernière semaine de vacances en attendant la rentrée des classes lundi. Nous avons visité le musée des sciences d'Amsterdam et je me suis étonnée à marcher pendant des heures dans le musée sans être épuisée. Ca fait du bien de se sentir à nouveau physiquement valide! Je me sens prête pour les prochains traitements cette fois-ci. C'était loin d'être le cas il y a trois semaines! Le corps et l'esprit humains sont quand même étonnament adaptables et résistants. Je me mets à croire que je vais peut-être vivre encore longtemps, qui sait. Tant mieux car j'ai à nouveau envie de faire et de voir beaucoup de choses :)
 

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English version: News from the front

Seventh week after my splenectomy. The physical pain has gradually disappeared, and my last vomiting are a distant memory ... I feel much better now! All over again I want to live life to the fullest. It's incredible how our mental drive can be dependent on fatigue and physical pain!

I now feel very normal again. I feel like good like I've never felt in the last year! I still have mild symptoms but very minor compared to everything I've be through. My scar still pulls when I stand up straight - and I have to stand up straight and to stretch to follow the advice of physiotherapists, so that the tissues remain flexible. I've also lost my muscles so I'm still pretty weak. I took the bike and felt weak when I had to fight against the wind or pass a small bridge. But the important thing is that I can return to sports daily and that's what I did these last days to be as strong as possible before the next battle.

The size of the infection seen behind my stomach has diminished dramatically on the scans: that was the signal that my doctors were waiting to allow me to resume chemotherapy. Phone call this afternoon: Appointement is taken next Tuesday for the first session. So, en route, there will be three sessions spaced by three weeks, with carboplatin and taxol, like I did last year in November.

For now, I'm enjoying the day. I enjoy being with William who is with me for his last week of vacation until classes resume on Monday. We visited the Science Museum in Amsterdam and I was surprised to walk for hours in the museum without being exhausted. It feels good to feel again physically valid! I feel ready for the next treatment this time. It was hardly the case three weeks ago! The human body and mind are so amazingly adaptable and resilient. I will perhaps live long, who knows. And that would be nice because, once again, I have in mind plenty of things I would like to do or see :)

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samedi 21 juillet 2012

Mon kit de survie (My Survival Kit)

(English version below)

Depuis quatre jours je suis rentrée à la maison. Je suis bien faible et amaigrie de 5 kg. J’ai des douleurs abdominales lorsque je respire un peu fort. Mes cuisses semblent avoir perdu tous leurs muscles. Où est-elle la femme qui faisait 25 km de vélo par jour pour aller au travail et qui enchainait avec deux heures de cours d’aviron? Il faut à nouveau repartir à zéro, se reconstruire physiquement et remonter la pente psychologiquement. Comment ai-je tenu cette dernière année?
Environ 60% des patients souffrent de difficultés psychologiques importantes après leur cancer: anxiété, dépression et stress post-traumatique. Comment faire partie de ceux qui retrouveront la santé mentale autant que physique, et transformeront cette expérience pour se construire une meilleure image de soi, une meilleure appréciation de la vie, voire même y trouveront même des raisons encore plus fortes de vivre?
De retour à la maison, j’étais un peu désorientée et j’ai éprouvé le besoin de faire une liste de tout ce qui a marché pour moi - mon kit de survie psychologique. C’est un méli-mélo des choses apprises lors de mes recherches en psychologie sur le bien-être et la gestion du stress, et les sages conseils prodigués par tous les professionnels du cancer que j’ai lus ou côtoyés directement. Cela va m’aider de les récapituler ici. J’espère que ces trucs et astuces aideront aussi les patients qui me lisent.
 
Mon kit de survie psychologique,
ou
Tout ce que j’ai fait pour garder le moral (et qui a marché):
 
- J’ai été active lors des traitements médicaux, malgré le sentiment initial de n’avoir rien d’autre à faire qu’à recevoir passivement les traitements. Rester active consiste à se renseigner sur les traitements, les meilleurs hôpitaux, les meilleurs spécialistes et s’assurer que l’on reçoit des soins optimaux.
- J’ai continué à recevoir des visites et des nouvelles de l’extérieur régulièrement ce qui m’a soutenue surtout lorsque j’ai arrêté de travailler. Les collègues ont continué de me donner des nouvelles.
- Je me suis divertie avec des films légers et tendres, des émissions présentant de magnifiques paysages, ou des sketches comiques. On m’a prêté des piles entières de DVD! 
- J’ai perdu puis retrouvé les petits plaisirs comme le plaisir de manger. Souvent, je ne pouvais pas manger beaucoup, mais je voulais manger quelque chose de vraiment bon. J’ai commandé des plats livrés à la maison lorsque je ne pouvais pas me traîner au restaurant mais que j’avais une forte envie de manger des sushis.
- Je me suis mise à cuisiner beaucoup mieux, malgré mes nouvelles limites (les constipations très douloureuses et les changements de goût dus aux chimios ou aux antibiotiques). Je me suis renseignée sur la nutrition anticancer et ai appris à changer mon alimentation petit à petit. Je me suis fait des fiches de recettes et j’ai maintenant beaucoup d’idées menus remplis d’ingrédients que le cancer déteste.
- J’ai pris conscience de mes sentiments tristes, et je suis passée par la colère et l’absence d’espoir. J’ai même voulu mourir plutôt que souffrir comme je souffrais. J’ai appris à laisser ces sentiments exister en moi, sans les étouffer, sans me détester. Ces sentiments sont totalement justifiés. Il m’a fallu apprendre à les observer avec une certaine distance et me convaincre qu’ils ne seraient jamais que temporaires. Ces sentiments ne définissent pas qui je suis : je ne suis pas une coléreuse. Mais parfois je suis en colère et je l’accepte sans me blâmer et en laissant passer cette émotion.
- J’ai pris beaucoup de plaisir à partager mes découvertes et échanger des informations sur la maladie, les traitements de la douleur ou le bien-être avec d’autres patients et survivants du cancer. Je me suis sentie utile et me suis sentie exister alors que je ne pouvais retourner au travail ni m’occuper de mon fils comme je l’aurais voulu. 
- J’ai appris à accepter l’aide de mes amis et des gens qui sont venus m’aider et me rendre visite pour me divertir et me remonter le moral. J’ai petit à petit appris à demander de l’aide pour les petites choses, puis j’ai osé demander de l’aide pour de plus grands services (c’est ainsi que j’ai finalement accepté l’aide de mes collègues qui sont venus repeindre ma chambre!).
- J’ai appris à parler à William de ma maladie en restant optimiste. On m’avait conseillé de lui en parler pendant la journée, pendant que j’étais occupée pour que ce ne soit pas trop formel. Je lui ai dit que j’avais de très bons médecins qui faisaient tout ce qu’ils peuvent pour nous guérir. Récemment, je lui ai dit que si un jour mon cancer n’était pas guéri et que j’étais en train de mourir je le lui dirai, mais que pour le moment, les médecins pensaient que le cancer allait partir.
- J’ai dû trouver de nouvelles activités avec lui qui s’adaptaient à ma mauvaise condition physique. Par exemple, lorsque je n’ai plus été en mesure de jouer dehors au ping-pong avec lui, nous nous sommes mis à jouer sur la console Wii. Je me suis assurée qu’il continuait à jouer et à s’épanouir hors de la maison, en demandant à d’autres parents de l’inviter certains après-midis[C1] .
- J’ai ressenti le présent plus intensément. Mes émotions sont devenues beaucoup plus vives. Je pleure plus facilement, que ce soit de tristesse ou de joie. Je vis le présent plus intensément, avec plus d’attention sur toutes ses sensations perçues et avec des émotions plus profondes. J’ai apprécié un simple feu en plein air, le soir de la fête d’Halloween, comme si c’était le dernier. Je n’avais jamais trouvé un feu aussi beau. Je ne me lasse pas de regarder les arbres et les canaux. Les enfants et leurs parents me semblent remplis d’amour et je souris en les regardant, me sentant moi aussi imprégnée de cet amour universel.
- J’ai éprouvé le besoin de m’appuyer sur des modèles et des inspirations. J’ai trouvé de la force dans l’autobiographie d’un nageur hollandais qui a gagné une médaille d’or olympique quelques années après avoir lutté contre le cancer. J’ai également été inspirée par des photos ou vidéos trouvées sur l’internet, à l’instar de la photo d’un homme qui fait l’équilibre en fauteuil roulant. Je garde en tête le doux visage d’une femme, vu par hasard sur un magazine de psychologie, qui survit toujours, plus de vingt ans après sa rechute du cancer des ovaires. Lorsque le courage me manque, je pense à eux pour puiser dans leurs exemples le courage et l’espoir.
- J’ai appris et pratiqué la méditation de pleine conscience basée sur la méthode de Kabat-Zinn. Je pratique la méditation assise, quelques minutes chaque matin - sauf parfois lorsque j’ai trop de douleurs, comme aujourd’hui, et je la remplace par une méditation marchée.
- Avec la méthode Kabat-Zinn, j’ai été initiée au yoga dans sa dimension méditative (yoga hatha) qui consiste à bien inspirer et expirer avec les mouvements, se concentrer sur toutes ses sensations corporelles durant le mouvement, et pratiquer la compassion, le non-jugement et la patience pendant les mouvements. J’en fais un petit peu chaque soir et certains après-midis - exception faite des semaines suivant les chirurgies. 
- J’ai évité de développer une mentalité de victime. Lorsque j’étais été tentée de m’apitoyer sur moi-même, j’ai pensé aux personnes qui ont eu moins de chance que moi et me suis forcée à énumérer toutes les belles choses et les privilèges que les hasards de la vie m’ont offerts. J’ai connu des enfants lourdement handicapés et vivant dans la douleur en permanence. J’ai vu la pauvreté en Inde et en Afrique du Sud, et son cortège de maux, malnutrition, stress, tristesse, violence, maladie et mort précoce des proches. 
- J’ai pensé à la vie comme une succession de saisons. Le cancer, c’est l’hiver. L’hiver ce n’est pas la fin de la vie forcément, et peut-être le printemps reviendra-t-il si nous survivons cet hiver-ci. L’hiver, c’est le temps du repos forcé. C’est aussi le moment de consolider ses racines: consolider ses relations avec son entourage et découvrir de nouvelles techniques de bien-être. 
- J’ai eu de sacrés fous rires. Nous avons organisé des soirées pour regarder entre amies des sketches drôles et des films comiques. Je me suis aussi mise à m’assoir à côté de mon fils pendant qu’il regardait des émissions pour enfants et à rire avec lui. Autrefois, je le laissais seul devant la télé et je m’agitais. Il a adoré me voir m’assoir enfin et partager avec lui les blagues télévisées. 
- J’ai fait une liste de tout ce que j’avais appris pendant le cancer, et elle était étonnamment longue. Je me suis alors mieux rendue compte que j’avais encore le contrôle de beaucoup d’aspects de ma vie.
- Je prends des antidouleurs lorsqu’ils ont été prescrits par les médecins et je ne joue pas à être brave inutilement: les antidouleurs permettent de se sentir mieux moralement, de rester plus active et de mieux dormir. Ils permettent donc une récupération plus rapide.
- J’ai imaginé et planifié des vacances après chaque chirurgie et chimio, pour me donner un objectif et me motiver à me remettre en forme.
- J’ai lu les bienfaits de l’activité physique sur la survie après le cancer. Je me suis donné des objectifs pour reprendre l’activité physique en douceur, un peu de marche et de vélo chaque jour.
- Il faut bien dormir. Pour mieux dormir et faire de beaux rêves, mieux vaut faire quelque chose d’agréable avant de se mettre au lit, un beau film, un livre, un bain aux chandelles, appeler une copine et rire.  
- La peur de la récurrence est très forte mais normale. Je n’ai pas un remède magique. Je me dis qu’il faut du courage et j’accepte mes peurs. Je m’occupe. Je cherche à me rendre utile. Je fais quelques projets d’avenir à court-terme.
- Pour cultiver l’espoir, je laisse passer les idées noires (« J’y penserai plus tard, pas maintenant »). Je me concentre sur les belles choses dans le présent. Je choisis de penser à des choses énergisantes et positives. Je me suis inspirée de la psychologie cognitive et comportementale dans laquelle on demande aux patients qui souffrent de phobies ou d’anxiété de prendre conscience de leurs pensées récurrentes et de les remplacer par une belle image. Au départ j’utilisais toujours la même image: un souvenir de mes vacances dans l’ile de Ténériffe, seule avec mon fils, après mon divorce - nous avions fait du parachute ascensionnel derrière un bateau, au-dessus de l’océan. Petit à petit, j’ai utilisé d’autres pensées plus variées et basées sur les événements présents ou de petits projets.
- J’ai improvisé une soirée disco à la maison avec mon fils: lumière douce, musique rock et disco... et on se trémousse!  
- Je me confie désormais à un(e) ami(e) lorsque je perds espoir. J’ai eu des scrupules à le faire car je ne voulais pas embêter mes amis, ni entendre « Il faut être forte ». Beaucoup de gens veulent me soutenir et m’aider et il faut leur en laisser la possibilité en partageant certains moments de faiblesse. On est plus fort à plusieurs contre la maladie.
- J’ai fait des albums photos et laissé des traces écrites de ma vie pour le jour où je ne serai plus là, pour que mon expérience et mon histoire, mes réussites et mes ratés, soient transmis à mon enfant, mes neveux et nièces, et peut-être même à leurs enfants.
- Pour survivre, il s’agit de ne pas paniquer et d’attendre patiemment le bon moment pour passer à l’action. C’est un conseil de survie entendu dans l’émission Survivorman. Cet homme, Les Stroud, part sept jours tout seul avec ses caméras, dans des endroits du monde très isolés où la survie devient extrêmement difficile. Il nous dit qu’il faut bien réfléchir et n’agir qu’au bon moment plutôt que perdre son énergie inutilement. Le rapport avec ma situation? J’y ai pensé lorsque j’étais bloquée sur mon lit d’hôpital, anxieuse de bouger et de me sauver. La survie, c’est beaucoup d’attente et d’économie d’énergie.
- Je ne me suis pas blâmée pour ce qui est arrivé. Il n’y a rien qu’on puisse faire pour éviter un cancer de l’ovaire. Les causes en sont multiples et quasiment inconnues.
- J’ai continué à aimer la vie et ai gardé toutes mes raisons de vivre : ce qui me faisait le plus plaisir, mon fils, ma famille et mes amis, mon activité d’écriture, me sentir utile. J’ai découvert de nouvelles opportunités, puisque j’ai pu aider d’autres patientes à travers l’écriture de ce blog (maintenant, de ce livre !) que certaines trouvent très inspirant. J’ai développé une nouvelle façon d’écrire, plus personnelle, en langue française, et très différente de l’écriture scientifique en anglais qui m’était familière.
- Je me suis mise à beaucoup marcher dans les bois environnants ou, plus rarement, en ville. Cela m’a permis de rester physiquement active tout en me détendant, en profitant de la tranquillité de la nature ou en regardant de belles choses dans les vitrines.
- J’ai retrouvé des plaisirs corporels disparus pendant les traitements et que je ne pensais plus jamais éprouver. J’ai repris soin de mon corps petit à petit, non pas seulement pour rester en forme mais pour me sentir bien et éprouver à nouveau du plaisir. J’ai surmonté ma peur d’avoir mal. Un jour, un massage complet m’a redonné le goût à la vie en me reconnectant avec mon corps et en me redonnant confiance - je redécouvrais que mon corps pouvait encore éprouver beaucoup de plaisir à être touché. 
- J’ai regardé les étoiles les soirs d’hiver et me suis perdue dans la lecture d’un atlas d’astronomie. J’ai pris conscience de l’immensité de l’univers, des possibilités d’autres vies sur les milliards d’autres planètes, de notre petitesse et de nos limites. Cela m’a aidée[C2]  à mettre mes problèmes en perspective et à apprécier la beauté et le miracle de la vie, à ressentir un très fort amour pour tout ce qui est vivant.
 
-  Les copines m’ont dit et répété que j’étais encore jolie malgré la maladie et malgré la chute de cheveux. Longtemps, je n’y ai pas cru et ai pensé qu’on me disait ça pour me faire plaisir. Et puis un jour, je me suis laissée maquiller par une artiste maquilleuse professionnelle. J’ai été photographiée et j’ai pu voir que je restais encore très jolie. Depuis, je me sens enfin jolie, malgré la maladie. L’effet a été tellement fort que je me sens jolie même sans maquillage.
- J’ai appris à arrêter le pilote automatique de mes pensées grâce au cours de pleine conscience. Pendant les tâches quotidiennes qu’on fait sans réfléchir (se doucher, laver la vaisselle...), j’observe mes pensées, mes émotions, mes sensations: Qu’est-ce que j’étais en train de penser, là, tout de suite? Je souris à surprendre mes propres pensées. Je me connais mieux.
- J’ai dû gérer les priorités très différemment car je n’avais pas l’énergie de faire autant de choses qu’avant. Il s’agissait de répartir les choses urgentes à faire sur plusieurs jours. Au jour le jour, une liste des choses à faire ne devrait contenir qu’une chose “nécessaire et désagréable”, pour trois choses agréables. Le rapport 1 pour 3 (une expérience désagréable pour trois expériences agréables) est recommandé par les psychologues positivistes pour bénéficier d’un maximum de bien-être dans la vie quotidienne.
- A un moment donné dans la journée, entre deux activités, je m’assois trois minutes en fermant les yeux. Je respire en relaxant mes muscles et je prends conscience de mon corps (tensions, douleurs, bien-être, positions), de mes émotions et de mes pensées. Encore un exercice tout simple mais vraiment puissant appris au cours de Pleine Conscience, pour mieux se connaitre et se relaxer.
- Lorsque je suis vraiment découragée et aquoiboniste, j’ai la certitude que les moments de découragement, comme les moments de bonheur, ne sont que temporaires.
- Je me sens active lorsque je peux aider la recherche ou les victimes du cancer. Je donne un peu d’argent au Roparun car je connais beaucoup de collègues qui s’entrainent toute l’année pour être en mesure de courir ce marathon. Il s’agit du marathon le plus long du monde, Paris-Rotterdam, dont les bénéfices sont destinés à améliorer la qualité de vie des patients en stade terminal (logements proches de l’hôpital pour les parents des enfants hospitalisés par exemple. 
- Je suis allée à la piscine en bikini. Personne ne s’est sauvé en courant. Non je ne ressemble pas à Elephant Man. J’ai une cicatrice, d’accord, une très grande cicatrice, mais personne ne m’a regardée avec dégoût. Ce n’est pas aussi terriblement laid qu’on le pense - c’est juste une marque sur la peau.
- J’ai commencé à faire une liste des dix plus belles choses que je voudrais faire dans ma vie. Et maintenant je vais prendre chaque rêve l’un après l’autre et voir comment je peux le réaliser: combien cela coûtera-t-il? Avec qui le ferai-je? Quand et où? Mon rêve après ma première chimio était de retourner skier dans les Alpes. C’est fait. Merveilleux souvenirs pour moi, mon fils et la famille qui m’accompagnait. Le prochain est prévu pour l’après-chimio en octobre et le troisième sera l’été prochain, dans un an. J’éprouve déjà beaucoup de plaisir à les préparer. 
- Dans le groupe rencontré au cours de pleine conscience, j’ai pu partager des émotions que d’autres partageaient également. J’y ai trouvé beaucoup de compréhension, d’acceptation, de soutien moral.
- Et le soir avant de me coucher, je me remémore les plus beaux instants de la journée. Le plus souvent, il y en a beaucoup!
Avec tout ça dans mon kit de survie, je sais que je vais doucement remonter la pente.
 

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English version. My survival kit


Four days since I've returned home. I am very weak, emaciated: I have lost 10 pounds again. I have abdominal pain when I breathe a bit much. My thighs seem to have lost all their muscles. Where is the woman who used to cycle 25 km a day to and from work and then trained at the rowing club the same evening for two hours? I must start from scratch again, to rebuild myself physically and psychologically, and go back up the hill. How did I survive this past year?

About 60% of patients experience significant psychological difficulties after cancer: anxiety, depression and PTSD. How to join those who regain their full physical health and mental health, and transform this experience to build a better self-image, a better appreciation of life, or to find an even stronger reason to live?

Back at home, I was a little confused and I felt the need to make a list of everything that worked for me - my survival kit. It's a mishmash of things learned during my activity as a researcher on well-being and stress management, and wise advice provided by professionals I have read or met directly. It will help me to recapitulate them here and I hope these tips and tricks will also help patients who read me:

- I have been active in medical treatment, despite the initial feeling of having nothing else to do than passively receiving treatment. Staying active means learning about treatments, and consulting the best hospitals and the best specialists to ensure that we receive optimal care.

- I continued to receive visits and regular news from the outside. It helped me especially when I stopped working. Colleagues have continued to give me news from outside and this made me eager to get soon back in the arena.

- I was entertained with movies, progremmes showing beautiful scenery, or comedy sketches. I was loaned piles of DVDs!

- I lost and then found again small pleasures like the pleasure of eating. Often I could not eat much, but I wanted to eat something really good. I ordered food delivered at home when I could not drag my own body to the restaurant but I had an urge to eat sushi.

- I started to cook much better, despite my new limits (very painful obstruction and changes in taste due to the chemos and the antibiotics). I started to read about "anticancer" ingredients and have learned to incorporate them into my diet. I then made recipe cards and I now have many ideas of menus filled with ingredients that cancer hates.

- I became aware of my sad feelings, and I went through anger and hopelessness. Some days, I even wanted to die rather than suffer so much pain. I learned to let these feelings exist in me, and to not deny them or hate them. These feelings are totally justified. I had to learn to "look at them" with a certain distance and convince myself they could be only temporary. These feelings do not define who I am. I am not an angry woman in general, but sometimes I'm angry and I accept it without blaming me and letting that emotion erase in my consciousness without judging.

- I have much pleasure to share my findings and exchange information about the disease, treatment of pain or well-being with other patients or cancer "survivors." I felt good and felt I was doing something helpful eventhough I could not yet return to work or take care of my son as I would have liked.

- I learned to accept help from my friends and the people who wanted to help me, come to visit, to entertain me and to cheer me up. I gradually learned to seek help for small things, then I dared to ask for help for larger services (my colleagues have even come and painted my bedroom recently).

- I learned to talk to William about my illness while remaining optimistic. I was advised to talk to him during the day while I was busy to avoid making it too formal. I told him that I had very good doctors who were doing everything they could to help me be free of cancer. Recently, I told him that if one day my cancer could not be cured anymore, and if I was about to die, then I would tell him - but I insisted that for the time being, doctors believed my cancer was going away.

- I had to find new activities to be with my son, that would fit with my new poor physical condition. For example, when I have not been able to play outside table tennis with him, we started to play on the Wii. I made sure he continued to play and thrive outside the home, asking other parents to invite some afternoons.

- I felt many things more intensely. My emotions have become much more vivid. I cry more easily, whether of sorrow or joy. It seems that I can perceive some things more intensively, with more attention to all accompanying sensations and with deeper emotions. I enjoyed a simple fire at the Halloween party as if it were my last and I've never seen a fire as nice as this little one. I never get tired of watching trees, birds and canals. Children and their parents seen in the street seem filled with love and I smile watching them, feeling steeped in this universal love.

- I felt the need to rely on models and inspirations. I found strength in the autobiography of Lance Armstrong (although I do not like all facets of his personality) and that of a Dutch swimmer who won an Olympic gold medal a few years after struggling against cancer. I was also inspired by photos or videos found on the internet as this photo of a man who is walking on his hands while having this lefs in a wheelchair. I keep in mind the sweet face of a woman, seen by chance on a psychology magazine, which still survives, more than twenty years after her relapse of ovarian cancer. When I feel discouraged, I remind myself of these pictures and they help me find courage and hope.

- I've learned and practiced mindfulness meditation based on the method of Kabat-Zinn. I practice sitting meditation, a few minutes every morning - except sometimes when I have too much pain, as now, and I will replace it by a walking meditation.

- With the method Kabt-Zinn I was introduced to yoga in its meditative dimension (hatha yoga) which consists of paying attention to inhaling and exhaling in harmony with movements, being conscious of bodily sensations during movement, and practice compassion, non-judgment and patience during the movements. I can practise a little bie every evening and some afternoons - except for weeks following surgery.

- I have avoided developing a victim mentality. When I was tempted to complain of my fate, I thought about people who are less fortunate than myself and forced myself to enumerate all the beautiful things and privileges that life have offered me. I have known of many children with severe disabilities living in constant pain. I saw poverty in India and South Africa, and its correlates, malnutrition, stress, sadness, violence, disease and early death of relatives.

- I thought about life as a succession of seasons. Cancer is winter. Winter is not the end of life necessarily, and perhaps the spring will return if we survive this winter. Winter is the time of enforced rest. This is also the time to consolidate one's roots. One can use it to consolidate relationships with our surrounding or to discover new techniques of well-being.

- I had bursts of laughter. We have organized evenings with friends to watch funny programs and comedy movies. I have also taken the new habit of sitting next to my son as he watched children's programs and to laugh with him - instead of washing dishes or paying bills. He enjoyed seeing me sitting down with him and share with him the television jokes.

- I once made a list of everything I had learned in cancer, and was surprised to discover it was quite long. I then realized I still had control over many aspects of my life.

- I take pain killers when they are prescribed by doctors and I do not pretend to be brave in vain: the painkillers make you feel better mentally, to remain more active and sleep better. They thus allow a faster recovery.

- I imagined and planned a vacation trip after each surgery and chemo, to give myself a goal and motivate me to get back in shape.

- I read the benefits of physical activity on survival after cancer. I set goals to resume physical activity gently, a little walk and bike every day.

- You have to sleep. To sleep better and have sweet dreams, better do something nice before going to bed, a beautiful film, a book, a candlelit bath, call a friend, cuddle if you have a partner.

- The fear of recurrence is very high but normal. I have not a magic cure. I think it takes courage and acceptance of one's fears. I try to make myself useful. I care about something else than myself. I make some plans for the future even if only in the short-term.

- To maintain hope, I let aside my dark thoughts ("I'll think about it later, not now"), I focus on the beautiful things and things that energize me. To do that, I used methods used by cognitive and behavioral psychology in which patients who suffer from phobias or anxiety are asked to become aware of their recurrent thoughts and replace them with a beautiful image. Initially, I always used the same picture: a memory of my holiday in Canary Islands, alone with my son, after my divorce, when we did parasailing over the ocean. Little by little, I used other thoughts more varied and based on current events or small projects.

- I improvised a disco night at home with my son: soft light, rock and disco ... and we danced and giggled!

- I share my sorrow with a friend when I lose hope. I used to be reluctant to share my anxieties: I did not want to bother my friends, or hear "you have to be strong." (I know). But many people wanted to support me and help me. You have to give them the opportunity to help, and sharing some moments of weakness. We are stronger if we are not alone to fight against the disease.

- I made photo albums and left a trail of my life for when I'm gone, so that my experience and my history, my successes and my failures, will reach my child, nephews and nieces and perhaps even their children.

- To survive means to not panic and wait patiently for the right moment to take action. This is an advise from the TV show "Survivorman", the man who goes seven days without food to show us how to survive in totally isolated places. He explains we must think and act only good time rather than lose energy unnecessarily. What's the link with my situation? I just think about it when I am blocked on my hospital bed, anxious to move and escape.

- I did not blame myself for what happened. There is nothing we can do to prevent ovarian cancer whose causes are multiple and can not be predicted.

- I've continued to love life and have kept all my reasons for living, what gave me more pleasure, my son, my family and friends, my writing activity, being useful to some people. I even found new opportunities as I could help others by writing this blog that some find inspiring. I developed a new way of writing, more personal, and in my native language, which is very different from the academic writing (in English) which was familiar to me.

- I did a lot of walking in the woods nearby and sometimes in town. This allowed me to stay physically active while relaxing me, enjoying the tranquility of nature or watching beautiful things in stores.

- Some bodily pleasures disappeared during treatment and I thought I would never again experience them. I had to learn to take care of my new body, not just to stay in shape but to feel good and feel pleasure again. I overcame my fear of pain. One day, a full body massage gave me a new taste for life by reconnecting my body and restoring confidence in me - I rediscovered my body can still have great pleasure to be touched.

- I watched stars in the winter skies and lost myself into the reading an atlas of astronomy. I realized the immensity of the universe, the possibilities for other lives on the billions of other planets, our smallness and our limitations. It helped me to put my problems into perspective and to appreciate the beauty and wonder of life, to feel a strong love for all living things.

- Friends have told me repeatedly that I was still pretty despite illness and even in spite of my hair loss. For a long time I did not believe them - they just said this to make me happy of course. And then one day I got a professional makeup and was photographed in colorful clothes. I realized that I still looked very nice when I took the trouble to choose the right clothes and the right colors for me. Since then, I do feel pretty, despite the disease.

- I learned to stop the autopilot in my thoughts through mindfulness. While I do everyday tasks without thinking about it (showering, washing dishes ...), I stop my thoughts and I "look": What was I thinking, right there? I smile at my own thoughts. I know myself better.

- I had to manage priorities very differently because I did not have the energy to make as much as before. The principle is to urgent things on different days. Day by day, a 'to do' list should hold one "necessary and unpleasant" thing for three pleasant things. This ratio of 1 to 3 is recommended by researchers in positive psychology to reach an optimal well-being in everyday life.

- At one point in the day, between two activities, I sit 3 minutes, closing my eyes. I breathe, relaxing my muscles and I become aware of his body (tension, pain, wellness, positions), then my emotions and finally my thoughts. This simple exercise is really powerful, as many of these mindfulness techniques used to know ourselves better and be more relaxed.

- When I'm really discouraged and I'm like "what's this life anyway", I tell myself that life goes on and always ends up bringing its beautiful moments. Moments of discouragement, as the moments of happiness, are only temporary.

- I feel good when I can help research or cancer victims: I give money to the Roparun because I know many colleagues who train all year long to be able to run this marathon. This is the longest marathon in the world, between Paris and Rotterdam, and benefits are used to improve the quality of life for patients in terminal stages (among their achievements, they built housing nearby a hospital for parents of hospitalized children).

- I went to the pool in bikinis. No one ran away screaming. No, I do not look like Elephant Man. I have a scar, okay, a very large scar, but no one looked at me with disgust. It's not as terribly ugly as I can think - it's just a mark on the skin.

- I started making a list of ten most beautiful things I would like to do in my life. And now I will take each one dream after another and see how I can achieve it: How much will it cost? Whom shall I go with? When and where? My dream after my first chemo was to be back skiing in the Alps. It's done. Wonderful memories for me, my son and the family who accompanied me. The next dream is planned for after my next chemotherapy, in October and the third will be next summer, in one year. I have already a lot of fun to prepare it.

- In the group met in the minfulness class, I was able to share emotions that other cancer patients had also experienced. I found a lot of understanding, acceptance, emotional support there.

- And at night, before going to bed, I remember the most beautiful moments of the day. Most often, there are many!

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